Avant la projection du Robin des bois de Ridley Scott, une Cérémonie d’ouverture bling bling et pompeuse, avec un grand absent : le cinéma.
Ca y est, c’est reparti pour une dizaine de jours de paillettes, de stupre, de luxe, de stars, de controverses, et, peut-être, de cinéma. Le 63e festival de Cannes a donc débuté hier soir avec la traditionnelle cérémonie d’ouverture, une purge de 25 minutes orchestrée et offerte en clair par Canal +.
Sur la scène du Palais, Kristin Scott Thomas remplace Edouard Baer. Très mimi dans sa belle robe, une énorme choucroute en guise de coiffure, maquillée comme une voiture volée, elle tente de donner un peu de glam à l’exercice, sous les yeux fatigués de Frédo Mitterrand et de Gilles Jacob. Comme on est entre riches, elle se lamente sur le volcan qui a failli gâcher la fête, mais bizarrement tout son discours tourne autour de l’éternité.
Au fil de la cérémonie, elle profère des bêtises définitives comme « Je suis éternelle, je traverse les siècles grâce au cinéma », « Comme le regard des acteurs, les récits sont éternels » ou encore « Nous allons partager l’éternité du cinéma »… On a un peu honte pour elle, dans la salle même les smokings semblent s’endormir. Kristin Scott Thomas commence alors à faire défiler les jurés sur scène : la ravissante Kate Beckinsale, le romancier Emmanuel Carrère, Victor Erice ou Benicio Del Toro qui fait péter l’applaudimètre.
Comme on est Cannes et que l’on est TRES engagé, il y a un carton sur le fauteuil vide (symbole !) du cinéaste iranien Jafar Panahi, « retenu contre son gré dans son pays », avec un plan de coupe dans la salle sur la dessinatrice iranienne Marjane Satrapi. De fait, Panahi, réalisateur du "Ballon blanc" et de "Hors jeu", est emprisonné depuis mars à Téhéran car les autorités l’accusent d’avoir « préparé un film contre le régime portant sur les événements post-électoraux », en référence aux manifestations après la réélection contestée d’Ahmadinejad en juin 2009. Mais bon, cela ne saurait durer car Frédo a appelé, avec Bernard Kouchner, à la « libération immédiate » de Jafar Panahi. Pas très glam tout ça.
Pour empêcher le téléspectateur de zapper, Kristin Scott Thomas annonce Tim Burton et Canal balance un extrait d’"Ed Wood", quand Burton faisait encore de bons films, suivi d’un petit montage d’extraits de "Batman", "Pee Wee" ou "Edward aux mains d’argent", sur fond de Quatre saisons de Vivaldi.
On arrive aux choses sérieuses et la reine Kristin envoie un magnéto avec des extraits des dix-neuf longs-métrages en compétition. On est enfin dans le cinéma : Apichatpong Weerasethakul, Olivier Assayas, Abbas Kiarostami, Mike Leigh, Alejandro González Iñárritu, Lee Chan-dong, Ken Loach, Xavier Beauvois, Im Sang-soo. J’ai un petit frisson quand je vois Takeshi Kitano flinguer trois yakuzas dans un sauna. A vue de nez, il manque quand même un ou deux films réellement excitants, des productions américaines comme "Tree of Life", le Terrence Malick avec, excusez du peu, Sean Penn et Brad Pitt, "The Rum Diary" sur Hunter S. Thompson avec Johnny Depp, "Somewhere" de Sofia Coppola avec Benicio Del Toro ou encore "The Way back" de Peter Weir avec Colin Farrell et Ed Harris.
La Cérémonie s’achève enfin. Stars du "Robin des bois" de Ridley Scott présenté juste après, Cate Blanchett et Russell Crowe montent sur scène. Pour faire style, Cate baragouine « Nous déclarons maintenant l’ouverture du trois cent troisième festival de Cannes. » Cela ne nous rajeunit pas !
Deux remarques pour finir. La Cérémonie d’ouverture de Cannes est toujours aussi insupportable, comme une fête entre milliardaires et beautiful pipole d’où le péquin moyen est irrémédiablement exclu. L’autre grand perdant, c’est le cinéma. Entre deux promos sur Chanel, Audi et L’Oréal, Canal est censé célébrer le septième art. Mais combien de films de Cannes seront distribués en salles ? Si les films de la Compétition officielle ont une petite chance de sortir dans trois salles à Paris, qu’en est-il des films de la Semaine de la critique ou de la Quinzaine ? Le plus grand festival du cinéma ou un mirage doré de la société du spectacle ?
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