Atteint d’un cancer, un homme cherche à assurer l’avenir de ses enfants avant de mourir. Un film d’une beauté insoutenable. Avec un Javier Bardem impérial.
Je me souviendrai toujours de ce jour de novembre 2000 où j’ai découvert le premier film du Mexicain Alejandro González Iñárritu, Amours chiennes. J’étais avec ma compagne, enceinte de huit mois, et le film – d’une beauté et d’une violence insoutenables – fonçait à 3000 à l’heure. Tout à coup, elle me lance : « J’en peux plus de ce film, je crois que je vais accoucher dans la salle. » Voilà !
Biutiful commence beaucoup plus sereinement. Deux mains s’élèvent au-dessus de la caméra, se touchent, se joignent, deux voix qui chuchotent, une bague… C’est beau comme un rêve. Cut sur Javier Bardem dans une forêt enneigée. Arrive un jeune garçon. Ils ont l’air de se connaître, mais il plane un air de fin du monde, d’inquiétante étrangeté. Avec ces deux séquences photographiées par l’immense Rodrigo Prieto, Iñárritu nous propulse dans un ailleurs cinématographique et confirme qu’il est un des plus grands créateurs de forme et d’ambiance. Puis il cadre Uxbal, incarné par Bardem, et ne le lâchera plus pendant 2 h 30.
Dans la Barcelone blafarde des ateliers clandestins, Uxbal communique avec les morts, mais peine avec les vivants : son ex, son frère, ses deux enfants. Il apprend bientôt qu’il est atteint d’un cancer en phase terminale tandis que le spectateur découvre qu’il est un horrible exploiteur de travailleurs clandestins. En sursis, Uxbal va devoir mettre de l’ordre dans sa vie et préserver ses enfants avant son départ pour l’au-delà.
Fâché avec Guillermo Arriaga, le scénariste de ses précédents films, Iñárritu a écrit lui-même Biutiful. Il abandonne la structure labyrinthique à points de vue multiples qui était sa marque de fabrique, pour se concentrer sur un homme aux prises avec ses démons, sa mort. Iñárritu ne peut s’empêcher de multiplier les intrigues ou les personnages, et il se perd parfois, diluant l’intensité de son film. Mais son talent fou, c’est de parvenir à générer une sensation de vertige et de vitesse – comme dans Amours chiennes et Babel – et de faire basculer le spectateur dans une sorte de transe. Impossible alors de détacher ses yeux de Javier Bardem, justement récompensé à Cannes. Grâce à son corps lourd qui se déglingue et son regard tour à tour révolté, résigné, plein de compassion, Iñárritu emprisonne la vie et la vérité 24 fois par seconde. Magnifique.
Le Voyage fantastique (reprise) de Richard Fleischer
Fils du créateur de Betty Boop, Richard Fleischer fut l’un des grands artisans d’Hollywood. Voire plus… À son palmarès, les Vikings, l’Étrangleur de Boston ou l’Énigme du Chicago Express. Que du bon ! Avec le Voyage fantastique, Fleischer signe un film de SF au pitch imparable : pour résorber le caillot de sang dans le cerveau d’un scientifique, une équipe est miniaturisée et envoyée dans le corps du malade. C’est délicieux, avec des effets spéciaux oscarisés et une Raquel Welch toute en courbes. Fleischer est mort en 2006. Il avait 89 ans.
Rosemary’s Baby (reprise) De Roman Polanski
Avant de réaliser des téléfilms gonflants genre The Ghost Writer, Roman Polanski a été un immense cinéaste. La preuve avec la reprise de Rosemary’s Baby, son premier film hollywoodien, un bijou d’angoisse centré sur Mia Farrow, enceinte, confrontée à une bande de satanistes new-yorkais. Quarante-deux ans plus tard, le film est toujours aussi flippant. Et déconseillé aux femmes enceintes…
Les Duellistes (reprise) de Ridley Scott
Adapté de Joseph Conrad, ce premier long-métrage de Ridley Scott colle aux bottes de deux officiers français, Harvey Keitel et Keith Carradine, qui se vouent une haine tenace et s’affrontent sur les champs de batailles des guerres napoléoniennes. Primé à Cannes, le film est fort, épique et beau. Une beauté formelle que la critique française ne lui pardonnera jamais.
Les Petits mouchoirs De Guillaume Canet
Beurk ! Je vous dis tout la semaine prochaine…
Bonjour Monsieur Godin,
Ou est donc la critique de The Town ?
D’avance merci,
Un lecteur intransigeant.
Bonjour,
J’aurais aimé parler de The Town, mais une nouvelle fois, la Warner a présenté son film à la presse trop tard. Etonnant, non ?
J’avais adoré la première mise en scène de Ben Affleck Gone Baby Gone et j’attendais beaucoup de The Town. Malheureusement rien ne marche. L’histoire est vue et revue, Affleck se filme sous toutes les coutures (de dos, de face, de profil, torse nu…) et enchaîne les scènes obligées sans la moindre originalité (il a dû beaucoup visionner Heat de Michael Mann). De plus, le film se passe à Boston, dans le sombre quartier de Charlestown, un quartier qui devrait être un véritable personnage du film. Mais là encore, Alleck échoue et il n’est capable que de faire des plans à l’hélico de ce quartier pourri dont sont issus tous les braqueurs de la ville. C’est assez symptomatique d’Affleck : il fallait s’intéresser aux gens de Charlestown, capitale du braquage aux USA, avec des truands braqueurs de père en fils, et Affleck fait mumuse avec son hélico…