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LUTTES / CHRONIQUE DU BLÉDARD

A Paris, en auto avec les dingos

mardi 3 juin 2008 par Akram Belkaïd
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Vous êtes amateur de sensations fortes ? Vous souhaitez accélérer le vieillissement de vos cellules ? Il vous suffit de conduire à Paris. Nul besoin d’y consacrer plusieurs heures : quelques minutes suffisent pour se faire un sacré mauvais sang. Attendez, amis lecteurs oranais, sétifiens, ténésiens ou algérois. Je sais… Je vous imagine, bondissant et, avec force anecdotes, revendiquant pour votre ville la palme de la folie au volant. Les demi-tours sans prévenir, les carrioles sur l’autoroute, les voitures qui roulent sans feux ou sans démarreur, les bennes qui se détachent, les tarés qui slaloment, doublent sur la droite et roulent sur la bande d’urgence parce que, lorsqu’on est un homme, il faut aller vite quel qu’en soit le prix. N’ayez crainte. Le blédard n’a rien oublié de tout cela et l’on me dit même que, crédit auto facilite, la situation est pire puisque le fléau des embouteillages s’ajoute à la longue liste des aberrations qui donnèrent tant de bonne matière à la célèbre émission du « Chourti El-Moukhfi », le fameux policier caché.

En Algérie, on vit comme on conduit, pas à Paris

Mais, sans vouloir vexer personne, il n’y a rien d’étonnant à cela. En Algérie, on vit comme on conduit. C’est-à-dire mal. Et cela vaut pour le reste de l’Afrique du nord (ah, la jungle du Caire et la circulation chaotique en Libye…) ou même dans tout le monde arabe (avec ses hécatombes quasi-quotidiennes, la route qui relie Abou Dhabi à Dubaï va finir par rentrer dans le livre des records). Dans nos pays, le comportement des automobilistes n’est pas l’indice qui permet de lever le voile sur un aspect caché de la société. C’est juste un élément du décor parmi tant d’autres. On fait avec, sans trop s’agiter, et cela d’autant qu’il y a d’autres nuisances avec lesquelles il faut se colleter.

À l’inverse, dans le cas parisien – facilement extensible au reste de l’Hexagone, il s’agit bel et bien d’un révélateur. À rouler dans Paris, on comprend, surtout si l’on vient d’ailleurs, que quelque chose est en train de se dérégler. Ou peut-être que cette chose n’a finalement guère évolué. Bien sûr, il y a les enseignes des grands magasins, les étals débordants des librairies, le TGV, le développement ahurissant des services, de la monétique, l’Internet haut débit et les téléphones portables qui, désormais, se trouvent aussi dans les cartables des plus petits. Mais il suffit de prendre le volant pour découvrir un monde des plus archaïques. Jugez donc !

Première expérience. Le périphérique. Ni route à grande vitesse ni véritable autoroute, cette ceinture qui entoure les vingt arrondissements parisiens n’est plus adaptée au trafic qui la submerge tous les jours. En s’aventurant dans ce triple ruban gris aux abords noircis par la suie, on se trouve rejeté dans ce passé, pas si éloigné, où nombre d’immeubles de la ville avaient les toilettes uniquement sur pallier. Roulons donc sur le périph’. Il faut regarder bien droit, faire attention à l’idiot qui serre de près à l’arrière, ne pas se laisser intimider par le camion venu de Bulgarie dont on se demande ce qu’il fait ici et dont on se dit que sa cargaison serait bien mieux sur une péniche, un train ou un bateau.

Les fous aventuriers du périph’

Mais le pire, reste les motards. Il y a deux secondes, un point jaune était visible sur le côté droit du rétroviseur. Maintenant, il a disparu. Ah, le voici qui vous frôle sur la gauche, poing tendu parce qu’on ne lui a pas fait place. Tout à l’heure, il roulera entre deux voies et gare aux voitures qui ne s’écarteront pas rapidement car, bien entendu, tout cela se fait au dessus des cent kilomètres heures. Sur le périphérique, les motards sont une calamité mais il ne faut pas en dire du mal car il paraît qu’ils sont les chevaliers des temps modernes, symbole de la liberté, de l’évasion et de que sais-je encore.

