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L’émeute, un an après

vendredi 20 octobre 2006 par Akram Belkaïd
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27 octobre 2005, 18h53, deux jeunes de 15 et 17 ans, Ziad et Bouma, meurent électrocutés dans un transformateur à proximité de la ville de Clichy-sous-bois dans la région parisienne. Quelques heures plus tard, l’incendie débute et il se transforme très vite en un brasier incandescent qui va ébranler la France et la faire douter de son modèle social. Voitures et poubelles brûlées, écoles et infrastructures publiques totalement détruites, affrontements terribles entre jeunes encagoulés et forces de l’ordre longtemps dépassées : ces violences urbaines paroxystiques ont duré près de trois semaines, obligeant le gouvernement à décréter l’Etat d’urgence le 8 novembre. Puis, la douceur de l’été indien a fait place aux froides nuits de novembre, la police a arrêté plusieurs centaines d’émeutiers et les flammes ont fini par s’éteindre d’elles-mêmes.

Complètement ? Rien n’est moins sûr et personne n’est dupe. Le feu de novembre 2005 couve encore et la « forme d’insurrection non organisée », telle qu’évoquée par les Renseignements généraux en décembre 2005, peut se reproduire à tout moment. Un contrôle de police qui tourne mal, un attroupement qui dégénère et c’est le ballet des gaz lacrymogènes, des pierres et des cocktails Molotov qui reprendra. Dans les cités, dans ces quartiers où la police ne vient plus qu’en force, on parle, encore et encore, de ces émeutes. On raconte ses « exploits », les cavalcades, les caillassages. On se réinvente une virilité, on moque le quartier d’à côté qui a si peu bougé - ou pas du tout - tandis que, justement, ceux qui se sont tenus à l’écart rêvent d’un deuxième grand soir, d’une nouvelle épopée à ne pas rater.

Pourtant, au cours des derniers douze mois, des artistes ont prêché la bonne parole et incité à s’inscrire sur les listes électorales pour n’utiliser comme arme de contestation, que le seul bulletin de vote. Des associations ont sillonné les maquis périurbains pour vanter les vertus de la non-violence. Des députés, des maires, des patrons d’entreprises et même quelques ministres inutiles ont fait moult promesses. Oui, mais voilà : dans ces quartiers, rien n’a changé ou presque et deux camps se font toujours face. D’un côté, la police, de l’autre, une minorité, au sein même des minorités qui vivent dans ces zones mortifères.

La police, qui contrôle et contrôle sans cesse les papiers. Qui tutoie, humilie et met tous les basanés dans le même sac. La police dont l’action avant et pendant les émeutes n’a fait l’objet d’aucun débat de fond. La police, dont uniquement quatre fonctionnaires sur dix sont sur le terrain et qui, à maintes reprises et faute de moyens, a reculé devant le déchaînement des émeutiers. La police, qu’une vision idéologique et comptable du pouvoir politique empêche de gagner le respect des cités puisqu’on lui refuse la possibilité de faire un travail de fond, de prévention et de proximité. Dans la cité, les honnêtes gens ont peur de la police tout comme ils ont peur des voyous qui leur imposent leur loi de gangsters.

Parlons-en de ces voyous. Ces émeutes leur ont fait franchir un cap. Il ne s’agit plus pour eux de provoquer, de s’inventer des bastons héroïques qui forgeront leur réputation dans le neuf-un, le neuf-trois, le neuf-cinq ou ailleurs. Il s’agit désormais, et je pèse mes mots, de tuer. Avec des barres de fer, des pierres, des plaques d’égouts lancés des balcons ou, plus grave encore, avec des balles. Tuer pour aller encore plus loin dans l’ivresse que procure le combat de rue. Il y a dans les venelles et les immeubles des quartiers une énergie maléfique qui ne demande qu’à se libérer. Les récentes embuscades tendues à des policiers sont autant d’avertissements. Il y a un risque certain de mort d’homme et personne ne peut prévoir ce qui risque d’arriver, si, demain, un policier y perd la vie et que ses collègues ouvrent le feu.

