Chouettes pillages et hold-up sympas

Louise Michel de Franz Van der Motte (L’Harmattan) : Une bio chouette de la passionnaria de la Commune de Paris qui fut tour à tour une bouillante institutrice laïque « dénonçant les ouvroirs religieux qui affamaient les familles », une oratrice libertaire déchaînée, une pilleuse de grandes boulangeries au profit des crève-la-faim, une déportée imbâillonnable en Nouvelle-Calédonie donnant des cours de sabotage aux Canaques mutinés avant de revenir foutre la merde à Paris en 1882 où elle sera condamnée pour outrage à agents puis pour incitation au meurtre de patrons.

En complément, à l’Harmattan aussi, Henri Rochefort : Déportation et évasion d’un polémiste de Joël Dauphiné : L’histoire bougrement bien racontée d’un petit copain de Louise Michel qui fut également un grand semeur de désordres généreux pendant le Second Empire, la Commune, la IIIe République naissante. Henri Rochefort est notamment passé à la postérité pour s’être évadé spectaculairement avec cinq compagnons de captivité d’une enceinte fortifiée de Nouvelle-Calédonie, ce qui a inspiré deux tableaux à Manet, et pour avoir constellé ses fort populaires chroniques de bons mots impertinents du style : « la France contient, dit l’Almanach impérial, 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement ».

Les Francs-maçons et la Commune de 1871 de Gérald Dittmar (Dittmar,371 rue des Pyrénées-F-75020 Paris) : La plupart des historiens de la Commune de Paris ont tenu à gommer le ralliement aux émeutiers de bon nombre de francs-maçons entendant lutter eux aussi pour l’égalité, la justice et la fin de la misère, pour l’émancipation des femmes, pour l’éducation gratuite et laïque, pour l’abolition de la peine de mort, du racisme, et de la monarchie. Fort irrité par cette diabolisation puérile des francs-maçons par tant de vénérables spécialistes des événements, le sympathique éditeur-écrivain Gérald Dittmar répare méthodiquement leurs omissions historiques en s’armant d’une abondante et irrécusable documentation.

Zola l’imposteur de Julie Moens (Aden, 165 rue de Mérode – B-1060 Bruxelles) : Une étude implacable démontrant à quel point l’auteur ouvriériste de Germinal a « ressenti une haine farouche pour la Commune ». On en croit à peine nos yeux quand on lit les lignes ignobles suivantes sur la répression du prolétariat en pétard tirées d’un article de Zola dans « le Sémaphore de Marseille » du 3 juin 1871 : « les bandits, qui pendant leur vie, ont pillé et incendié la grande cité, vont l’empester par leurs cadavres. On craint que le choléra ne naisse de l’horrible massacre. Jusque dans leur pourriture, ces misérables nous feront du mal ».

Le Voleur d’éternité d’Alexandra Lapierre (Robert Laffont) : Un roman biographique palpitant se déroulant au XVIIe siècle dont le sous-titre s’avère plus irrésistible que n’importe quel commentaire : La vie aventureuse de William Petty, érudit, esthète et brigand.

La Révolte des citoyens – De la guerre des demoiselles à José Bové de Jean-François Soulet (Privat, BP828, 31080 Toulouse cedex 6) : Prof frondeur à l’unif de Toulouse-le-Mirail, Jean-François Soulet retrace ici avec une rigueur passionnée le combat mené ces deux derniers siècles par la société civile contre l’Etat, « la société civile n’étant ni un parti ni une idéologie, mais un ensemble hétérogène de classes, de personnes et d’idées faisant, à certaines occasions, un bout de chemin ensemble ». Pour bafouer les taxes douanières (vive les fraudeurs !). Pour transgresser les codes forestiers (vive les braconniers !). Pour dissoudre les Etats flics (vive la Commune !). Pour réinventer la vie (vive mai 68 !). Pour guerroyer sur tous les fronts à la fois tel le sous-commandant Marcos « qui est zapatiste au Mexique mais aussi gay à San Francisco, noir en Afrique du Sud, musulman en Europe, chicano aux Etats-Unis, palestinien en Israël, juif en Allemagne, pacifiste en Bosnie, femme seule dans n’importe quel métro à 10h du soir ».

La Démocratie contre l’Etat de Miguel Abensour (Le Félin, 10 rue La Vacquerie – F- 75011 Paris) : D’une clarté radicale qui fait du bien. Le prof Abensour, dans un minutieux travail d’interprétation des textes du jeune Marx, celui des Manuscrits de 1844, rappelle que le visqueux blabla consensuel d’aujourd’hui a vidé le mot « démocratie » de tout son sens subversif. « La vérité de la démocratie, souligne Abensour, tient dans son mouvement contre l’Etat ». « C’est la démocratie insurgeante, anarchique, qui brise le pouvoir d’état pour lui substituer une nouvelle forme de lien politique qui reste à inventer ».

Fractures d’une vie de Charlie Bauer (Agone, BP70072-F-13192 Marseille cedex 20) : Une nouvelle édition revue et augmentée des souvenirs à tout moment enflammants du hors-la-loi au grand cœur politisé Bauer. Au sommaire : ses combats auprès des communistes en 1950 à la périphérie de Marseille, son soutien au FLN pendant la guerre d’Algérie, ses hold-up gonflagas qui lui valent vingt ans de réclusion criminelle, ses luttes tenaces avec son pote Mesrine contre les QHS, ses étranges activités culturelles après sa libération (il contribue à la mise en scène de « L’Enfant criminel » d’après Jean Genet et joue un commissaire de police dans le film militant africain Lumière noire).