Pour ses 80 ans, Agnès Varda nous envoie un morceau de son cœur. Et accessoirement un des plus beaux films de l’année.
Il y a foule rue Daguerre. Des voisins, des amis, la famille. Tous sont hilares. Et ils ont à la main un drôle d’ustensile, un balai ! Car c’est l’anniversaire d’Agnès Varda. Elle a aujourd’hui 80 ans. Elle recevra donc 80 balais !
Les Plages d’Agnès n’est en rien une hagiographie, un bilan ou un film d’autofiction. Comme Georges Pérec, Agnès se souvient. De la Nouvelle vague, des îles, des films, des gens qu’elle a aimés, de Jacques Demy mort du sida… Agnès se promène sur la plage, Agnès s’habille en patate, Agnès passe l’après-midi sur le plateau de Peau d’âne avec Jim Morrison, Agnès découvre un débutant tout timide nommé Harrison Ford, Agnès tape la discute avec Chris Marker déguisé en chat, Agnès joue avec des miroirs sur une plage, Agnès se marre avec Calder, Agnès tourne avec Sylvia Monfort et Philippe Noiret, avec Jane Birkin, avec Robert De Niro qui tombe à l’eau, Agnès s’amuse et nous régale. Elle nous ouvre la porte de sa maison, là où elle travaillait avec Jacques Demy, elle nous ouvre surtout la porte de son cœur. Alors, c’est quoi ce film ? Un documentaire, un album photo vidéo, un puzzle constitué d’extraits de ses films, une lettre d’amour à l’absent, un collage style marabout-bout de ficelle…, un autoportrait, une carte postale ? C’est bien sûr tout cela et plus encore. C’est d’abord du cinéma. Un voyage au cœur du cinéma de Varda.
Il y a deux scènes intimes qui résument parfaitement ce film en particulier, mais aussi l’œuvre de Varda en général. Dans la première, Agnès présente ses deux enfants, ses beaux enfants, Rosalie et Mathieu Demy, à la caméra. Mathieu, en gros plan, semble embarrassé par le trop plein d’amour que sa mère veut fixer sur pellicule et lâche une vanne pleine de dépit. C’est la vérité 24 images/seconde, c’est drôle et drôlement triste. Dans une des dernières scènes du film, Agnès réunit ses enfants et petits-enfants. Tout le monde est en blanc, s’agite sur une plage, et Agnès passe au milieu de sa tribu, entièrement vêtue de noir. Tout cela pourrait sembler naïf, vaguement baba cool voire carrément ridicule. Et pourtant, il se passe une nouvelle fois quelque chose. Avec ce plan tout simple, mais simplement magnifique, l’émotion nous saisit et l’on se souvient que Varda a réalisé Cléo de 5 à 7, Le Bonheur, Sans toi ni loi, Les Glaneurs et la glaneuse… Cette vieille dame très digne, au milieu de ses beaux enfants, de ses petits-enfants qui jouent, c’est l’aboutissement d’une vie, l’image d’un bonheur qui s’écoule et qui déjà n’est plus.
Les plages d’Agnès est un film vivant, drôle et généreux, signé « d’une petite vieille bien vivante ». Varda nous offre sa vie, à travers quelques miroirs, des bouts de films, des bouts de plages. Bon anniversaire, Agnès.
« Les plages d’Agnès », d’Agnès Varda
Sortie en salles le 17 décembre.