Il semble que ma chronique à propos de l’épreuve théorique du permis de conduire, le fameux « code », n’a guère été appréciée du côté de Mascara.
La raison n’est pas que j’ai refusé d’avouer le résultat de mon examen (je vous donne rendez-vous pour la suite dans quelques semaines) mais c’est à cause d’une anecdote que, naïvement, je croyais totalement inoffensive. « De quel droit affirmez-vous que le Missoum dont vous vous moquez était de Mascara ? », me demande, courroucé, un lecteur par le biais d’un courriel aussi argumenté que vengeur. « Je connais depuis longtemps la blague que vous avez racontée et je peux vous affirmer que je n’ai jamais entendu dire que ce Missoum venait de Mascara. C’est plutôt du côté d’Oran et de la rue de la Bastille qu’il vous faut chercher. Sachez, monsieur le plumitif (sic), que Mascara ne donne que du bon et du meilleur (re-sic) à l’Algérie, qu’il s’agisse de l’Emir Abdelkader ou - puisque vous semblez aimer le football - de Lakhdar Belloumi ».
Mes récents déboires avec d’irascibles lecteurs me conduisent à exclure toute ironie ou digression sur ce qui est « bon et meilleur » et qui vient de Mascara. J’accepte aussi, en toute humilité, de reconnaître mon erreur, car n’ayant pas suffisamment enquêté sur l’origine du Missoum avant d’écrire ma chronique. Il aurait fallu que j’applique la règle de la double source indépendante et, surtout, exclure toute source oranaise, susceptible, je le concède, de m’entraîner sur les chemins de la raillerie facile à l’encontre d’une ville prestigieuse et de ses habitants. L’anecdote reste inchangée mais, avant d’aller plus loin, je la répète pour celles et ceux qui auraient raté un épisode. Un nommé Missoum, habitant quelque part en Algérie, passe l’examen du code. L’examinateur lui soumet un cas d’intersection classique. Missoum sèche. Indulgent, l’examinateur lui dit : « Imagine que c’est toi qui conduis la voiture jaune. Est-ce que tu passes le premier ou non ? ». Missoum réfléchit encore un peu, puis répond : « Mais le Missoum, y’a rien qui le presse ! (wal Missoum chta qalqah !?) Je laisse tout le monde passer et ensuite c’est mon tour. »
Reste une question fondamentale : mais d’où vient le Missoum ? Pas de Mascara donc et cela contrairement à ce que l’on m’a raconté en riant aux larmes du côté d’Oran, ce qui, il faut bien l’avouer, n’était pas très gentil. Mais… le Missoum… vient-il justement d’Oran ? Pour en finir avec cette histoire et démontrer ma bonne volonté, je serai tenté de l’affirmer. Problème : ce serait prendre le risque de fâcher le directeur du présent quotidien lequel a d’autres chats à fouetter. Evitons. Un farceur me suggère Mazouna ou Frenda. Ben tiens ! Vous imaginez le genre de réaction qu’une telle affirmation provoquerait. Liberté de la presse, certes, mais point trop s’en faut, me crierait-on au visage. Un autre drille, hilare, me glisse Nedroma ou Tlemcen. Bien sûr ! Rien que ça ! Ce genre de plaisanterie n’est absolument pas compatible avec l’air du temps et je nie, par avance, toute responsabilité si jamais cette blague sur le code venait à circuler dans une version où l’une de ces deux villes serait citée.
J’entends des appels pressants venant de Ténès et m’affirmant que ce n’est pas d’un Missoum qu’il s’agit mais d’un Dekka. Et là, il faut que je vous explique. Le Dekka est le singulier des Dekkiyas, autrement dit les habitants de Chlef, qui ont la mauvaise habitude de déferler sur les plages de Ténès dès les premiers emballements du mercure. A dire vrai, les Chelfis ont aussi leur propre manière de désigner les gens de Ténès mais, par pure mauvaise foi cocardière, je ne vous la confierai pas. Sachez simplement que c’est en rapport avec la mer et ses richesses. Ceci expliqué, je ne retiendrai pas l’hypothèse du Dekka pour ne pas fâcher mon ami Rachid Nekkaz, le fameux candidat aux présidentielles françaises, dont, comme je l’ai déjà expliqué, les racines plongent du côté de Chlef. Allez, soyons radicaux : aucune ville de l’Ouest n’est concernée, même pas Mostaganem à laquelle je ne souhaite pas infliger plus que ce qui l’accable actuellement.
D’ailleurs, pourquoi le Missoum serait-il absolument de l’Ouest ? A cause de l’accent m’instruit-on car on ne dit pas « chta qalqah » du côté de Batna, Tébessa ou Souk Ahras. De plus, à imaginer qu’il vienne de l’Est - là, on marche aussi sur des oeufs -, il aurait fallu changer l’anecdote et sa chute. Petit effort d’imagination. « Est-ce que tu passes le premier ou non », demande l’examinateur. Réponse immédiate : « Bien sûr que je passe le premier ! C’est comme ça, y’a rien à dire, c’est mon droit le plus légitime ». Et pour finir, cela peut même se terminer encore plus mal s’il vient à l’esprit de l’examinateur d’ajourner le candidat.
Pourquoi le Missoum ne serait-il pas alors de « la grande ou de la petite » ? Là ce n’est pas l’anecdote qu’il faudrait changer mais la manière de restituer l’accent de Toulouse qui trahit toujours - il faut rouler les « r » - certains enfants de Kabylie. Mais, encore une fois, les problèmes ne seraient pas écartés pour autant. Imaginez une chronique dans le Quotidien d’Oran qui moquerait - gentiment un originaire de Boghni, Tizi Ouzou ou Azazga ! De quoi s’attirer des problèmes avec les amis de Ferhat Mehenni et leur donner une nouvelle occasion de faire parler d’eux. Pire, les néoconservateurs de Washington monteraient l’affaire en épingle et nul ne peut savoir comment se terminerait pareille affaire.
Bon, allez, trêve de plaisanterie ! Soyons patriotes : en réalité, le Missoum n’est sûrement pas Algérien et après enquête, longue et minutieuse, il ne m’étonnerait pas qu’il soit Marocain (je sais, c’est une accusation gratuite qui ne va guère dans le sens de l’Union du Maghreb mais cela me permettra de vérifier si le Quotidien est aussi lu qu’on le dit de l’autre côté de la frontière…). De toutes les façons, je vous tiendrai au courant de mes investigations en attendant de découvrir pourquoi les gens d’Oran m’ont assuré que le Missoum était de Mascara.