L’ancien ministre de l’intérieur de Hassan II est entré dans la tombe sans révéler les secrets qu’il partage avec une flopée de politiques français…
Les personnes âgées sont ainsi. L’âge aidant, les vieux amis manquants, les témoins disparaissant, ils vous refont l’histoire à leur sauce. Et Driss Basri, tout puissant ministre marocain de l’Intérieur qu’il a été, n’échappe pas à la règle. De son cossu appartement du XVIe arrondissement, anciennement celui de Pierre Mendès France, le « chaouch » de feu Hassan II a mille fois refait l’histoire de son règne et de ses coups. Pas tant aux vieux copains de jeu du temps de sa toute-puissance ou aux jeunes pousses qu’il a placées (notamment Fouad Ali El-Himma) dans le cabinet royal, dès sa déchéance décrétée en 1999 par le nouveau roi Mohammed VI, ses rejetons se sont majoritairement détournés. Ni aux familles des victimes de son oeuvre à la tête de l’Intérieur marocain.
Non quelques fidèles à l’image des anciens ministres de l’Intérieur Pierre Joxe, Jean-Louis Debré, Robert Pandraud ou l’ancien patron de la cellule Afrique, Michel de Bonnecorse, longtemps ambassadeur au Maroc et chaleureusement décrit par l’ami Driss comme « un homme rond »… ou ses jeunes poulains, tels Rachida Dati, désormais ministre de la Justice en France. À ceux-là, en récompense de leurs oreilles, une cargaison du vin de sa propriété marocaine était offerte chaque jour de l’an. « Fort bon », assurent les initiés.
Et nombre de journalistes se sont aussi penchés au chevet de cette intarissable source d’information. Souvent pas les plus tendres avec lui, Bakchich en a été.
Sherpa acharné de Hassan II, « Si Driss » a été de toutes ses politiques, de la répression brutale jusqu’en 1997, jusqu’à la timide ouverture amorcée à cette date. Une ouverture surtout économique. Afflux de capitaux étrangers, tourisme, bâtiment, le tout matiné d’un léger fard démocratique : des élections et un Premier ministre socialiste. Une chance, dans le charcutage électoral et l’arrangement d’élections, l’ami Basri a pu prendre conseil auprès de Charles Pasqua. S’il n’avait pas été évincé, promis, une « monarchie constitutionnelle » aurait vu le jour. Rien que ça…
Las, quoique fin politique, Si Driss n’a jamais été bon pronostiqueur. Du genre à miser sur le mauvais cheval, en l’occurrence le fils cadet d’Hassan II, Moulay Rachid. Plus qu’une volonté de rompre avec les années de plomb, Mohammed VI s’est empressé de le virer pour cette raison, allant jusqu’à lui couper l’eau dans ses résidences marocaines et à le faire vivre sans papiers à Paris un an durant. Un brin mesquin certes. Mais Basri avait largement pris les devants, en alimentant son père sur les frasques supposées du rejeton lors de ses voyages en Europe. De là une petit inimité que la séparation et l’exil n’a fait que renforcer.
Plus que sa réhabilitation, en divulguant quelques secrets du royaume aux gratte-papiers parisiens, Basri a cherché à maintenir la pression sur le Makhzen. Pas un journaliste qu’il n’ait croisé à qui il n’a proposé de l’aider à écrire un livre, ou à lui promettre une « bombe ». Jamais venus. Un petit arrangement financier avec le palais, via Moulay Rachid, a suffi à calmer ses velléités. Une belle retraite, 5 à 10 millions de dollars. Et l’homme a toujours su rester en deçà de la ligne jaune. Jamais un mot sur les petits cadeaux aux hommes politiques français. Seule une petite phrase, quant à l’attribution généreuse d’un terrain au Maroc à l’ancien ambassadeur Mérimée. « Le problème n’est pas de savoir si Mérimée a eu un terrain, mais de trouver un homme politique français qui n’a pas bénéficié de nos largesses ». Paroles d’expert.