Réalisée par deux documentaristes canadiens, une contre-enquête sur l’oeuvre de Michael Moore sort ce 5 mars en DVD. « Bakchich » n’hésite pas à (re)présenter trois extraits révélateurs.
Diable, qui ose réaliser un documentaire sur Michael Moore ? Qui se permet d’enquêter sur l’icône du documentaire ciné, palme d’Or à Cannes pour son brûlot anti-Bush « Fahrenheit 9/11 » ? Des chrétiens fondamentalistes, des amateurs de gros calibre américains, voire tout simplement des mecs de droite ?
Pas du tout… Ce sont des fans, si épris de leur idole qu’ils lui consacrent plusieurs mois de leur vie. Un gentil couple de Canadiens, Rick Caine et Debbie Melnyk, qui s’échinent à vouloir comprendre le système Michaël Moore. Avouons-le, dans « Michael Moore : Polémique système », les révélations ne pleuvent pas. Et les deux Canadiens, qui se moquent de l’omniprésence de Moore à l’écran, ont curieusement, dans leur documentaire, adopté le même principe de narration. Mais c’est toujours salutaire de réaliser une contre-enquête sur un Michael Moore en passe de devenir un héros sacré.
Comme par exemple, de révéler les petits arrangements de Moore avec la réalité. Dans « Roger et moi » (1989), son premier film, Michael Moore affirme n’avoir jamais réussi à rencontrer Roger Smith, le patron de Général Motors, pour lui montrer les résultats de sa politique de licenciement… En vérité, Moore avait eu avec lui un long entretien qu’il avait occulté au montage. Un brin gênant.
Pour voir d’autres exemples des petits arrangements de Moore avec la réalité, cliquez sur les trois vidéos.
Trois questions de Bakchich aux réalisateurs Rick Caine et Debbie Melnyk :
Avez vous rencontré des difficultés pour financer le projet ?
« Oui, surtout au début. Nous avons rencontré beaucoup de producteurs français au « Sunnyside Of the Docs » quand ils sont venus à Toronto pour voir la production canadienne. La plupart étaient très sceptiques à l’idée de se lancer dans un film critique sur Michael Moore. Le même argument revenait tout le temps : « C’est un peu gênant de critiquer Michael Moore, l’un des rares à oser s’attaquer au gouvernement Bush et à sa guerre en Irak… ». (Le film fut finalement financé par des producteurs canadiens et australiens).
D’autres difficultés, pendant le tournage ?
« Nous avons vécu des tensions auxquelles nous ne nous attendions pas du tout, pendant et après le tournage. Nous n’avions pas mesuré les conséquences politiques d’un tel projet. Pendant le tournage, beaucoup de personnes acceptaient de nous donner une interview, le rendez-vous était pris, mais une fois devant la caméra, ils s’autocensuraient. Certains refusaient l’interview par peur de représailles. Après le tournage, nous avons été contacté par un festival de documentaires, aux Etats Unis, le Full Frame Documentary Festival. On nous a expliqué que comme Michel Moore était attendu, il n’était peut être pas très « prudent » de projeter notre film. Un distributeur américain nous a même dit que notre documentaire était « trop politique » pour être distribué aux Etats-Unis, mais qu’au Canada ça ne posait pas de problème. !
Les conservateurs ont dû adorer votre film…
« Après la projection de notre film au SXSW ( Festival culturel à Austin au Texas), nous avons été interviewé par la Fox television (la chaîne américaine pro-Bush) dans l’émission « The Live Desk ». Ils ont essayé de nous faire passer pour des conservateurs anti-Michel Moore. A l’antenne, nous avons alors demandé à la Fox « d’arrêter son petit jeu pervers », expliquant que « la chaîne avait bien plus menti au public que Michel Moore ne l’avait jamais fait, qu’elle désinformait quotidiennement les américains avec des reportages bidons sur les armes de destruction massive, et qu’elle continuait à soutenir une guerre en Irak en oubliant de préciser le nombre de mort du côté irakien ». Après notre passage dans cette émission, les conservateurs n’ont curieusement plus jamais tenté de nous instrumentaliser pour servir leur propagande ! »