Ce n’est pas seulement un ancien ministre de l’Intérieur marocain, bras droit et homme des basses oeuvres de feu le roi Hassan II qui a passé l’arme à gauche. Driss Basri est aussi un ancien sans papiers, passé, ô surprise, à travers des mailles des filets de la Police aux Frontières.
Viré en 1999, trois mois après la mort d’Hassan II, Si Driss n’a jamais entretenu de chaleureux rapports avec le fiston Mohammed VI. Et a commencé à dauber allègrement sur le régime, le cabinet royal, dont il a formé nombres des membres, la lutte contre le terrorisme, etc. Bref, sur toute action du Makhzen marocain quelle qu’elle soit sur le mode, « ils dilapident l’héritage qu’Hassan II et moi avons laissés ».
Depuis son appartement du XVIe arrondissement, qu’occupa autrefois Pierre Mendès-France, ou sur la terrasse de chez Lipp, sa « cantine », Driss lançait tant de philippiques que le trône s’est légèrement braqué. Le 4 mars 2004, les autorités du Royaume enchanté ont même refusé de renouveler son passeport. Et M6, au mieux avec Jacques Chirac, d’exiger qu’aucun titre de séjour ne soit attribué à l’ancien grand vizir, un an durant.
Ni la solidarité d’hommes d’Intérieur, noué avec les ex français Pandraud et Pasqua, ni les plaidoiries de son pote Jean-Louis Debré à l’Elysée n’ont débloqué la situation. A l’été 2004, reçu place Beauvau, il se vit dire par un proche collaborateur de Villepin, alors en Premier flic de France : « Mohammed VI exige que vous alliez retirer votre passeport à Rabat, faites un effort, on vous donnera ensuite un titre de séjour ».
« Pas question », a répondu alors un Basri humilié, qui a redoublé ses critiques contre le pouvoir marocain, et promis de sortir quelques cadavres du placard, tant français que marocains.
« Il est exclu qu’on lui donne une carte de séjour tant qu’il n’aura pas réglé son problème avec Mohammed VI. On ne va pas se brouiller avec le Maroc avec Basri », arguait alors l’entourage de Chirac. Mais « on ne va pas l’expulser », rassurait-on immédiatement. L’alors Président, savait ce qu’il devait à l’ami Basri et en bon flic, Si Driss avait conservé des tas de lettres et de notes…
Menace efficace, compassion du bon roi pour un ancien serviteur de son père, arrangement à l’amiable. Nul ne le sut, mais le 18 mars 2005, un nouveau passeport était délivré au sieur Basri au consulat du Maroc à Paris, 6 jours après un tête-à-tête Chirac-M6 à Paris.
Heureux hasard.