Et voilà que ça recommence ! Six mois à peine après l’affaire des caricatures voici que, de nouveau, une fièvre enflamme le monde musulman, aggrave le fossé qui le sépare de l’Occident et donne des arguments à tous ceux - et ils sont de plus en plus nombreux - qui nous affirment que nous vivons déjà le choc des civilisations tandis que le jour de l’Heure approche. Je n’oublie pas non plus ceux qui en profitent pour moquer (ont-ils totalement tort ?) des populations toujours disponibles pour d’affligeantes scènes d’hystérie collective (il faudra tout de même s’interroger un jour sur le fait que c’est dans le sous-continent indien que ces manifestations sont les plus importantes mais ceci est une autre affaire…).
Quel était l’intérêt pour Benoît XVI de faire appel à un texte du quatorzième siècle pour « démontrer » que le christianisme est plus apte que l’islam à cohabiter avec la Raison ? En oubliant allègrement les Croisades, la colonisation, l’évangélisation de l’Amérique du Sud, l’Inquisition, les positions ambiguës de Rome vis-à-vis de l’esclavage ou, plus tard, du nazisme, le pape a conforté l’impression qu’il défendait, l’idée selon laquelle la violence au nom de la foi est la caractéristique exclusive de l’islam. Cette controverse théologique fera certainement date mais la façon dont elle a été initiée est déplorable. En citant un passage où il est question - de manière très négative - du Prophète Mohammed, le pape ne pouvait ignorer qu’il allait déclencher une polémique.
Il ne pouvait ignorer que, dans un monde musulman où la rumeur et la propagande des régimes dictatoriaux rivalisent en surenchère, il se trouverait des milliers de gens pour lui attribuer la paternité de ces propos insultants avec les conséquences qu’il faut désormais craindre. Ce pape, qui cogne puis feint de se rétracter, aura bien du mal à nous convaincre qu’il estime que musulmans et chrétiens ont foi dans un Dieu commun. Est-ce grave ? Dans un monde apaisé, non. Mais dans celui dans lequel nous vivons, il faudrait être sot pour ne pas imaginer les dégâts futurs de cette provocation.
Je ne crois pas en effet qu’il s’agisse d’une maladresse surtout au lendemain de la commémoration des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis mais aussi à quelques jours du début du ramadan. Benoît XVI est un brillant théologien et c’est aussi un homme de conviction. Il y a un an déjà, à Cologne, en marge des journées mondiales de la jeunesse, il avait tancé les musulmans, leur enjoignant d’extirper de leurs coeurs le sentiment de rancoeur et de s’opposer à toute forme d’intolérance et à toute manifestation de violence, ceci après avoir appelé juifs et chrétiens à combattre ensemble les « forces du mal » (suivez son regard…) [1]
Le successeur de Jean-Paul II se veut peut-être l’homme de la fermeté face à l’islam voire d’une position plus radicale que la simple fermeté. Est-ce une volonté de confrontation avec laquelle les musulmans devront compter ? Est-ce aussi une stratégie marketing opportuniste - et en concurrence avec les sectes évangélistes - qui consiste à battre le rappel des fidèles en s’en prenant à un islam montré du doigt pour des crimes pourtant commis par une infime minorité ? Pense-t-il que la renaissance de l’Eglise catholique passe par un bras de fer - ne serait-ce que sémantique - avec le Croissant ? Dans ce dernier cas, Benoît XVI risque fort d’apprendre à ses dépens que l’on ne récupère pas ses anciens clients en insultant la maison d’en face…
On peut aussi se demander si tout cela n’est pas annonciateur d’un bouleversement plus important pour les catholiques avec une remise en cause - discrète pour le moment - de Vatican II. La réconciliation du pape avec les intégristes de la Fraternité Saint-Pie X serait du coup un autre élément à prendre en compte dans cette réflexion.
Mais, à dire vrai, les motivations réelles de Benoît XVI me sont secondaires. Par contre, je pense que son interpellation est une opportunité pour les musulmans. Volontaire ou pas, c’est une incitation à relever un défi. Benoît XVI nous parle de la Raison ? Réfléchissons, faisons le point. Où en sommes-nous sur cette question ? Qu’avons-nous à répondre sur les rapports de notre foi avec la rationalité ? Je crains que nous soyons obligés de constater que nous avons pris, depuis plusieurs siècles, le mauvais chemin.
A ceux qui, répliquant à Benoît XVI, hurlent, à raison, les noms d’Al-Kindi, Ibn Rochd (Averroès), Ibn Sina (Avicenne) ou même Ibn Khaldoun, je dis « et aujourd’hui ? ». Que nous reste-t-il de leur oeuvre ? Quel sort avons-nous fait aux textes qui nous exhortaient à emprunter les chemins de la rationalité et du libre-arbitre ? Pourquoi avons-nous du mal à renouveler les paroles de ceux qui, jadis, ont défendu l’idée que la Raison a la capacité de déterminer la Vérité ? Pourquoi en sommes-nous restés à la glaciation du XIe siècle ? Pourquoi refusons-nous d’en sortir ? Ou plutôt, pourquoi refusons-nous d’en sortir au grand jour ? N’est-il pas temps de relire les textes d’Abdelhamid Ben Badis, d’Allal El-Fassi, de Mohammad Abdouh ou de Jamal-Eddine Al-Afghani sans oublier Mohammed Arkoun ou Mohammed Talbi ? Au lieu de s’égosiller, d’aller jeter des pierres contre les consulats, de brûler des pantins en place publique pour la plus grande joie des télévisions occidentales - et pire encore d’assassiner des religieux -, il serait temps de revenir vers l’ijtihad.
