Indignons-nous sainement d’une discrimination entre les champions natatoires et les mathématiciens médaillés, et méditons sur l’exemplarité de savants russes.
Ayant égaré mes palmes et mon tuba, et aussi ma combinaison intégrale à plaques de polypropylène, je suis en retard pour saluer l’actualité : la réception de nos immenses et magnifiques et sains champions natatoires à l’Elysée. Pour la première fois de l’histoire un gendarme, habillé de cette monstruosité vestimentaire nommée « pantacourt », est entré sous les ors de la République. Ce gendarme se nomme Alain Bernard. Il est aussi champion d’Europe de natation. Le cadrage télé ne m’a pas permis de voir s’il portait aussi des tongs. Si c’est le cas, les nageurs ont donc fait jouer Sarko dans « Camping 2 », un rôle à la mesure de ce spécialiste de la brasse coulée. Carla avec Woody, Nicolas avec les boulistes, toujours la tentation populiste.
Ce gendarme qui a laissé la culotte de peau pour ce grotesque oripeau est, par ailleurs, un étonnant fonctionnaire, j’ai vu sa tête faisant de la pub pour un produit exposé dans une boutique d’Angers. Surprenant qu’un militaire soit autorisé, à la fois, à montrer ses poils aux pattes à l’Elysée et à faire de la publicité. La rupture, sans doute ?
Ceux que l’on n’a pas vus embrasser Sarko, ce sont les deux derniers médaillés Fields, Ngo Bao Chau et Cédric Villani. Qu’est-ce donc ? Deux Français de moins de 40 ans qui viennent d’obtenir ce qui est le Prix Nobel en matière de mathématiques. Voilà des années que la France collectionne ces médailles-ci, autant que Domenech les indemnités en euros, dans une absolue indifférence. L’hexagone est le paradis des matheux puisque à tableau des médailles nous sommes seconds dans toute l’histoire. Un génie russe, passé aux États-Unis à l’époque des soviets puis venu en France à Saclay, affirme que la France est le paradis des matheux. Après avoir bu le lait de Lyssenko, ce ruskoff trouvait qu’en Amérique la recherche en matière de maths est trop sectorisée, trop branchée sur la rentabilité. En revanche, en France, un matheux peut chercher partout sans contrainte, faire ce qui lui plait, et il faut savoir que ces gens n’aiment pas les passages cloutés du savoir.
Pour expliquer cette manie de décrocher des médailles Field, les experts ont donné leur verdict, comme la recherche en maths ne coûte rien (un salaire de balayeur, du papier et un crayon), la France est bonne.
Pour vous situer l’asociabilité des matheux, prenez l’exemple de cet autre Russe, Grigori Perelman, qui a cassé l’énigme de Poincaré. Il a publié le résultat de son travail sur Internet plutôt que dans une chic revue, et ce dingue a refusé le million d’euros de récompense. Récidiviste, il vient de dire non encore à un nouveau pactole au prétexte que, pour réussir à briser le problème posé par Poincaré, il a utilisé les travaux que quelques autres de ses collègues… Ces types-là ne méritent vraiment pas de venir en string à l’Elysée.
Ce serait quand même plus vendeur non ?
J’en avais fait la remarque à ma femme, je ne regarde pas les "vrais infos" à la télé, seulement M6 le soir. Et j’ai fait un bond en voyant 2 secondes le prix reçu par les mathématiciens et un temps incalculables sur une autre info déja oublié et sans interet.