Le cauchemar : motos, camions mais aussi fourgonnettes, souvent conduites par nos frères et cousins. A fond la caisse Momo ! Le périph’, c’est ton champ de bataille, l’endroit où, toi aussi, tu peux en imposer à tous. Queues de poissons, gymkhana, course poursuite, conduite sport avec une guimbarde aux tôles taguées, comprenez-vous cette sueur qui commence à inonder mon volant ? Et les radars dans tout cela ? Et bien, l’habitude ou le GPS aidant, tout le monde sait où ils se trouvent (à supposer que personne ne les ait mis hors d’état de nuire durant la nuit à coup de barre de fer ou de peinture noire). Entrons dans Paris en prenant soin d’éviter les places de l’Etoile ou de la Concorde sans oublier les nids-de-poule du Boulevard Saint-Germain (si, si, je vous jure qu’il y en a !). Attention ! Là, sur la droite, un scooter s’est faufilé entre la voiture et un bus qui, pour des raisons qui m’échappent, a décidé de ne pas rouler dans son couloir réservé (où je n’ai pas le droit de m’engager sinon points en moins). L’explication vient quelques dizaines de mètres plus loin. Dans le dit couloir, les véhicules de livraison se comptent à la pelle. Etrange, l’heure limite est pourtant passée mais c’est ainsi : dans la capitale française, on livre magasins, hôtels et particuliers de l’aube au soir dans le bruit et la joie des riverains.

M… ! Heu, pardon mais je viens de piler sec. Des scooters, encore. Une nuée de coursiers qui en rajoutent dans la prise de risque, qui jouent en permanence avec leur vie parce qu’ils sont payés à la pièce et parce que c’est devenu une culture. Il se dit qu’il en meurt au moins un par semaine. La chose est tellement banale que les pages faits divers n’en parlent même plus. Par contre, les accident mortels de velib’ continuent d’intéresser les gazettes. Tiens, visez cette zézette qui, portable à l’oreille, fait du vélo en claquettes, qui penche à gauche, à droite, qui peine en plein faux-plat. La rue n’est pas très étroite mais restons sagement derrière elle. Avançons à son rythme malgré les protestations sonores du 4x4 aux vitres sombres qui me talonne. Me voici dans le treizième arrondissement, non loin de Tolbiac. Cela va faire bientôt une heure que je tourne dans le coin et je n’arrive toujours pas à trouver où stationner. Un vrai labyrinthe : c’est la dernière trouvaille de la Marie pour écoeurer les automobilistes. Je pourrais verser dans la beaufitude anti-Delanoë mais il faut que je vous laisse. C’est décidé : je vais remonter la rue en marche arrière, prendre un sens interdit et stationner sur le trottoir !

Voir en ligne : in le Quotidien d’Oran

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7 MESSAGES

Forum

  • A Paris, en auto avec les dingos
    le jeudi 19 juin 2008 à 19:27, cheyenne a dit :
    je me demande si vous parlez de Paris ou du Caire ??? et si vous y avez déjà conduit (à Paris) je trouve la conduite très facile j’y conduis depuis 40 ans. Je ne vois jamais de gens prendre les sens interdits , partir en marche arrière ou faire des demi-tours inopinés - sauf les crétins en vélib qui ignorent le code et les bonnes manière. Eux ont des accidents , le vélo en ville c’est pour les expérimentés pas pour tous ces bobos qui se la jouent écolo avant de prendre leur 4x4 pour le week-end. Mais votre position me rappelle celle de Fadela Amara, il y a peu en Algérie qui considérait que la situation des banlieues françaises était pire que celle en Algérie . On croit rêver ??
  • A Paris, en auto avec les dingos
    le mercredi 4 juin 2008 à 00:58, Odilon a dit :

    Vivement la fin du pétrole, on s’épargnera autant de cartes postales !

    "Dis moi comment tu conduis, je te dirais qui tu es", la belle affaire !

    Tous des nantis urbains qui brûlent notre avenir proche à la bougie vacillante du piston de la modernité ! Explosant, au sens "propre" et figuré.

    En tout cas j’espère que le petit artisan oranais se rendant sur son chantier (au fait Akram tu nous vendrais pas deux fois le même article ? Voir le "Quotidien d’Oran", j’espère qu’il ne te paye pas trop grassement à Bakchich) appréciera d’être dans le même sac que le rentier de Dubaï qui file de Mall en pis à Abou Dhabi à l’allure de l’exploitation de ses "frêres" pakistanais.

