Dans un précédent coup de boule, l’un de nos journalistes, Sébastien Fontenelle, pourfendait Saatchi et Saatchi qui s’est occupé gracieusement de la campagne de « Reporters sans Frontières » contre les censeurs d’Internet. L’ONG, se sentant froissé, a choisi de répondre, par la voix de son secrétaire général Robert Ménard
Enfin une plume noble et courageuse, un redresseur de torts comme on aimerait en lire davantage. Imaginez un peu, des milliers de naïfs, répondant à l’appel de Reporters sans frontières (RSF) - une de ces organisations non gouvernementales qui moquent les cyniques ricanants dénoncés en son temps par Bertrand Poirot-Delpech (une vieille barbe d’académicien, c’est vrai…) - manifestent sur Internet pour réclamer un peu moins de censure dans les pays qui emprisonnent à tour de bras et ferment sites, blogs et forums de discussion.
Intrépide, notre échotier, Sébastien Fontenelle, n’hésite pas : il ne va pas, comme tout le monde croit-il, soutenir l’initiative et cliquer pour dire sa solidarité – un mot boy-scout, presque une grossièreté. Non, média alternatif oblige, il choisit l’angle oublié, négligé par les autres – quelques connivences sans doute. Il prend des risques, ose, véritable dissident du net. Il se lance, guerroie, pourfend. Si une agence de publicité a aidé – bénévolement – cette initiative, c’est, bien entendu, pour faire oublier ses turpitudes, ses juteuses affaires.
Tout à sa dénonciation des suppôts du capitalisme, rebaptisé « business » dans la novlangue de notre justicier, il n’imagine pas un instant qu’on puisse retourner ses arguments et saluer le courage de gens qui s’affichent aux côtés d’organisations comme RSF… au risque de perdre leurs clients. On le voit d’ici pouffer de rire. Quels benêts ! Des publicitaires honnêtes ? Quels gogos !
Ne lui parlez pas des internautes emprisonnés, certains pour des années, il n’en a que faire. De la gnognotte. Que certains des pays dénoncés dans cette « cybermanif » aient fait pression sur l’Unesco et obtenu qu’elle retire son patronage à cette journée pour la liberté sur Internet n’a, bien sûr, même pas retenu son attention. S’interroger sur ces Etats, sur la lâcheté des institutions internationales, s’intéresser à un Hu Jia arrêté à la veille du premier de l’an à Pékin pour avoir dénoncé, sur Internet, l’abandon des malades du Sida ou les ravages de la pollution en Chine, il a mieux à faire.
Non, notre auteur méprise les bons sentiments, comme il dit. Repus, dans un pays où son seul risque est de prendre de l’embonpoint devant son clavier d’ordinateur, il fait la morale. Il doit appeler cela du nouveau journalisme.
Robert Ménard Secrétaire général de Reporters sans frontières
Le mot de l’ami Fontenelle
La réponse de Bob Ménard est, je dois en convenir, d’une drôlerie à pisser (surtout le passage où il décide que je n’ai « que faire » des « internautes emprisonnés »). Je vais la conserver à la cave, comme on fait d’un bon vin : je la remonterai dans quelques années, bonifiée par le temps, pour dérider mes potes aux longues veillées d’hiver.
"Tunisie | 18.09.2006 Reporters sans frontières dénonce l’expulsion d’une journaliste de bakchich.info
Léa Labaye, journaliste du site Bakchich.info, a été refoulée de Tunisie, le 16 septembre 2006, sans qu’aucune explication lui soit fournie par les autorités. "Cette expulsion démontre une fois encore que les journalistes critiques du président Ben Ali ne sont pas les bienvenus dans le pays. Cet incident nous rappelle l’interdiction de territoire signifiée à notre secrétaire général, Robert Ménard, lorsqu’il avait voulu se rendre au Sommet mondial sur la société de l’information en novembre 2005", a déclaré Reporters sans frontières."
http://www.rsf.org/imprimer.php3 ?id_article=18890
Que lit-on dans Marianne (5 au 11 Mars 2001, page 9) ? L’aveu du biais idéologique de Rober Ménard. A l’époque, Boby a écris un livre ("Ces journalistes que l’on veut taire", Albin Michel) dans lequel il révèle un différend qui l’opposa à ses prédécesseurs à la tête de RSF et à une partie de sa base.
Pour Nanard, pas question de dénoncer les dérives du monde médiatique en France même (concentrations, précarisation, interventions). "Parce que, ce faisant, expliquait Boby le va-t-en guerre, nous risquons de mécontenter certains journalistes, des nous mettre à dos les grands patrons de presse et de braquer le pouvoir économique. Or, pour nous médiatiser, nous avons besoin de la complicité des journalistes, du soutien de patrons de presse et de l’argent du pouvoir économique."
D’où les coups de projecteurs sur le Tibet, sur Cuba… sous les applaudissements de Bouygues, Bolloré, Arnaud et autres Pinault. Une petite vitrine morale, ça peut pas faire de mal aux affaires.
Mais non Boby, gardes la ta palme de rebelle ! Il n’y a que toi qui y tiens. C’est parce que t’es un rebelle que tu dénonce Fidel Castro et la Chine, mais jamais les USA ? La guerre en Irak a pourtant été le conflit le plus meurtrier pour les journalistes. Je ne parle pas du million d’irakiens morts, des 4 millions qui ont fuis leur pays - les ingrats : tu t’en fout.
Comme d’habitude, Ménard tu t’enfonces lorsque tu tentes de te disculper. Il suffit de relire ta petite bafouille pour voir que RSF ne sert qu’à donner bonne conscience à ceux qui font du bizness avec la presse.
Lis donc ce passage d’un philosophe français : Jacques Bouveresse, prof de philo au Collège de France. Il a étudié un intellectuel autrichien qui a fondé la critique du rôle des médias dans une société démocratique bien avant Chomsky ou Bourdieu : Karl Kraus.
Dépêches-toi car Bouveresse est une valeur montante de la rebelle-hatitude. Les rebelles de médiapart viennent de l’interviewer lors qu’il n’avait pas eu l’honneur d’être éditorialiste associé au Monde, contrairement à ton copain BHL.
Que disait Kraus sur la presse et le fric ? Bouveresse le résume ainsi : "Comme toutes les entreprises qui sont axées principalement sur la recherche du profit, celles de la presse ont évidemment un besoin essentiel de faire croire à l’opinion publique qu’elles remplissent en réalité une fonction beaucoup plus noble et ne travaillent, en fait, que pour le bien de tous." Tu fais le lien avec Saatchi ?
Voilà ce que Kraus pensait des "rebelles" dans ton genre plus d’un demi-siècle avant ta naissance Ô grand défenseur de la démocratie : ta liberté de la presse pue le fric et les bombes !