Dans le trou du cul du monde, l’écrivaine indienne Arundathi Roy a rencontré des guérilleros maoïstes
Tout le monde se fout de l’Inde, et ne venez pas me dire le contraire. On s’en tape. On a grand tort.
L’Inde, avec son 1,2 milliard d’habitants – au moins –, est l’une des colonnes vertébrales de notre monde devenu fou. Que cède la digue de cet univers rural – 600 000 villages, souvent laissés à l’abandon par le pouvoir central – et nous entendrons parler du pays, de ce pays lointain qui possède des villes et des ingénieurs, des bagnoles et des embouteillages, des Parlements et des engins nucléaires tournés vers le Pakistan voisin.
Il y a chez nous des écologistes de pouvoir – un Pierre Radanne, pour ne pas le citer, ancien conseiller de Dominique Voynet – qui se félicitent par exemple de l’apparition de la Nano, une voiture individuelle fabriquée par la transnationale indienne Tata, au coût de 1 700 euros l’unité. Ainsi, disent-ils, l’industrie automobile poursuivra sa marche en avant, qui ressemble étrangement à une marche à l’abîme. Mais que savent-ils de l’Inde réelle ? Ont-ils un jour mis le pied dans l’ornière d’un chemin rural de là-bas ?
L’écrivaine Arundathi Roy ne fait pas partie de cette triste tribu. Elle n’a cessé d’écrire en pensant aux peuples réels de l’Inde, ce qui suffirait à faire d’elle un cas. Elle n’a cessé de dénoncer ces projets délirants de développement qui obligent à déplacer des millions de gens qui n’ont rien demandé à personne. Les barrages, par exemple, comme ceux édifiés sur la rivière Narmada, nécessaires à la gabegie urbaine mais criminels pour tous ceux qui dépendent si directement de l’eau vive.
Roy vient d’effectuer un voyage en terre interdite pour le compte du magazine Outlook, de New Delhi. Chez les peuples oubliés, chez les 80 millions d’autochtones qui étaient là avant tout le monde et qui sont désormais confinés dans les forêts profondes. Dans ce trou du cul du monde, Arundathi Roy a rencontré des guérilleros maoïstes qu’on appelle là-bas des Naxalites.
Plus ou moins bien intégrés à la population, ils mènent une guerre de l’ombre contre l’État et ses sbires locaux. Une guerre dont nul ne parle en France, mais qui est aussi terrible qu’a pu l’être notre guerre d’Algérie. Ont-ils raison ? Le maoïsme est un totalitarisme. Mais que dire de la destruction d’un pays et de ses peuples premiers ? Que dire des accords secrets passés entre le gouvernement central et des transnationales pour exploiter sans mesure ni contrôle des centaines de mines situées au coeur du monde ? Les maoïstes sont cons ? Sans doute. Mais les peuples de l’Inde sont comme les Na’vi, les indigènes menacés d’Avatar, le film de James Cameron. Et ils ont besoin de nous.