Le portrait fracassant d’un homme ravagé par la colère. Un électrochoc écrit, interprété et réalisé par un petit génie du cinéma coréen, Yang Ik-june.
T’as décidé de casser qui, cette semaine ?
Attends, je ne suis pas le Éric Zemmour de la critique. D’ailleurs, j’ai une véritable merveille à te faire découvrir.
Putain, j’ai peur.
Tu peux ! Car "Breathless" est un film qui fait vraiment peur.
C’est un remake d’"À bout de souffle" de Godard ?
Pas du tout, et la traduction du titre original coréen est « Mouche à merde ». Mais le réalisateur, Yang Ik-june, cite souvent Jean- Luc Godard comme un de ses maîtres.
C’est quoi, ce truc ?
L’histoire d’une boule de haine, d’un enragé. Recouvreur de dettes, Sang-hoon ventile les mauvais payeurs, défonce les femmes, explose les mecs, tabasse les flics, cogne les étudiants, démonte son père. Un jour, il rencontre Yeon-hee, une lycéenne au passé dévasté. Les deux éclopés de la vie vont tenter de s’apprivoiser.
Et alors ?
Dément. Yang Ik-june signe son premier long-métrage qu’il a produit, écrit en une vingtaine de jours et qu’il interprète avec une force inouïe. Le film fonce comme un missile sur Séoul ou un poing américain dans ta gueule. La violence se propage comme un virus, contamine la pellicule, comme dans les premiers Kitano, notamment "Cop" ou "Sonatine". Et le film se transforme en un maelström d’images viscérales et insoutenables, un chaos cinématographique qui te bouscule, te frappe et te laisse finalement KO. La violence devient langage cinématographique, le fond devient la forme, la caméra se cogne dans les murs, dans les êtres, fonce, bastonne. Avec une caméra portée à l’épaule, le jeune cinéaste filme les coups, les corps, les crachats, le sang, mais il sonde surtout les âmes. Noires, très noires.
Après Kim Ki-duk, Hong Sangsoo, Park Chan-wook ou Bong Joon-ho, voici donc la nouvelle merveille made in Corée ?
Absolument. J’ai rarement vu un premier long-métrage aussi prometteur ; le film accumule les prix depuis sa sortie en Corée. La même sensation – une claque – que lorsque j’avais découvert mon premier Takeshi Kitano il y a une vingtaine d’années
Les Chaussons rouges (reprise) de Michael Powell, Emeric Pressburger
L’un des plus beaux films de l’histoire du cinéma revient dans une copie restaurée absolument sublime. Un pur enchantement.
Ajami de Scandar Copti, Yaron Shani
Nommé pour l’Oscar du meilleur film, Ajami a été tourné à l’arrache par l’Israélien Yaron Shani et l’Israélo-Palestinien Scandar Copti. Dans le quartier le plus pauvre de Jaffa, melting-pot de juifs, musulmans et chrétiens, plusieurs familles s’affrontent, entre guerre des gangs, trafics et règlements de comptes. Ajami est nerveux, vibrant, secoué de séquences d’émotion et d’une violence tellurique.
The Devil and Daniel Johnston de Jeff Feuerzeig
Présenté il y a cinq ans au festival de Deauville, le docu sur le chanteur Daniel Johnston sort enfin en France. Maniaco-dépressif, Johnston passe son temps entre les salles de concert et les hôpitaux psychiatriques. Ponctué de films d’enfance, de dessins d’écoliers et des milliers de cassettes où Johnston s’est enregistré, ce film donne à voir une vie dévastée, une vie de fureur et de beauté.
Gardiens de l’ordre de Nicolas Boukhrief
Le nouveau Nicolas Boukhrief, un polar honnête et haletant, avec un Fred (sans Omar) absolument étonnant.
Le choc des titans de Louis Leterrier
Pas de projo de presse pour Le Choc des titans. Pour info, la filmo de Louis Leterrier : Le Transporteur, Danny the Dog et L’Incroyable Hulk. Que des merdes !
