On entendait plus parler de la fusion Gaz de France/Suez si chère à Villepin, mais celle ci pointe à nouveau son nez : hausse des tarifs gaziers, angoisse des dirigeants, agacement européen…
Les Français n’avaient guère entendu parler de Gaz de France ces derniers temps. Depuis le mois de septembre où fut confirmée à grands renforts de trompettes élyséennes la fusion du groupe avec Suez. Le feuilleton entamé sous Villepin en février 2006 trouvait enfin son épilogue heureux avec, comme seule contrainte, la nécessité pour Suez de se défaire de son pôle « environnement », c’est-à-dire en pratique les services assurés par l’ancienne « Lyonnaise des eaux ».
Le 15 octobre, un communiqué de presse venait indiquer que la fusion serait effective au premier trimestre 2008. Puis tout ce petit monde s’en est allé, qui à Gaz de France vers la gestion de la grève sur le régime spécial de retraite des électriciens et des gaziers qui n’en finit pas de « s’adosser » au régime général, qui dans le cas de Suez dans une série de tractations avec les autorités belges, Suez étant le premier opérateur énergétique du pays.
Et soudain, GDF est réapparu, mais pour annoncer qu’il allait augmenter ses tarifs au 1er janvier 2008 de 4%, suivant une décision prise à Bercy. Retour à la bonne vieille économie administrée où l’État fixe le tarif des entreprises dont il est le propriétaire. Les dirigeants de Suez, qui ont appris la décision au dernier moment, n’ont guère apprécié la façon dont cela s’est passé et ils ont manifesté une certaine inquiétude sur les futures procédures de gestion du nouvel ensemble.
Sur les 24 membres du Conseil d’administration prévus pour le nouveau groupe, 7 seront des représentants de l’État directement nommés par lui. Vu la façon dont les choses évoluent, de plus en plus de responsables de Suez déclarent que les syndicats qui clament qu’on privatise GDF devraient plutôt constater que l’on est en train de nationaliser Suez…
Les Belges, qui depuis le début se demandent pourquoi les Français font tant pour empêcher qu’une entreprise italienne – Enel en l’occurrence – ne devienne le principal gestionnaire de leur énergie, commencent à trouver l’attitude de Paris pesante. Et, en cette période où il est de bon ton à Bruxelles de se montrer ferme, des remarques de plus en plus acerbes sont faites à Gérard Mestrallet pour qu’il ne se laisse pas manipuler par Bercy et l’Elysée. Or Mestrallet joue plutôt profil bas. S’il a compris que l’Élysée envisageait, de plus en plus, de se défaire de Jean-François Cirelli au profit probable de Stéphane Richard, le directeur de cabinet de Christine Lagarde, il constate que lui aussi agace les hiérarques sarkozystes.
Ancien du cabinet de Delors, il pourrait plaider l’ouverture. Mais le socialiste sarkozysé doit faire dans le flamboyant dérisoire, façon Kouchner ou Lang, pas dans l’austère qui ne comprend pas ce que se marrer veut dire, façon Delors et ses équipes. Une chose pourtant devrait sauver Gérard Mestrallet. Il a assuré à l’occasion de la fusion que « le président de votre société et la totalité de ses équipes et son conseil d’administration sont complètement dédiés à la cause des actionnaires ». Cela agace évidemment la CGT de GDF qui ne cesse de mettre cette phrase en avant. Cela laisse froid l’Élysée qui rêve de faire joujou avec une entreprise qui représentera, quand la fusion sera effective, la moitié en capitalisation boursière de Gazprom. Mais cela convainc les autres qu’il faut faire avancer au plus vite le dossier de la fusion qui pour l’instant, aux dires de beaucoup, progresse à un rythme de sénateur. Ou de premier ministre belge cherchant à former une équipe gouvernementale…