Dans un futur apocalyptique proche, un mercenaire est chargé de convoyer une mystérieuse jeune fille. Où quand le chaos cyberpunk annoncé se transforme en nanar de l’année. Derrière la caméra de Babylon A.D., ce ratage XXL, Mathieu Kassovitz.
Mathieu Kassovitz est un peu notre Sean Penn. Même belle gueule, mêmes poses de bad boy à deux balles, même goût pour la baston, même tendance à s’engager politiquement et à en découdre avec les autorités, même talent de comédien, un métier sur lequel les deux hommes crachent copieusement. Mais si Sean Penn est un cinéaste assez passionnant, le cas de Kasso semble, euh, plus problématique…
Tout commence en 1993 avec Métisse, comédie très sympa, mais repompage intégral de Nola Darling de Spike Lee. Deux ans plus tard, Kasso, sous très grosse influence scorsesienne, signe son meilleur film, La Haine, rafle un prix à Cannes et se chope un melon d’enfer. Il ne dégonflera plus… Avec Assassin(s) (« Le film le plus nul depuis l’invention du cinéma », selon Le Figaro), Kasso se veut le philosophe de la violence sociétale et nous livre une œuvre formellement maîtrisée mais au message limité : « le Mal, c’est Nagui ! » Hum… Kasso se fait siffler à Cannes pour ce brouillon de film à thèse et se mure dans la pose du génie incompris. De jeune réalisateur sympa, il va alors se métamorphoser en cinéaste de commande et se spécialiser dans le nanar XXL. Les Rivières pourpres, film de genre comme nous le serine le marketing, est une vraie bouse avec Jean Reno. Suite au carton au box-office, Kasso se fait débaucher par la Warner et tourne son premier long-métrage américain, Gothika, un petit film d’épouvante insipide, où il cite pêle-mêle Dario Argento et le cinéma d’horreur japonais genre Ring. Quatre ans plus tard, Kasso revient avec ce qui devait être l’œuvre de sa vie, l’adaptation du pavé crypto-apocalyptique de Maurice G. Dantec, Babylon Babies.
Mercenaire à la voix de Barry White, Toorop, ses cicatrices, ses tatouages, a survécu aux guerres qui ont ravagé le monde depuis le début du XXIe siècle. La mafia qui règne sur l’Europe de l’Est lui confie une mission délicate : convoyer de Russie jusqu’à New York une jeune fille aux pouvoirs étranges, pour la remettre aux mains d’un ordre religieux tout-puissant…
Avant d’être un nanar cosmique, Babylon A. D. a été un cauchemar pour Mathieu Kassovitz. Obligé de collaborer avec les Américains pour trouver un financement digne de ce nom, Kasso a enchaîné les galères. Alors qu’il avait envisagé Vincent Cassel pour le rôle de Toorop, il a dû se fader le musculeux mais pas très fin Vin Diesel, vedette de séries B. et de films de baston. Lors d’un tournage catastrophe en République tchèque, Kasso a explosé le budget, failli se faire virer par la production, affronté Diesel qui ne voulait plus bosser avec lui et, pour couronner le tout, les distributeurs mécontents auraient exigé un remontage (le film dure 15 minutes de moins dans sa version US).
Résultat, la montagne accouche d’une souris et Babylon A. D. est foiré dans les grandes largeurs. Le scénario est criblé de trous béants, les dialogues dignes de Nietzsche (« Y a pas de pitié pour les faibles »), les acteurs roulent des mécaniques, attendent que ça passe ou cabotinent (c’est pas parce que Depardieu a un faux nez qu’il est bon comme dans Cyrano) et tous les plans semblent avoirs étés copiés-collés : Les Fils de l’homme, Blade Runner, Matrix, New York 1997, Incassable, tout y passe ! Encore plus incompréhensibles, les séquences d’action sont bâclées, voire grotesques.
Deux exemples. Tout d’abord, la baston entre Diesel et Jérôme le Banner, champion du monde de K1. On imaginait un combat bestial, un grand moment entre les deux montagnes de viande, du brutal, quoi ! Résultat, on a une bagarre de moins d’une minute, sur-découpée, mal filmée, sans enjeu, où tout fait toc. Plus pathétique encore, une poursuite en scooters des neiges. Diesel fait des doubles saltos avec son engin, tire en même temps sur ses poursuivants, avec explosion en plein vol. On se croirait dans xXx, déjà interprété par Diesel, c’est tout dire ! Les 101 minutes sont donc un véritable calvaire pour le fan de SF (je ne parle pas des fans de Dantec, paix à leurs âmes) et même l’amateur pervers de nanars ne pourra être que consterné par la médiocrité et la bêtise crasse de l’ensemble. C’est simple, on se croirait dans une production Luc Besson, entre Le Transporteur et Yamakasi !
Néanmoins, Babylon aura peut-être permis à Kasso de prendre ses distances avec Hollywood. Visiblement embarrassé par le produit final, Kasso a annulé au dernier moment ses interviews avec la presse française, prétextant des repérages pour son nouveau film, L’Ordre et la morale, sur l’assaut de grotte d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie en 1988. Qui sait, Kassovitz a peut-être envie de refaire du cinéma ? Et pourquoi pas un vrai film ?
Les dernières chroniques ciné de Bakchich :
tout à fait d’accord avec la crtique "sévère".
j’ai vu le film jeudi 21/08/2008, et un film de série B et encore : dialogues creux, scènes d’actions en gros plan ou on n’y voit rien ; on sent qu’il n’a aucune complicité entre les acteurs et le film est très mauvais ; et la voix de C Rampling c’est bien pire que la voix de vin diesel. j’avais lu les critiques mais là je n’aurais jamais immaginé que ce film vu le budget était si mauvais et la musique pas terrible j’étais content de voir le générique de fin pour partir…… j’attends avec impatience le prochain James Bond, si critique positive.
bien dirigé (par Audiard), Kassovitz est un des meilleurs acteurs du ciné français. Côté réal., c’est une cata ambulante depuis le début - revoir aujourd’hui sa pub pour Nike maquillée en "film de banlieue" (dont la réplique la plus célèbre est directement pompée (citée ?) aux 7 mercenaires) peut être un supplice ou un grand moment de franche rigolade, selon l’humeur.
alors que Dantec "moi je dialogue avec les intellos Identitaires, pas avec les islamo-fachistes" est à la fois un sale con® et un des écrivains les plus ébouriffants de ces 10 dernières années (au moins pour les Racines du mal).
le résultat est à la hauteur de ce choc culturel : nanardesque à souhait. À revoir dans 15 ans avec un pétard dans le nez.
cordialement
S.
ps : je découvre avec bonheur qu’il y a quand même à Bakchich des gens capables de d’écrire sur les films - ce dont les chroniques risibles sur la Palme de Cantet par une paire d’éditorialtristes atteints d’anaphrodisie cinéphilique m’avaient un temps fait douter !