La pièce « Les Prétendants » de Jean-Luc Lagarce, écrite en 1989, nous touche d’encore plus près 20 ans plus tard.
LES PRETENDANTS de Jean-Luc LAGARCE Mise en scène : Mario Gonzalez
La pièce « les Prétendants » de Jean-Luc Lagarce a été écrite en 1989. Vingt ans plus tard, elle nous touche d’encore plus près. L’histoire est simple : les dirigeants d’un centre culturel de province remercient leur Président pour en nommer un nouveau sans consulter personne ! Un fonctionnaire du ministère de la Culture a fait le déplacement de la « capitale ». Tous les salariés sont présents à cette occasion et l’émoi est à son comble.
Le langage de Jean-Luc Lagarce, truffé d’hésitations, d’obsessions révèlent les fêlures profondes de la communication et nous interpelle directement sur les malaises de notre société axée sur le « marketing » à outrance.
Mario Gonzalez, professeur au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (atelier Masque), révèle, par sa mise-en-scène le côté « humain plus qu’humain » de la pièce tout en lui donnant une dimension ubuesque. Il y parvient par son approche du jeu avec des masques en bois, la diction saccadée et la gestuelle névrotique des comédiens.
En tant que spectatrice « lambda », j’ai ressenti durant tout le spectacle le malaise de nos salariés obligés de s’adapter à toute vitesse à une nouvelle situation, à une mondialisation accélérée, à la violence du « grand nettoyage » ou de la « Ré-Org » comme ils disent..
J’ai vu chez les personnages la peur maniaque de l’Autre, les hommes castrés par leurs épouses frustrés ; les sourires contraints, les phrases alambiquées et jamais terminées. Les rites de la culture de l’entreprise… Et j’ai repensé à ce terme si peu joyeux de « ressources humaines », vulgaire capital humain qu’on déplace, triture, manipule à volonté !
Mais oui tout va bien ! Les salariés mettent leurs masques du BONHEUR à outrance pour faire plaisir au Chef et aux sous-chefs et parfois le maquillage coule !! Le fond de teint se craquelle et la marionnette se démantibule ! A tel point qu’on doit enfermer, hospitaliser et dans la réalité enterrer ces pitres ! Ils se poussent les uns les autres pour accéder à la méritocratie et à la reconnaissance.
Les discours inconsistants des dirigeants, empêtrés dans leurs contradictions, tournent autour du pot, le « truc gênant à dire », comme des mouches noires en perdition. Ils sont désuets et s’engouffrent dans des miasmes d’hypocrisie et de ballons vides. Mais surtout pas de remous : tout va bien ! Attention, il faut préserver l’IMAAAGE !
La machine dirigeante écrase tous les points de vue et toute velléité d’indépendance. L’ancien directeur est carrément « viré » un nouveau est imposé sans qu’on puisse entendre l’éternuement d’un petit moucheron ! Seules celle qu’on traite d’hystérique et une petite vieille essaient d’exprimer leur désaccord sur les méthodes expéditives utilisées mais elles sont vite ignifugées par le sourire carnassier du chef !!
Les acteurs (3ème année du Conservatoire – voir noms ci-dessous) se régalent, leurs corps se contractent et semblent agités d’une sorte d’épilepsie, les orbites des yeux sortent des masques, et les bouches grimacent ! et tous ces mouvements de fractures profondes contredisent les mots qu’ils formulent ou plutôt essaient de formuler !
La détresse est visible et nous fait rire jaune ! la réalité est encore plus morbide !
Ce spectacle a été joué le 30/9 1er et 2 octobre au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris avec des élèves de 3ème année. Il sera repris les 6 et 7 mai 2010 au Théâtre 95 de Cergy Pontoise.
D’autres Ateliers de travaux d’élèves auront lieu pendant l’année et feront l’objet de présentations publiques (Ateliers élèves de 3 ème année : semaine du 14/12/09 ; Ateliers transversaux élèves de 2ème année : semaine du 22/02/10 ; Ateliers élèves de 3ème année : semaine du 19/04/10).
(*) Masques créés par Etienne Champion.
Le spectacle a été joué par : Aymeline Alix, Astrid Bayiha, Louis Arene, Yohan Lopez, Barbara Bolotner, François de Brauer, Aurélie Nuzillard, Leslie Bouchet, Anthony Boullonnois, Valentin de Carbonnières, Claire Chastel, David Houri, Mathurin Voltz, Benjamin Lavernhe, Matila Malliarakis, Guillaume Ravoire, Elie Triffault.