Deuxième épisode de la saga des Hauts-de-Seine (le « 9-2 »), fief de Sarkozy et royaume de ses fidèles. Extraits exclusifs du livre « 9-2, le clan du président » (Fayard, sortie le 6 février), écrit par les journalistes Hélène Constanty et Pierre-Yves Lautrou, qui nous plongent dans les dessous de ce département « bling-bling », où se mêlent l’argent, le clientélisme, les scandales et les guérillas politiques en tous genres. Aujourd’hui : morceaux choisis sur la guerre incroyable que se livrent Charles Ceccaldi-Raynaud, maire de Puteaux de 1969 à 2004, et sa fille Joëlle, qui a pris sa place à l’hôtel de ville.
« Le premier acte de ce mauvais remake du Roi Lear s’est joué en 2004, lorsque Charles Ceccaldi a dû être opéré en urgence à l’hôpital Foch de Suresnes. L’opération, un double pontage cardiaque, le laisse sans force. Persuadé qu’il n’en a plus pour longtemps à vivre, il démissionne et fait élire sa fille en avril à la tête de la mairie par un conseil municipal aux ordres. « Je suis parti trois ans trop tôt, regrette-t-il aujourd’hui. Il aurait fallu que je démissionne un an avant la fin de mon mandat, de façon à lui laisser juste le temps de se faire connaître, et elle aurait été élue tranquillement en 2008. Mais en 2004, c’était trop tôt. Elle a fait des bêtises ».
Le père se met à critiquer publiquement sa fille. Il lui reproche d’avoir alourdi la facture des travaux de la médiathèque, d’avoir augmenté les impôts locaux… « Elle n’a ni les qualités morales, ni les qualités physiques et intellectuelles pour le poste. Je le savais avant même de lui confier. On a eu beaucoup de misère avec ma femme en l’élevant. Elle n’a pas pu faire beaucoup d’études ».
Au bout de quelques mois, miraculeusement rétabli après son opération, il demande à sa fille de lui rendre son siège. Joëlle refuse : j’y suis, j’y reste ! Elle lui rejoue une scène qu’il connaît bien pour l’avoir jouée lui-même, 35 ans auparavant, aux dépens du précédent maire Georges Dardel. L’enfant docile a bien appris son rôle…
Depuis ce jour, tout a dérapé. Charles Ceccaldi-Raynaud a trouvé refuge dans son grand bureau vide, au deuxième étage de l’office HLM municipal, dont il est toujours président. Il s’accroche à dernier carré de pouvoir, entouré d’une poignée de fidèles, dans ce fief qu’il avait conquis à son arrivée à Puteaux, voilà plus de quarante ans.
De l’autre côté de la rue, à l’hôtel de ville, Joëlle a pris ses marques. Elle a fait repeindre en gris souris le splendide bureau art déco qu’occupait son père, au rez-de-chaussée, y a ajouté un ordinateur portable gris métallisé et un téléphone design. Mais elle refuse, imperturbable, de répondre aux attaques foldingues de son géniteur. « Joëlle est admirable de dignité », commente Isabelle Balkany, conseillère générale et ajointe au maire de Levallois. Il en faut, du cran, pour ne pas répliquer au fiel que déverse Charles à longueur de tracts !
En avril 2006, le vieil homme a même ouvert un blog, Puteaux pour tous - tous pour Puteaux, dans lequel il laisse libre cours à sa haine. Entre la recette de la baklava aux amandes et les paroles d’une chanson de Noël corse, l’ancien maire dénonce les moindres faits et gestes de sa fille, qu’il nomme « l’intérimaire », « l’usurpatrice » ou « la grande dépensière ». « Jamais Puteaux, depuis qu’il y a des maires, n’a eu un maire aussi minable et aussi mesquin », écrit-il en décembre 2006.
Début 2007, une nouvelle attaque cardiaque, suivie d’une nouvelle opération, l’oblige à interrompre son délire. Charles Ceccaldi-Raynaud ferme son blog. Au sein de la grande famille UMP des Hauts-de-Seine, on respire. Si cette mauvaise farce familiale pouvait enfin se terminer… À Neuilly, on observe le spectacle en se pinçant le nez. Mais ce n’était qu’une trêve, le temps de la campagne législative et présidentielle.
Depuis septembre 2007, Charles est reparti à l’attaque. « On a beau multiplier les réceptions, déverser sur la ville une pluie de cadeaux, ajouter des fleurs sur les fleurs, des pots sur les pots, réserver les places en crèche et les séjours dans les villages de vacances aux seuls affidés, sacrifier l’intérêt général sur l’autel des investitures personnelles, rien ne peut plus masquer que la ville roule aux abîmes », écrit-il le 6 novembre, laissant toutefois planer le doute sur son intention de se présenter aux municipales de 2008.
Mais Joëlle reste imperturbable. Sa grande crainte était que Christophe Grébert (opposant blogueur, NDLR) se présente au nom du parti socialiste, mais la section locale a préféré investir le jeune père de famille Stéphane Vazia. Les divisions de l’opposition la rassurent. Elle préfère laisser dire, tout en consolidant sa position à l’UMP.
Elle a déroulé le tapis rouge pour le grand projet de renouveau du quartier d’affaires de la Défense, si cher à Sarkozy, donnant son feu vert à l’édification, sur son territoire, de plusieurs nouvelles tours, d’une hauteur encore jamais vue. Une façon aussi, pour elle, de faire prospérer le trésor de la commune et d’assurer, pour l’avenir, des rentrées de taxes professionnelles toujours plus importantes. La ville dispose pourtant déjà d’un palais des sports, d’un palais de la culture, et d’un palais de la médiathèque. Mais Joëlle trouvera bien le moyen de faire encore plus beau, plus grand et plus clinquant. Tant que la Défense veille sur Puteaux… »
©Fayard, 2008
Demain, dans Bakchich, le troisième volet de cette enquête sur le « 9-2 », dans les coulisses du département bling-bling.
Retrouvez le premier épisode de cette enquête sur le « 9-2 » en cliquant ici
Comme tous les livres d’investigation, celui-ci nous conte par le menu les turpitudes de ceux que Bernard Pons décrivait "Heureux comme des poux dans la gomina !" Et la gomina semble couler à flots !
Une ville n’est jamais citée, Boulogne Billancourt. L’austérité et la probité de Jean Pierre Fourcade en sont la cause.
Ce doit être génant pour tous ces voraces.
Pourvu qu’il soit élu !