Que reste-t-il de nos émeutes

Que reste-t-il de ces émeutes ? Il y a le souvenir des affirmations péremptoires mais totalement erronées de Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur, qui veut absolument devenir président de la République. Il y a eu cambriolage sur un chantier, c’est pour cela que la police est intervenue à Clichy-sous-bois, avait-il affirmé aux premières heures de l’embrasement. Faux, dira plus tard l’information judiciaire. Ces émeutes sont planifiées et en lien avec le crime organisé, a-t-il encore ajouté. Faux, toutes les notes des RG à ce sujet mais aussi les premières enquêtes de sociologues l’ont montré : ni planification ni complot.

Quant à son bilan sécuritaire, le ministre-candidat-meneur de campagne permanente a beau triturer les statistiques, on est devant une évidence : jamais la violence n’a été aussi présente dans les quartiers et la gauche pourrait même faire campagne sur ce thème au vu de l’incapacité de Sarkozy à freiner la hausse vertigineuse des violences urbaines et des atteintes aux personnes et aux biens. Dans un livre récent d’une rigueur implacable, l’universitaire Sebastian Roché analyse ces émeutes et enfonce le clou (Le frisson de l’émeute, violences urbaines et banlieues, Seuil, octobre 2006). Parmi les émeutiers, relève-t-il, « il n’y a eu ni symbole confessionnel brandi, ni slogan (anti-juif ou anti-chrétien), aucune référence au conflit du Moyen-Orient, ni revendication liée à l’observance de l’islam (porter le voile à l’école ou ailleurs, disposer de lieux de culte). Il n’y a pas eu de demande de reconnaissance en tant que minorité ayant des particularités et des droits ». Ni planification, ni revendication, ni solidarité entre les bandes. Voilà pour les provocateurs qui, à l’instar de Finkielkraut, ont tenté, et tentent encore, de nous faire croire qu’il s’agissait d’émeutes ethnico-religieuses annonciatrices d’une guerre civile en France entre les Blancs et ce magma indéfini constitué d’Arabes, de Noirs et de musulmans.

C’est cela qui est préoccupant. Un feu qui couve, une politique de sécurité qui n’admet aucune remise en cause, des voyous déterminés à en découdre quitte à entraîner avec eux tout leur quartier dans la folie et des intellectuels incendiaires qui, au fond, ne rêvent peut-être que d’une seule chose : une grande crise, une vraie crise, sanglante, qui contribuerait à infliger une remise au pas musclée aux Français d’origine étrangère. Propos outranciers, me dites-vous ? On verra. Je suis sûr qu’on y reviendra. Ce n’est qu’une question de temps.

Paru le 20 octobre dans le Quotidien d’Oran


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3 MESSAGES

Forum

  • L’émeute, un an après
    le jeudi 29 mars 2007 à 01:19
    l’article est interessant, la pire chose qui pourrait arriver a la france c’est sarkozy comme president, si il est elu ca va etre tres chaud pour ce pays, sarkozy est un retardé mental.
  • L’émeute, un an après
    le mercredi 28 mars 2007 à 21:36, Stéphane a dit :

    Je suis un bon petit blanc, jamais ennuyé par la police, mais je comprends la rage qui couve en banlieue. Mais plus que la rage, c’est le desespoir qui prédomine, et que j’observe lorsque je la sillone. Pas un désespoir criant et larmoyant, mais la morosité du béton, celle qui ronge comme un cancer, qui donne aux visages la sale gueule de la fatalité. Alors pour s’échapper, on casse, et on tombe sur les nervis du gouvernement.

    Merci pour votre article, très nuancé et loin des clichés collants à ce genre d’exercice.

  • L’émeute, un an après
    le mercredi 28 mars 2007 à 15:48, mathieu amiens a dit :
    Bonjour, francais sans origine et plutot issu d’une famille bourgeoise, je suis tout a fait d’accord avec votre article. Quand est ce que tous les francais avec des origines d’ailleurs vont ils e^tre considéré comme français, quand est ce que les pouvoirs politiques (de gauche ou de droite) vont ils résoudre les problèmes des banlieues ? en tout cas quand tous les francais de souche auront compris que notre diversité fait notre richesse et notre force, on sera un pays heureux. Et c’est vrai que c’est inquietant cette dérive sécuritaire, nicolas sarkozy n’est clairement pas le candidat de tous les français, a se demander si il ne souhaite pas qu’il y ait de nouvelles émeutes pour utiliser la solution aucombien facile mais tellement ignoble de la force.
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