Alors que l’ANC réalise depuis plus de dix ans des scores électoraux proches de 70% des voix, l’Afrique du Sud va faire l’expérience de la cohabitation : celle entre le parti et le gouvernement.
En congrès au mois de décembre 2007, l’ANC vient de démettre Thabo Mbeki, le président du pays, et d’élire à sa tête son meilleur ennemi : Jacob Zuma, ex vice-président d’Afrique du Sud, démis par le même Thabo Mbeki en 2005. Son retour triomphal en politique est une véritable gifle pour Mbeki qui voulait se succéder à lui-même à la tête de l’ANC et préparer tranquillement sa succession en 2009 (constitutionnellement, il ne peut plus se présenter devant les électeurs pour un troisième mandat). Dans cette optique, il avait démis son vice-président, trop populaire, quand les accusations de corruption entre lui et la société francaise Thalès avaient été portées devant la justice (le conseiller financier de Zuma purge déjà une peine de 15 ans de prison dans le cadre de cette affaire).
Puis, une affaire de viol était opportunément venue ternir l’image du vice-président demissionné en le plongeant dans un nouvel imbroglio judiciaire et déclenchant une cascade de démissions dans les services de renseignement. Pris dans les méandres judiciaires du sexe et de l’argent, Jacob Zuma aurait dû succomber. Mais c’etait sans compter sur sa résistance personnelle et le mécontentement populaire qui gronde en Afrique du Sud.
Fort de son populisme et de son origine zouloue, Jacob Zuma a su coaliser tous les mécontents de Mbeki de la base au sommet du parti. Il est parvenu à se faire élire par un raz-de-marée de délégués de base en décembre. L’instance dirigeante du parti (National Executive Committee) lui est maintenant acquise et il revient dans la course pour la présidence du pays. Toutefois, le saut d’obstacles judiciaires n’est pas terminé pour lui : l’affaire Thalès doit encore être jugée en août 2008 et une condamnation à ce moment-là lui interdirait légalement de se présenter (ses supporters crient déjà à la manipulation judiciaire).
En attendant le verdict du mois d’août, les deux centres de pouvoir de l’Afrique du Sud que sont le gouvernement et le parti sont dirigés par des frères ennemis, de surcroît un Xhosa et un Zoulou, les deux ethnies majoritaires du pays. Selon un diplomate en poste à Prétoria, « c’est un peu comme lorsque Jacques Chirac était président du pays et Nicolas Sarkozy président de l’UMP ». On a vu le résultat…