Un verre de Nuits (Saint-Georges) prépare la vôtre
Souvent érotique, suggestif, incitatif à prolonger ou à entretenir les bons moments, le vin est-il à considérer comme un aphrodisiaque ? Sans aucun doute si l’on admet qu’une légère ivresse invite à la joie et à la fantaisie.
Mais l’ivresse totale et constante engendre un abêtissement et l’alcoolisme entraîne inévitablement l’impuissance. Comme quoi, le vin rouge n’est pas tout… rose !
Dans Vin et Santé, le docteur Jean-Marie Eylaud s’interroge :
« Est-ce donc si néfaste pour l’homme, que d’avoir à sa disposition un produit offert par la nature, grâce au génie humain, et qui puisse en premier lieu lui procurer au milieu des fatigues, des ennuis et des misères de la vie quotidienne, un moment d’oubli : l’apparence d’un refuge ? »
Plus loin, il cite Meyer te Gottlich : « L’euphorie que procure le vin normalement pris entretient la sensation de l’état de santé… »
Ainsi, triste, découragé, neurasthénique, l’homme prendra-t-il le chemin de la colère. C’est alors que le vin, par ses apports de produits minéraux divers, dont le phosphore, peut être considéré comme un aliment utile.
Les poètes l’ont toujours vénéré en vers et en verres, comme le rimait si bien Olivier Basselin :
Le vin n’est point de ces mauvais breuvaiges
Qui, bus par trop, font faillie les couraiges !
J’ay, quand j’en bois, le courage herculien…
Ô ! le bon vin…
Tandis que Rémi Belleau (un comble de s’appeler comme cela quand on chante le vin !) célébrait :
… quelque jeune garçon
Amoureux, de près eschauguette,
Le téton de la bergerette
Qui dort à l’ombre d’un buisson…
La bergerette ayant bien sûr un double sens et désignant au choix une dive bouteille ou une divine créature…
Certains dictons bourguigons, parmi des milliers, sont savoureux et clairs comme de l’eau de roche :
Par Saint Simon
Bellevue
Même en amour
Point de bévue
Ou
Un verre de Nuits
Prépare la vôtre.
Ou
Mariage au Corton,
Jamais d’avorton.
Il est vrai que Bacchus ne pouvait faire moins que de se laisser honorer tendrement par ses bacchantes. Dans le Cantique des cantiques, c’est la femme qui s’écrie : « Mon aimé est comme une grappe de raisin : son fruit est doux à la bouche… »
Le docteur Eylaud considérant que la femme, selon les époques de sa vie, doit d’abord plaire, ensuite… ne pas déplaire, estime établi que le vin peut servir d’élément d’entretien à sa beauté plastique et à son équilibre psychique.
A Byzance déjà, le vinum conditum à base d’absinthe, d’anis et d’épices diverses, avait pour but premier d’activer la digestion, mais d’après sa composition on imagine qu’il était aussi un splendide activiste quant à la question qui occupe et préoccupe tout homme digne de ce nom.
C’est ainsi que foisonnèrent les recettes de vins dits aphrodisiaques. En voici quelques-unes, redoutables, paraît-il :
mettre à macérer pendant 2 semaines dans 1 litre de vin blanc sec :
30 g de canelle
30 g de vanille
30 g de gingembre
remuer et filtrer
ajouter 5 g de teinture d’ambre et boucher
(le nom est composé des premières syllabes des ingrédients)
2 bouteilles de vin blanc sec
1/2 dl de cognac
5 cl de curaço
1/2 verre de jus d’orange
1/2 verre de jus de citron
100 g de sucre
1 gousse de vanille
2 bâtons de cannelle
1 noix de kola pulvérisée
laisser macérer 8 jours
passer et mettre au frais
Incontestablement, la Chanson de Margot évoquait ce genre de breuvage :
Amis, pour bien chanter l’Amour,
Il faut boire,
Il faut boire
A la santé du petit conduit
Grâce auquel on se réjouit,
A la santé du petit conduit
Par où Margot fait pipi !
Et les chansons à boire sont légion pour allier le vin et l’amour, et pour mêler l’amour et le vin. En voici quelques morceaux choisis :
Pour goûter les délices
Il faut, Saint Phal, Blot et Romains,
Passer la nuit entre les deux cuisses,
Et tout le jour entre deux vins…
Ou
Dedans mon petit réduit,
Je vis à mon aise,
Je n’ai qu’un table, un lit,
Un verre, une chaise.
Mais je m’en sers chaque jour
Pour caresser tour à tour,
Ma pinte et ma mie…
Alors ? C’est à boire, à boire, à boire, qu’il nous faut ! Car il est bien connu que le vin virilise les faibles, enhardit les timorés et attendrit le roc… du coeur féminin !
Tant vint la cruche au vin,
Qu’il advint ce qu’il advint…
Les Danaïdes la vidèrent, en vain !
Sans relâche, il l’emplissait, Sylvain l’échevin…
Dans Bakchich, les précédentes odes cul-inaires de Bernard Planche, journaliste, écrivain et président de l’Association Française de la Presse Gastronomique, qui présente "La cuisine amoureuse des grands chefs" (éditions Blanche), un livre qui permet de passer allègrement de l’assiette à la couette et vice-versa.
Lait d’amante douce