    Je n’en démord pas les rapports de classe me paraissent plus éclairant que ceux de boîte à vitesse pour comprendre le monde !

    Allez cousin, tu nous avais habitué à mieux ! au boulot !

    • A Paris, en auto avec les dingos
      le mercredi 4 juin 2008 à 10:04, akram b. a dit :

      Salut, la chronique du blédard est d’abord publiée dans le Quotidien d’Oran et reprise ensuite, sans aucune contrepartie, par Bakchich (et cela pour la plus grande satisfaction de l’auteur de cette chronique qui trouve très bien que ses textes soient lus des deux côtés de la Méditerranée). Cela étant, si ça continue, je vais peut-être demander des royalties payées en bidons d’essence…

      Et à part cela, on ne peut pas toujours se focaliser sur les rapports de classe mais rv tout de même pour la prochaine chronique… Cordialement akram

  • A Paris, en auto avec les dingos
    le mardi 3 juin 2008 à 11:45
    J’ai vécu et conduit en Arabie Séoudite en 1990 ,dans le genre c’est une expérience assez stressante. Par exemple , il est très fortement déconseillé de s’arrêter lorsque les feux passent l’"orange" , en tout cas jamais sans avoir vérifié dans son rétroviseur qu’aucun véhicule ne se trouve derrière vous…J’ai gardé ce réflexe longtemps après mon retour en France.
  • A Paris, en auto avec les dingos…qui plus est à moto
    le mardi 3 juin 2008 à 10:40, Zar a dit :

    Bonjour,

    Vous imaginez bien qu’avec un tel ressenti vous allez vous attirer l’opprobre de la plèbe à deux-roues.

    Pour nous autres motards qui prenons le périph’ chaque jour sachez que le "jeu" est mortel car lorsque jeu il y a, dangereux cela devient.

    La moto (le deux roues en général) est plus un outil pour regagner sa liberté horaire et non la liberté de "gazer" à plus de 200 km/h.

    Il faut comprendre que sur Paris, le deux roues est l’arme ultime pour arriver à l’heure et s’éviter l’horreur des embouteillages (et son coût) ainsi que celui des transports bondés.

    Résultat, certains s’amusent sur le périph’ mais je vous invite à monter en moto derrière un camarade à deux roues. Vous verrez qu’il ne s’agit pas de roulez vite mais de rester en vie entre celui qui roule à droite, qui téléphone en même temps, qui regarde ses dossiers du jour, qui change de radio, qui regarde le panneau de publicité pour la dernière lingerie… sans oublier de faire extrêmement attention aux raccords de revêtement entre les voies également dangereux au possible .

    Et là seulement là, vous verrez que c’est une épreuve quotidienne avec laquelle on apprend à vivre mais pensez que tout ceux qui tombent ne sont pas des jeunes de 18 ans fanfaronnant mais aussi des pères de familles ou non prenant leur marge de sécurité.

    • A Paris, en auto avec les dingos…qui plus est à moto
      le mardi 3 juin 2008 à 12:55, funeste a dit :

      Je suis moi aussi motard à Paris et je pense qu’on ne peut pas nier que ceux-ci prennent des risques inconsidérés. On ne peut imaginer être responsable, comme vous l’être peut-être si vous êtes papa et ne pas être conscient des risques pris en moto à paris.

      De toute façon quand je roule en deux roues, c’est bien simple, il faut que je fasse attention en priorité … aux autres deux roues.

      • A Paris, en auto avec les dingos…qui plus est à moto
        le mardi 3 juin 2008 à 16:11, mcarmen a dit :

        Connaissez-vous ce type de démarche ?

        Site de la semaine : permutjob.com – Voici une initiative qui nous semble très intéressante : le premier site d’échange de lieu de travail. Pour le moment, il n’y a pas encore beaucoup d’inscrits mais parions que cette idée sera adoptée par un nombre croissant d’internautes. Alors inscrivez-vous si vous souhaitez vous rapprocher votre lieu de travail de votre domicile ou encore changer de région ou de pays ! Au prix du pétrole qui s’envole, un complément judicieux aux transports en commun http://www.permutjob.com/

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