Quand un homme politique vient vous parler de « modernisation », c’est comme un mécano marron qui veut vous vendre une auto comme neuve alors qu’elle fait de l’huile. Quand j’entends un type genre Raffarin lâcher le mot « moderne », je sais que notre société va reculer de dix mètres cinquante. Par exemple, la « modernisation de la vie politique », qui devrait commencer en priorité par la suppression du Sénat, consiste justement à donner plus d’importance aux endormis du Luxembourg et à sa télé Elkabbach (voir dans les blogs « Mémoire d’un vieux con »).
Mais voilà que ces baux au bois dormant se sont réveillés. En douce comme souvent, le Sénat sert à glisser, de nuit, une pépite totalement rétrograde dans notre droit. Normal puisque le Sénat c’est comme le muséum, c’est un conservatoire de conservateurs. Ainsi, le 8 janvier les amis de Christian Poncelet, magnifique président qui a réussi à faire payer sa secrétaire pendant des lustres par les PTT, ont levé un cil. Dans l’indifférence générale ils ont adopté un projet de loi, présenté au départ comme « moderne », bien sûr par Christine Albanel.
Le sujet du jour était l’accès aux archives. Ce genre de sujet fait un peu vieux rond de cuir et senteur de moisissure. Pas du tout. C’est un principe de base de tout pays démocratique. D’ailleurs dès la chute du « Mur », l’Europe s’est empressée de faciliter l’accès aux archives. Il y avait urgence puisqu’il s’agissait d’étouffer à jamais les fils de Staline. En France, ce n’est pas pour étouffer Staline que la bande à Poncelet durcit les conditions d’accès aux dites archives. C’est pour pas qu’on mette son nez dans la réalité de la guerre d’Algérie, voire dans une autre face de la même réalité : qui a fait quoi entre 1939 et 1940.
Les expert affirment que les notaires dans un seul élan, sauf Bernard Uginet qui officie à Cluses (74), tous dans un même élan ont pesé sur le Sénat pour pas que des intellos fouilleurs viennent promener leurs catogans et leurs godasses type Camif dans leurs études. Pour savoir qui était qui, qui appartenait à qui. Des affaires de géniteurs et de patrimoines qui peuvent gravement défriser les rombières pendant les dîners de famille.
Le Sénat, dont on se demande si le mot Liberté est encore gravé au fronton, a donc décidé, en dépit du fait que l’accès aux documents d’histoire est le moyen de mesurer le poids de la démocratie, qu’il ne fallait pas agacer les notaires (qui eux-mêmes, au nom de la modernité, devraient disparaître). Au nom, également, de l’allongement de la durée de vie - et au Sénat nous sommes carrément dans un labo, un vivier de la vie qui dure, dorée sans être dure - il faut repousser la durée légale donnant accès aux archives. On passe de soixante à soixante-quinze ans le délai de consultation d’archives pouvant « atteindre la vie privée ». Imaginons que René Bousquet ait pu être collabo. Inutile de le savoir trop vite. Laissons le temps au temps. Ce qui serait bien, c’est qu’un soir de grand sommeil, le Sénat sans s’en rendre compte vote sa dissolution.
Bakchich publiera bientôt une enquête sur le projet de loi sur l’accès aux archives publiques.
Exemple du mauvais article, pas informé, vulgaire, sans information véritable et qui passe totalement à côté de son sujet. Journaliste ? Ou est le recoupement des sources ? l’information véritable ? l’analyse de cette information ? Très décevant. A l’heure d’Internet, c’est terrifiant.
Quelques sites :
dossier de l’Association des Archivistes français : http://www.archivistes.org/article.php3 ?id_article=617 (dont communiqué, 3 avril 2008)
Rapport n° 47 de la commission des lois de l’Assemblée nationale (rapporteur François Calvet, député des Pyrénées-orientales) : http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/archives.asp#ETAPE234612 (cliquer sur "n° 47) en bas de la page pour accéder aux derniers amendements apportés entre le 9 et le 16 avril aux articles du projet de loi, et notamment à l’article 11 qui traite des délais de communicabilité)
Actualités.com. Les archives accessibles plus tôt ? (19 avril 2008) : http://www.actualitte.com/actualite/1945-loi-archives-delai-comunication-gouvernement.htm (avec un tableau des délais modifié à ce jour par les derniers amendements)
Dans la loi actuelle (1979 modifiée), les archives des notaires sont communicables au delà de 100 ans seulement. C’est fait pour protéger les gens (que les people montrent leur cul sur Internet contre rémunération est une chose, que vous ou moi acceptions de dévoiler notre vie privée en est une autre : les dispositions qu’on prend pour ses biens, petits ou gros, et pour ses proches ne regardent personne d’autre que les intéressés ; si votre soeur n’a pas envie de vous révéler la teneur de son testament qu’elle vient de déposer chez le notaire, c’est son droit). Ca n’a jamais intéressé personne, ni dans la presse ni chez les historiens jusqu’à présent. Si vous trouvez que rendre 25 ans supplémentaires d’archives notariales disponibles d’un coup en abaissant ce délai à 75 ans est un "verrouillage" et une violation des droits de la personne, on ne peut vraiment rien pour vous ! Cette loi n’est même pas un projet du gouvernement Sarkozy, elle sort tout droit du rapport Braibant (1996). Le délai de 75 ans pose d’autres problèmes et les archivistes sont les premiers à le dénoncer. Mais cela n’intéresse ni la presse ni les protestataires professionnels (pas assez" crapoteux" sans doute…).
Je m’imaginais à tort que dans un pays qui avait connu la défaite, l’occupation et les ravages de la dénonciation et de la persécution, on serait un peu plus attentif à la personne humaine, maintenant que la société a des moyens exceptionnels pour trier, repérer, exclure et qu’on en voit tous les jours les conséquences. Il faut croire que non. Les ayatollahs ont sans doute encore de beaux jours devant eux.
Ecrire sur l’actualité et prétendre informer mérite qu’on se renseigne un minimum. Pour apprendre un peu de quoi il retourne, au lieu de faire des textes faciles sans trop de fondements : http://geneinfos.typepad.fr/geneinfos/2008/04/ltude-du-projet.html