On connaissait les « alicaments », les aliments censés contenir de quoi remplacer les pharmaciens en vous faisant ( au choix) maigrir, grossir, mincir, rajeunir, déglutir, et en favorisant le transit intestinal à la façon d’un Bison Futé. Mais voilà autre chose ! De quoi donner de fameux cauchemars aux professionnels de la santé : ça s’appelle les « texticaments ». Un congrès des vendeurs de texticaments, alias textiles qui soignent, vient se dérouler à Tours. Nos vêtements contiendront un jour des substances qui soulageront nos pauvres corps épuisés par la vie contemporaine. Nous avons déjà les collants et pantalons qui affinent la silhouette et les corsaires hydratants. Nous aurons un jour les pompes qui éliminent les cors au pied, les casquettes qui favorisent la repousse des cheveux, les slips assurant la bonne température des burettes, les soutifs détectant les cancers du sein, les pulls diffusant des antibios contre les pneumonies, les chaussettes traquant les varices et les chapeaux anti-migraines rendant l’aspirine obsolète.
On devine aisément la stratégie des industriels du textile : la recherche-développement à visées scientifico-médicales est la réponse aux invasions des textiles chinois qui, du nord au sud de l’hexagone et de Boussac à Romans, ont mis sur la paille nos fabriquants de chandails, de chemises, de chaussettes, de pompes et d’espadrilles.
Puisque les Chinois nous inondent de leur pacotille en payant leurs ouvrières trois francs six sous, nous allons répliquer en leur vendant des produits finis à haute valeur ajoutée : la pharmacie dans votre armoire ! En France, on n’a pas de pétrole mais on est finauds.
Passons sur la frustration des nudistes et naturistes obligés de se vêtir s’ils veulent se soigner. Arrêtons-nous plutôt sur le mal-être des professions médicales qui voient s’avancer un nouveau cheval de Troie à l’heure où Leclerc leur taille des croupières. Jadis, nous cherchions conseil auprès du potard qui nous vendait des médicaments. Demain, nous irons chez le tailleur pour soigner un lumbago. Aura-t-il la formation adéquate ? Mystère et boule de gomme ! Quant à la moitié de l’humanité qui n’a qu’un pagne à se mettre pour aller chercher l’eau au puits, elle pourra ainsi mesurer le chemin qui est devant elle. La recherche occidentale s’intéresse aux graves épidémies de rhumes et de cellulites. Elle n’a pas le temps de réfléchir aux petits inconvénients que sont le sida, la malaria, le typhus, la lèpre, ou la peste aviaire et de se pencher sur les menus allégés qui rétrécissent les estomacs. On n’a pas que ça à foutre et on veut que perdure le décalage qui sépare le riche du pauvre !