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LUTTES / CHRONIQUE DU BLÉDARD

Le salon de l’auto

Bolide / dimanche 12 octobre 2008 par Akram Belkaïd
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Salut. Je m’appelle Mouloud, mais pour mes amis c’est Mô. Je suis grand de taille, large d’épaules, le dos un peu voûté et on m’a donné un ciré jaune à capuche pour me protéger de la pluie. Ce samedi matin, c’est jour d’ouverture au public. Il est bientôt dix heures et la file d’attente est déjà longue et impatiente. Dans quelques minutes, je vais encaisser le choc. «  Bonjour Monsieur. Billets s’il vous plaît ! Votre fils a quel âge ? Moins de dix ans ? Ça va, bonne journée ». A voir tant de monde défiler, j’aurais l’impression d’être debout au milieu d’une rivière en crue.

Hier, pendant la journée réservée à la presse et aux professionnels, j’ai pu m’éclipser pour faire un petit tour dans le hangar numéro cinq. Je suis allé traîner dans le coin des Hummer et j’ai même pu grimper dans un H3. Un peu de rêve… Je ne suis pas resté longtemps parce qu’un type en costard est arrivé avec son gamin. «  C’est celui-là », a-t-il dit, et le môme s’est mis à sauter de joie. Il y a une petite voix qui me dit que je ne pourrais jamais me payer ce genre de bagnole et une autre qui me gronde parce qu’il paraît que ce n’est pas très écolo de s’y intéresser. Je n’écoute ni l’une ni l’autre et je me dis qu’un jour, peut-être, je glisserai sur les pentes de l’Atlas au volant de ce monstre.

Hello, je suis Jennifer, c’est du moins le prénom que je me suis choisie pour faire ce métier. Je suis grande de taille, j’ai les cheveux teints en blond et je porte une robe fourreau fendue aux quatre vents et des talons aiguilles. Mon travail, dans ce stand aux couleurs rouge et noir, c’est de coller au plus près de ce coupé sport écarlate posé sur une estrade tournante. Une musique techno qui cogne en boucle me permet de penser à autre chose et de ne pas compter les secondes qui filent si lentement. Je suis debout, une main posée sur la hanche, l’autre sur la capote de la voiture.

Un photographe me vise. Mon visage prend une mine farouche. Je plie légèrement l’une de mes jambes puis je me penche en avant, le buste au-dessus du capot arrière. J’entends des sifflements et quelques réflexions qui fusent de la masse qui passe et déambule. Ce n’est pas grave, j’ai l’habitude. On va me demander mon numéro de téléphone ou de me laisser prendre en photo avec des mariolles au sourire canaille. Il ne faut pas que je perde le sourire. C’est un travail comme les autres, j’en ai besoin pour vivre. Peut-être qu’une agence plus connue va enfin me repérer.

J’ai ouvert la portière et je me suis assise à l’intérieur, une main sur le volant, la jambe gauche à l’extérieur. Cela me permet de me reposer un peu et de donner un peu de répit à mes plantes de pied. Un homme en survêtement s’est approché et m’a demandé en riant si j’étais comprise dans le prix. Il se croit drôle, mais cette question, je vais l’entendre dix fois, cent fois, et je ferai semblant de rien ou, alors devrais-je sourire parce que le superviseur ne sera pas loin. Mais il est temps que je reprenne la pose verticale.

Bonjour. Je m’appelle Nadine. Je suis noire de peau, moins élancée que les filles plantées sur le stand mais j’ai un beau tailleur grenat qui sait mettre ma poitrine en valeur. Assise derrière le comptoir, j’accueille les curieux et les fâcheux. De la documentation ? Allez sur internet, vous trouverez tout ce qu’il faut. Pardon ? Un pin’s, une clé USB ? (On y arrive…). Désolée, il ne nous en reste plus. Des modèles réduits ? Allez voir à la boutique. Je vous préviens, ce n’est pas gratuit. De là où je suis, je peux suivre le manège autour des grandes échasses. Tiens, revoilà le photographe. Il a un badge de presse mais ça ne veut rien dire. C’est pour cela qu’on leur demande une carte professionnelle quand ils réclament un dossier média. Il fond sur moi. Je l’entends me dire et répéter qu’il est très content de shooter notre stand parce qu’il trouve intéressant cette continuité entre chair et matière. Ben voyons. Je lui réponds qu’il pourrait rencontrer la directrice de la communication. Il hoche la tête et détale.

Pendant qu’il me parlait, un petit malin a fauché mon stylo aux armes du constructeur. Ça lui fera un souvenir. Dommage, je comptais bien le garder pour frimer pendant ma prochaine mission d’intérim. J’appelle ma responsable et lui demande un nouveau paquet de brochures. Elles vont vite disparaître mais au moins aurais-je gagné un peu de tranquillité. Non, monsieur, nous n’avons pas de casquette ! Allez voir chez Total, je crois qu’ils en ont. Qu’avons-nous à offrir ? Rien, pas de gadget. Oui, oui, les temps sont durs.

Good morning, je suis Rick et je viens d’Angleterre. Mon boulot est simple. C’est moi qui nettoie tous nos modèles. Yes, je parle des voitures exposées. Regardez, j’ai un beau plumeau arc-en-ciel et trois liquides d’entretien attachés à ma ceinture. Je pulvérise, je caresse, je gomme les traces de doigts et de graisse. Tout doit briller. Ici, c’est le rêve qui est offert, je n’ai pas le droit de laisser traîner la moindre tache. Oui, je sais, je respire des phénols à pleins poumons mais que voulez-vous, c’est mon job et je tiens à le garder. Bien sûr, j’aimerais que les gens fassent plus attention mais ils sont là pour ouvrir et claquer les portières. Alors, j’attends qu’ils en aient terminé et je passe mes chiffons en essayant de masquer mon irritation. Il va falloir tenir le coup pendant quinze longs jours, avec deux dimanches qui comptent pour une semaine chacun. Mais, j’insiste, c’est mon job et je tiens à le garder.

Bonjour, je suis Kamal. Affirmatif, je travaille pour la sécurité, c’est facile de le deviner avec cet écouteur que j’ai vissé dans l’oreille. Je surveille tout. Les gens, les voitures, on ne sait jamais. Cette année, je suis satisfait, on m’a mis dans un stand aéré avec de belles filles aux vestes pistache mais je n’ai pas trop le temps de penser à ça. Non, bien sûr, personne ne va voler une voiture - encore que - mais il y a des modèles que les gens n’ont pas le droit d’approcher et encore moins de toucher.

Ecoutez, je vais vous faire une confidence : je crois que c’est du cinéma mais ne le répétez pas. Ils disent que c’est un prototype de voiture verte mais y’a rien dedans. L’année dernière, c’était déjà la même chose. Faut faire semblant, hein ? La publicité… Vous croyez vraiment qu’ils exposeraient un modèle top secret ? Moi je les ai vu installer cette voiture. Elle est trop légère pour être honnête. Non, non, le vrai problème, c’est les malotrus qui essaient de tirer l’allume-cigare ou la boîte à fusibles. Allez, bon salon, monsieur.

Voir en ligne : In Le Quotidien d’Oran

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