Deux femmes se parlent, se cherchent et sont prêtes à tout pour assouvir leurs désirs d’amour fusionnel. Au Théâtre du Marais.
Le noir de la salle de cinéma et deux voix gutturales de femme, l’une pleine et douce et l’autre plus grave et acérée à la fois. Le spectateur est dans l’obscurité, entend les ondées de mots qui s’écoulent et se répondent, comme lorsqu’on écoute la pluie tomber.. Deux femmes se parlent, se cherchent et sont prêtes à tout pour assouvir leurs désirs d’amour fusionnel.
Le metteur en scène, Jean-Damien Barbin, nous transporte farouchement dans leurs rêves d’un « ailleurs ». Les mythes se réveillent, le temps d’un voyage.. Shanghai, Shanghai, Shanghai !! La fumée de la locomotive ou du paquebot s’embarquant pour Shanghai ? Et ce mot nous fait rêver comme un fruit juteux qui s’étrangle dans la gorge de ces deux femmes engluées dans leurs rêves perdus, Shanghai rythme leurs ébats amoureux et pervers qui nous parviennent comme des feux de camp s’éteignant tristement dans la brume du petit matin. Sensualité mystérieuse comme les rencontres dans les trains ou les cinémas ! Passion noire de « Belle du Seigneur » qui pousse la louve à détruire l’être qu’elle aime tout simplement..elle ne peut faire autrement pour échapper à ses névroses.
La griffe et la caresse, le noir et le strass de Marlene Dietrich, le rouge-sang d’un dos doux, tendre écorché avec le cynisme génial d’un Lautréamont, les talons et le doux satin remontant doucement l’escalier en ailes de papillons rouges et derrière l’écran de nos rêves, Billie Holiday, la star de l’incarnation, l’artiste qui a brulé sa vie tant elle la vivait avec passion, l’écorchée, celle qui a chanté la pendaison d’hommes noirs qu’elle comparait à d’étranges fruits sur des arbres calcinés !
La langue d’Ivane Daoudi est une partition où les silences, les mots aux tonalités sombres alternent avec des refrains de feu autour de sons lumineux comme « Shanghai ».. Ils résonnent comme des gourmandises chatoyantes au fond des deux gorges féminines. Le générique de fin défile sur le linceul de la femme en manque d’amour et nous, spectateurs, en sortant de la petite salle de music-hall, cinéma ou théâtre, comment savoir ? il ne nous est plus possible de dire « il pleut » de la même manière !
Une mise en scène comme une étreinte, un jeu d’actrice tout en finesse et délectation et une scénographie mise en lumière avec finesse.
LA STAR DES OUBLIS
d’Ivane Daoudi
mise en scène par Jean-Damien BARBIN avec Daphné BARBIN et Alexandra CAHEN
au Théâtre du Marais à Paris, jeudi, vendredi et samedi jusqu’au 30 octobre à 19h00.