L’expulsion de quelques centaines de Roms a permis au président de la République de montrer une fois de plus son inflexible volonté, sa détermination sans faille et son autorité naturelle. Elle a également permis à l’Église de France, entre deux affaires de pédophilie, de se dire choquée et de déployer à grand bruit un courage sans grand risque. Ce n’est quand même pas parce qu’on s’est aplati devant Hitler qu’on va se laisser intimider par Brice Hortefeux.
Elle a donné l’occasion, qu’il n’aurait manquée pour rien au monde, à Dominique de Villepin, planant à une altitude que fréquentent seuls l’aigle, la baudruche, l’outrance et le condor, de battre son propre record du ridicule en hauteur.
Ce qui n’était pas prévu, c’est qu’une banale mesure de police jetterait le trouble jusqu’au sein du gouvernement.
Légendaire fondateur de Médecins sans horaires, Bernard Kouchner aurait, dit-il, regardé en face l’épouvantable hypothèse de sa propre démission. Heureusement, ayant eu l’idée de se poser en quelque sorte la question de conscience, celle-ci lui fit valoir qu’il se devait au monde, qu’il se devait au Quai d’Orsay, qu’il avait une femme et un enfant en bas âge, et Kouchner s’inclina devant sa conscience.
De même Fadela Amara, l’autre Auvergnate du gouvernement, ni pute ni sous-fifre, profondément choquée dans un premier temps, s’avisa qu’elle ne serait pas forcément plus utile là où elle irait que là où elle est, et décida d’y rester.
Hervé Morin, enfin, l’homme qui a les yeux plus gros que le centre, conclut lui aussi, après une brève et intense réflexion, que l’heure n’était pas venue d’abandonner le poste qu’il est censé occuper. Nous l’avons échappé belle… Un ministre qui songe à s’en aller, un ministre qui ne l’exclut pas, plus un ministre qui l’envisage, ça fait trois ministres qui ne démissionnent pas. Et qui n’ont plus qu’un droit : celui de se taire.