Aubaine publicitaire pour les antipubs. Ce jeudi matin, Alex Baret, membre de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP), comparaissait à titre individuel devant le Tribunal d’Instance de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) pour avoir apposé un autocollant de 15X10cm dans une rame de RER. Rappels des faits et compte-rendu d’audience.
Le 8 octobre 2007, un peu avant minuit, Alex Baret, 35 ans et père de quatre enfants, grimpe dans une rame du RER D pour rentrer chez lui. Debout face à la porte, il sort de sa poche un auto-collant antipub, pastiche du fameux lapin : « Attention ! Ne mets pas tes yeux sur les pubs, tu risques de te faire manipuler très fort. » La rame arrive alors en gare de « Vert de Maisons », une brigade de la police ferroviaire attend à quai et grimpe à bord. Alex lisse alors tranquillement son autocollant du doigt pour y évacuer les petites bulles. C’est le flagrant délit.
Même si la police ferroviaire se montre « courtoise » voire « compréhensive » (« Ils m’ont même demandé des autocollants pour eux et leurs enfants »), elle verbalise. L’amende est de 45 euros, auxquels s’ajoutent « d’office », dit Alex, les frais de dossier – « même si j’avais sur moi de quoi payer ».
Après réflexions, Alex, commercial « en phase de reconversion », se fend d’un « gentil courrier de contestation » où il dit « ne pas souhaiter payer » : « La SNCF m’a répondu qu’elle était prête à m’accorder une “faveur”, à savoir annuler les frais de dossier pour s’en tenir à l’amende initiale – 45 € ». Alex rédige une seconde missive pour expliquer à nouveau les raisons de sa « désobéissance civile ». Après une tentative avortée de médiation, la juridiction de proximité de Charenton-le-Pont le cite à comparaître. L’infraction retenue à son encontre est celle de « publicité non autorisée », « l’article 80-2 du décret 42-730, promulgué sous Vichy », s’amuse Alex.
Une petite dizaine de membres du RAP l’accompagnent. Il est 9h30, l’audience est supposée commencer, mais quatre policiers postés devant la porte bloquent l’accès aux militants. Ils auraient « des ordres » en ce sens du ministère public pour qui « le tribunal n’est pas une tribune ». Selon les personnes présentes à l’étage, l’avocate de la défense plaide alors une « demande de laisser passer » auprès du juge, arguant « l’audience publique ». Après trente minutes d’attente, les membres du RAP sont admis à l’intérieur du Tribunal d’Instance.
Partie civile, l’avocate de la SNCF dit « ne pas comprendre la démesure donnée à cette affaire ». Elle refuse d’emblée d’entrer dans le débat sur les dérives publicitaires ou le concept de désobéissance civile – « le tribunal n’est pas le lieu d’un tel débat, il y a eu infraction, jugeons-là ».
Elle rappelle que « la SNCF est une entreprise semi-publique qui doit savoir faire des choix : multiplier les panneaux publicitaires, c’est améliorer les infrastructures du réseau et donc contenter les usagers ». Elle regrette enfin que le pastiche du lapin puisse détourner l’attention des enfants du message initial qui est le sien – à savoir : « Attention tes doigts ! »
L’avocate demande un euro symbolique pour le préjudice matériel et 500 € aux dépens (frais engendrés par le procès, hors honoraires d’avocat). La Procureure requiert pour sa part 300 € d’amende, arguant que le prévenu reconnaît non seulement les faits, mais qu’en plus, il les « revendique ».
Pour sa défense, Alex explique « comprendre les arguments de la SNCF » : « C’est effectivement un espace semi-public qui accapare notre champ visuel et mental pour payer des escalators ou diffuser du spray odorant dans les couloirs ». Reste que le militant fustige « les 57 000 affiches du réseau SNCF – dont 25 000 “quatre par trois” et bientôt 1800 écrans plasmas animés avec caméras intégrées pour étudier l’efficacité du message publicitaire et la façon dont il accroche la prunelle du voyageur. En comparaison, mon petit autocollant est franchement risible ». Il dit vouloir « sensibiliser l’opinion publique aux diverses agressions des affiches publicitaires » et énumère « les problèmes de santé, d’éducation ou d’environnement » qu’elles engendrent.
Le Président du tribunal le coupe après une petite demi-heure de débat : « Très bien Monsieur, la décision du tribunal sera rendue le 12 février prochain ».