Pourquoi les rares appels à une relecture du Coran sont-ils aussi peu nombreux et autant critiqués quand ils ne débouchent pas sur une mise en accusation et des appels au meurtre ? Les exégèses, anciennes et plus récentes, ne manquent pas, et pourtant elles demeurent méconnues, reléguées au fond d’un sac d’ignorance et d’archaïsme. Nous pouvons bien boycotter les produits « made in Vatican » mais cela ne saurait nous empêcher de regarder en nous-mêmes et de convenir que nous portons, malgré toute la duplicité des puissants de ce monde, une part de responsabilité dans l’image détestable que nous renvoie une bonne partie de la planète.
Il y a urgence. Prenons de la distance. Soyons novateurs. Isolons-nous du bruit, des passions et des faux héritages. Ceci étant dit, que cela ne nous empêche pas de nous réjouir de l’arrivée d’un ramadan que je vous souhaite bon, serein et baigné de spiritualité.
[1] voir « un discours maladroit », chronique du blédard du 25 Août 2005…
Je suis assez en accord avec cette analyse… toutefois l’islam reprend un peu trop à son compte les savants comme averroes…
Si celui ci était bien un savant du monde arabe, il était loin d’être celui de l’islam qui l’a fait exiler..
Ne confondons pas tout…
Petite correction, de nombreux prêtres et catholiques ont fini également dans les camps d’extermination nazis, tels que saint Maximilien Kolbe.
Quant à la collaboration du pape Pie XII avec les nazis, n’oublions pas que le rabbin David Dalin a demandé en 2001 que Pie XII soit officiellement reconnu comme « juste parmi les nations ». Le Grand Rabbin de Rome, Israele Zolli, s’est converti au christianisme en reconnaissance de la conduite du pape durant la seconde guerre mondiale.
Sans oublier ces nombreux témoignages, tels que celui de M. Pinhas Lapid, alors consul d’Israël à Milan, estimant à 850 000 le nombre de juifs sauvés par les catholiques dans toute l’Europe. Il déclarait en 1963 : « Je comprends très mal que l’on s’en prenne aujourd’hui à Pie XII tandis que pendant de nombreuses années, on s’est plu ici (en Israël) à lui rendre hommage. Je peux affirmer que le pape personnellement, le Saint Siège et les nonces ont sauvé de 150 000 à 400 000 juifs »
Toute la haine anti-chrétienne déchainée depuis mai 68 a profondément occulté et noircit l’action salutaire des catholiques face au nazisme.
En ce qui concerne les croisades, n’oublions pas comment ont-elles commencé. Quand l’islam a interdit aux chrétiens et juifs d’aller faire des pélerinage à Jérusalem, ville sainte des trois religion. Les chrétiens se sont alors armés pour protéger les pélerins. En témoigne tous les ordres religieux tels que les templiers, qui sont avant tout des moines soldat pour la protection des pélerins.
Alors certes, il y a eu des abus par la suite, vu les richesses amassées qui corrompent le coeur de l’homme et ce fut par la suite plus à but "lucratif", mais je crois que les croisades chrétiennes dans leur essence ne peuvent en rien être comparées aux "croisades" que mènent certains fanatiques islamiques.
Bref, la vérité est souvent déformée alors avant de crier au scandale recherchons la Vérité seule ! je trouve dommage ces musulmans que j’ai rencontré qui veulent cracher ou "tuer" le pape pour ses propos, alors qu’ils sont incapables de le citer.
Cependant, je trouve très bien ce site qui appelle à juste titre à une exégèse de l’islam. Je pense que ce peut être une belle religion, à condition de développer une théologie et une interprétation en dépassant certains sourats un peu durs (comme il peut y en avoir dans la bible ou le talmude).
Le sens, la compréhension et la raison régissent l’être humain.
Doué de raison, l’être humain, le sait et le néglige. En aucun cas, il ne peut être juste. Il n’est pas le Tout, il peut tout avoir mais il ne peut pas être le Tout. Le Pape a raison mais cela ne veut pas dire qu’il n’a pas tort. A tort ou a raison, essayons de l’interroger d’une manière reflexive et pas sensorielle. Que le Pape me permette, et l’honneur et le privilège, de l’inviter à la relecture de la philosophie musulmane.
Il est donc obligatoire au musulman de croire en tous les prophètes de Dieu depuis … La diffusion de l’islam hors du monde arabo-musulman traditionnel selon les musulmans, islam désigne la soumission à ce que le Créateur des Mondes, Allah (Dieu), qui serait une contraction de l’arabe al-ilāh, « le Dieu » (cf. Allah) aurait ordonné et dont la parole aurait été transmise par les prophètes messagers, en arabe, nabī rasūl, qu’on glose par « à qui il est révélé d’appeler le peuple à suivre des lois qui lui ont été révélées et qui sont spécifiques au messager », et les prophètes non messagers, en arabe nabī, glosé par « à qui il est révélé d’appeler le peuple à suivre la loi du messager qui l’aura précédé ».
C’est, en sorte, l’acceptation par le cœur, les actes et la parole de tout ce qui a été révélé et transmis, même si la personne n’applique pas toutes les obligations de l’islam.
Ainsi, l’islam distingue :
la croyance : ce que le cœur accepte et ce dont il se satisfait ;
et la foi : le degré d’attachement aux croyances et aux actes spécifiques dictés par la religion. belmecherie/a