Alors que le Liban continue de chercher un président, l’influence des Chrétiens maronites se réduit comme peau de chagrin. La faute à leur obsession pour le poste de chef de l’Etat.
Pour la première fois depuis l’indépendance du Liban en 1943, les Chrétiens libanais, plus particulièrement les Marronites, sont sur le point de perdre ce qui leur reste d’influence dans le pays du Cèdre. Pour leur patriarche, Monseigneur Nasrallah Sfeir, cette situation résulte des erreurs cumulées par leurs dirigeants politiques qui lorgnent tous le poste de président de la République. Résultat : ils sont prêts à toutes les concessions et alliances aussi bien en interne qu’à l’extérieur. Le patriarche se rappelle en effet comment, en 1976, les leaders chrétiens marronites ont quémandé l’aide de la Syrie. Bien naïfs, ils croyaient alors pouvoir la mener par le bout du nez en jouant sur ses contradictions avec les Palestiniens. Quelle ne fût pas leur (mauvaise) surprise lorsqu’ils découvrirent sur le tard, que les Syriens avaient aussi leur propre projet au Liban. Ne leur restait plus alors que de se retourner contre Damas.
Le patriarche chrétien se souvient tout aussi bien comment ses dirigeants politiques ont commis la bourde du siècle en aidant, en 1982, les Israéliens à assiéger puis envahir Beyrouth–Ouest, après trois mois et quelques de bombardements intenses. Sans surprise, le retrait de l’armée israélienne et le retour des forces syriennes qui a suivi au Liban a participé à la défaite du camp chrétien qui a continué de perdre des plumes au début des années 90 avec la signature des accords de Taëf, en Arabie Saoudite. Ce compromis entre les seigneurs de la guerre civile libanaise avait en effet renforcé les musulmans sunnites comme chiites, au détriment des chrétiens et plus précisément des perdants marronites .
Depuis, l’influence de cette communauté rétrécit comme peau de chagrin dans tous les domaines. Las pour les Chrétiens, c’est à ce moment que le régime baasiste syrien a progressivement fait main basse sur les institutions libanaises. L’armée ne leur a bien sûr pas échappé comme en témoignent ces officiers et cadres libanais envoyés en nombre suivre des sessions de formation et d’encadrement à l’académie militaire de Homs, en Syrie. Cette « présence fraternelle » syrienne n’a toutefois pas traumatisé outre mesure les leaders chrétiens qui ont choisi sans états d’âme de composer avec elle. Leur objectif était de tenter de préserver leurs intérêts politiques mais aussi (et surtout) d’être choisis le moment venu pour occuper le poste du chef de l’État du Liban. Y compris sous mandat syrien.
Si l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri n’avait pas été sauvagement assassiné le 14 février 2005 – ce qui avait « contrarié » le monde « libre » et l’environnement arabe sunnite – les Chrétiens libanais n’auraient jamais osé participer en force à la « Révolution du cèdre » qui a obligé les Syriens à plier bagages et à quitter le Liban. Un front politique, baptisé « 14 mars » avait alors vu le jour. Composé de la majorité parlementaire, il n’a, jusqu’ici, pas réussi à gouverner ni à révéler, preuves à l’appui, l’identité des commanditaires ou des assassins des députés, des journalistes et hommes politiques, en majorité chrétiens. Ce qui a achevé de faire perdre à cette majorité politique et à ses membres chrétiens toute crédibilité, ce que les Syriens et leurs alliés libanais se sont empressés d’exploiter.
En principe, le 12 janvier prochain, les députés libanais devraient élire leur nouveau président qui sera apparemment le général Michel Soleïman. Néanmoins, rien ne se fera tant que Damas n’aura pas donné son feu vert. Et ce ne sont pas les menaces de George W. Bush ni les avertissements répétés de Nicolas Sarkozy qui y changeront quelque chose. En témoigne d’ailleurs le fait qu’en parallèle des sénateurs républicains américains comme des responsables européens se bousculent en catimini aux portillons de Damas…
En dépit de ces signaux, les Chrétiens marronites libanais continuent de miser sur les promesses des émissaires des chefs d’État occidentaux. Ils n’hésitent pas non plus à recevoir les aides financières de l’Arabie Saoudite pour pouvoir résister à l’offensive conjointe menée sur le terrain par la Syrie et l’Iran. Aveuglés par leurs œuillères, les leaders marronites oublient d’une part que Riyad se rapproche de plus en plus de Téhéran et, d’autre part, que les Syriens sont susceptibles de se réconcilier à tout moment avec les Saoudiens. Après tout, le prochain sommet arabe ne se tient-il pas dans la capitale syrienne ? Un « gentleman-agreement » pourrait alors voir le jour entre Sunnites et Chiites libanais, ce qui ne manquerait pas d’affaiblir encore plus les Marronites.
Ces scénarios expliquent d’ailleurs les quelques volte-faces mesurées et bien calculées du leader druze, Walid Joumblat, qui était jusque-là l’un des piliers des forces du 14 mars représentant la majorité anti-syrienne. Il ne faut pas être devin pour prédire que d’ici le 12 janvier des changements ont de fortes chances d’intervenir sur le terrain. Dans tous les cas de figure, ils ne devraient pas être favorables aux chrétiens marronites qui semblent avoir perdu la main et leur influence.