Juillet 2006, Élizabeth Levy et son émission de critique des médias sur France culture – Le premier pouvoir – sont virés. Ou plutôt, pas reconduits à la rentrée 2007. Ça ne fait pas plaisir. Elle écrit donc un livre, publié fin mars [1], dans lequel elle dit du mal de David Kessler, son ancien patron. Mais, contrairement à d’autres licenciés, la belle Élizabeth disait déjà du mal avant. Le livre, présenté comme un « droit d’inventaire », fait le bilan de deux ans de cet exercice.
Dame Élizabeth s’attarde beaucoup sur ses relations avec son boss (« le directeur de France culture n’aimait pas l’émission (…) il avait par ailleurs admis que cette opinion n’était pas fondée sur une « écoute assidue et régulière ». S’il fallait connaître ce qu’on condamne, la vie serait un enfer ») et quelques intermédiaires, sur l’ambiance feutrée à France culture (un lieu où « tout éclat est prohibé et les convictions trop marquées ne sont pas appréciées » et où, de tous les médias qu’elle a fréquenté, « l’autoritarisme fonctionne le plus efficacement ») et cherche les raisons d’une suppression apparemment fort mal vécue.
Ça ressemble parfois à un simple règlement de compte (ce qui n’est pas nécessairement un problème) mais l’auteur en profite pour distiller des idées plutôt intéressantes sur la presse et son fonctionnement. « Régulièrement et unanimement condamné, le délit de connivence bénéficie en pratique d’une indulgence quasi plénière. De ce point de vue, le petit monde journalistique ressemble à une maison close dont les pensionnaires ne cesseraient de stigmatiser la luxure avec la plus grande des sévérités » [2], avance-t-elle par exemple. Et elle se permet même un peu de philosophie : « L’idée proprement absurde d’un « réel » que l’on pourrait voir et montrer comme on cueille une fleur est une idée répandue dans les rédactions (…) Convaincu que ce qu’il voit, c’est le monde tel qu’il est, [le journaliste moderne] a fini par croire que ce qui est, c’est ce qui est montré. Et comme nous ne demandions qu’à partager cette fumeuse croyance, elle s’est accomplie ». On peut raisonnablement se méfier des journalistes qui philosophent (l’inénarrable Philippe Val en est l’auguste exemple), mais Élizabeth Lévy livre là des pistes de réflexion non négligeables. Une voie qu’elle aurait peut-être gagné à poursuivre.
À l’annonce de la fin de l’émission, l’éditeur Guy Birenbaum avait écrit : « Je ne suis d’accord sur rien -ou presque- avec Elisabeth Lévy mais je regrette sincèrement la suppression de cet espace de liberté, de polémique et d’énervement hebdomadaire pour ce qui me concernait ! ». Comme lui, on ne partage que rarement les idées de la Dame, mais, pour lui faire plaisir, on serait ravis de s’engueuler avec elle.
[1] Le premier pouvoir – inventaire avant liquidation, Flammarion
[2] On conseillera ici à la journaliste de lire nos articles consacrés à Marc Francelet et par extension, à son ami Franz Olivier Giesbert, un de ses patrons.
Le siège du Canard Enchaîné à Paris fait l’objet vendredi d’une perquisition dans une enquête visant d’éventuelles violations du secret de l’instruction en marge de l’affaire Clearstream, d’après la rédaction de l’hebdomadaire satirique. /Photo d’archives/REUTERS/Charles Platiau - © REUTERS
Une perquisition est en cours à Paris au siège du Canard Enchaîné dans une enquête visant d’éventuelles violations du secret de l’instruction en marge de l’affaire Clearstream, d’après la rédaction de l’hebdomadaire satirique.
Cette perquisition est menée par les juges Françoise Desset et Thomas Casuto, a-t-on précisé de même source.
Cette procédure contre "X", ouverte en 2006 sur instruction du ministre de la Justice, Pascal Clément, vise 18 articles de presse parus entre le 14 avril et le 12 mai