Meurtre à Manille. Les grands-mères de l’assassin et de la victime se retrouvent confrontées à ce drame commun. Entretien avec le réalisateur Brillante Mendoza.
Bakchich Hebdo : "Lola", cette histoire de deux femmes âgées, dont l’une vient de perdre son petit-fils, tué d’un coup de couteau, et l’autre est la grand-mère de l’assassin, est tirée d’une histoire vraie.
Brillante Mendoza : Oui, les histoires sont absolument véridiques, mais elles n’étaient pas connectées. Je suis intéressé par les histoires vraies, car j’ai envie de raconter ce qui se passe dans mon pays, les Philippines. Dans "Lola", un crime va révéler les forces et les fragilités de deux vieilles dames. Leur humanité va être mise à l’épreuve.
B. H. : Vous montrez les Philippines en proie à une pauvreté extrême, à la corruption et à la violence. Que pense le gouvernement de vos films ?
B. M. : Aux Philippines, les gens vont au cinéma pour se divertir, pas pour voir leur vie telle qu’elle est. Mes films ne ressemblent pas à "Avatar", donc on s’en fout. Et comme je ne touche qu’un public restreint, je peux tourner ce que je veux.
B. H. : Vous filmez des séquences banales – des personnages qui errent, qui allument une bougie – qui seraient coupées par d’autres réalisateurs, et pourtant vous parvenez à démultiplier l’émotion. B. M. : J’essaie de montrer les événements en temps réel pour ressentir pleinement ce que vit le personnage. Le film devient une expérience immersive.
B. H. : Vous connaissez le cinéma des frères Dardenne ou les films de Gus Van Sant ?
B. M. : Bien sûr. "Elephant" de Gus Van Sant est un film terrifiant. Je l’aime beaucoup.
B. H. : Vous avez tourné votre premier film à 45 ans. Depuis, vous avez réalisé huit films en cinq ans. Comment faites-vous ?
B. M. : Je prépare mes histoires longtemps à l’avance. Le film "Lola" a été écrit il y a trois ans. Ensuite, je tourne très vite, avec une équipe réduite de dix personnes : j’ai fait "Kinatay", mon précédent film, en douze jours ; "Lola", en onze. Jamais plus de quinze jours ! J’improvise beaucoup et je ne donne jamais le scénario en avance à mes acteurs. Ils ne doivent pas savoir ce qui va se passer. J’essaie simplement de filmer la vie.