Tudieu ! la belle surprise… faut pas avoir tant de préjugés, M. Godin !
Non seulement Leterrier ne déchoit pas, mais il y a pas mal de similitudes entre le Choc des Titans 2010 et la version de 1981.
Au premier rang desquelles, il semblerait que ce soit une malédiction divine (ou demi-divine), le charisme de palourde de l’acteur principal (un genre de sous-David Hasseloff hier, de sous-N’Importe Quoi À Muscles aujourd’hui).
Les deux films sont très tendance (beaucoup de Guerre des Étoile et les prémices de Ridley Scott hier, un mix de 300 (en moins prétentiard) et de Gladiator aujourd’hui).
Tous deux sont filmés à la truelle, se veulent vaguement virtuoses et sont uniquement construits autour des effets spéciaux (qui ont quand même un peu évolué).
Dans les deux cas, la production a gravement économisé sur les frais de scénaristes et surtout de dialoguistes (ce qui comble d’aise le cinéphile en pleine opération "délassement intellectuel").
L’Olympe reste, c’est un passage obligé, un monument de kitscherie qui n’a d’égal, je crois, que le refuge de Superman (dans le n°2, avec C. Reeve, c’est encore meilleur).
Il y a (ô joie !) l’inévitable clin d’œil du gamin au vieux Maître, de la nouvelle à l’ancienne génération, cul-cul à souhait.
Les libertés prises avec la mythologie énerveront pareillement les puristes (qui n’avaient qu’à pas…), avec un rien de surenchère (l’intrusion des supposés Djinns dans l’histoire restera un grand moment).
Quoi d’autre ?
Ah ! si, Leterrier en rajoute dans "l’incongru qui rend d’abord perplexe puis hilare" en filmant une partie de presque galipettes entre Persée et Io dans la cale du bateau de Charon, que son illustre modèle n’aurait pas osé.
Et tente (mais rate, heureusement) un dérapage contrôlé à la fois philosophique (Persée en plein conflit freudien refuse son essence divine et veut vaincre "en homme", c’est beau ! - mais inutile, sinon y’a plus de film), religieux (Zeus veut sauver l’Humanité, mais n’est pas prêt à sacrifier son fils pour autant… message gonflé, passé en catimini et transmis à l’Idole cruelle et sanguinaire des Chrétiens) et politique (la belle Carla-Io-B. prétend ne pas avoir cédé à Zeus (le premier cruciverbiste venu sait ce qu’il faut en penser) et va se taper son fils, nom d’une pipe, ça me rappelle quelqu’un).
Sinon, il est probable que le Choc des Titans 2010 va vieillir aussi vite (et aussi mal) que la version de 1981 pour devenir un objet de curiosité pas franchement déplaisant - quoiqu’un peu longuet. Le charme des effets de Harryhausen en moins, certes, mais l’absence totale de prétention du remake, le visible désir de bien faire, le cahier des charges honnêtement rempli, tout ça en fait probablement à ce jour le moins mauvais film réalisé par Leterrier.
Un mauvais film sympathique, donc. Pas assez fauché pour le faire entrer au Panthéon des Nanars, mais avec de remarquables dispositions.
bien à vous
S.
ps : AH ! encore une dernière chose à mettre au crédit du film : au rayon de la représentation des Monstres Mythologiques, plus encore que Harryhausen (plus encore que les Wachowski Bros), Leterrier se révèle un grand (et réjouissant) obsédé de la queue et de la tentacule…
oué…
peut-être que s’il avait passé une journée de plus à se relire… ou s’il ne cumulait pas l’écriture, la prod et la réalisation…
BREATHLESS est ma première (relative) déception coréenne cette année (mais j’ai pas tout vu) : un peu fourre-tout, un brin manichéen, un poil prévisible, dommage. Mais prometteur, ça oui !
amicalement
S