La grande offensive Dada contre les réflexes conditionnés continue.
Dada à Paris de Michel Sanouillet (CNRS) : Une édition entièrement remaniée de l’ouvrage fondateur sur la geste dadaïste élaboré à la suite de rencontres directes avec chaque acteur-clé du mouvement. Le professeur Sanouillet dans sa brique fait le point sur l’actuelle vogue Dada et sur les héritiers de Tzara et Picabia (parmi lesquels il épingle le physicien californien Paul Feyerabend et Pierre Desproges) et y inclut un appendice de 250 documents inédits, une bibliographie monstrueuse et un « index nominum » impressionnant.
Dada et les arts rebelles de Gérard Duruzois (Hazan) : Constellé d’illustrations bandatoires, un remarquable guide des « stratégies de rébellion sur la scène artistique » et des concepts et techniques qui ont « permis de propager la crise par le flux des revues et des manifestes, des tracts et des actions, des manifestations collectives et des scandales ». Aux côtés des dadaïstes de choc, dont les diverses actions sont truculemment rapportées, on a le plaisir de trouver bien d’autres fouteurs de merde historiques comme les situs Pinot-Galizzio et Jorn, le créateur de machines exubérantes Jean Tinguely, l’actionniste scatologue viennois Otto Muehl ou… Yoko Ono.
L’ABCdaire de Dada d’Aurélie Verdier (Flammarion) : La plus rikiki (120 pages !) des dadanalyses récentes fait foutrement bien elle aussi le tour de son sujet en procédant méthodiquement par idées et notions (l’aléatoire, la censure, les ready-made). Ou par œuvres et contextes (le cabaret Voltaire, la revue 391, les photomontages). Ou avec les instigateurs et protagonistes (de Ernst, Ray et Duchamp à Hugo Ball, John Heartsfield et Hans Richter). Et ça a beau être tout petit, c’est truffé d’électrocutantes images.
Dada libertin et libertaire de Giovanni Lista (L’Insolite) : Un très très chouaga livre géant couronné par un balèze dictionnaire des mécréants dadaïstes dont la thèse centrale fout le bordel dans les milieux artistiques. Giovanni Lista rappelle, en effet, que si le dadaïsme a métamorphosé la vie culturelle du XXe siècle, c’est à son corps défendant. Loin d’être un mouvement d’avant-garde, Dada, entre 1919 et 1923, se proposait de dynamiter une fois pour toutes toute forme d’expression artistique ou politique.
Tenderenda le fantasque de Hugo Ball (Vagabonde, 18 rue Didot, F-75014 Paris) : Inventeur de la performance avant l’heure dans son cabaret Voltaire, Hugo Ball a écrit en 1920 cette féerie satirique ravageuse traduite pour la première fois en français qui met cocassement aux prises Cherchenoise avec l’ordre rationnel-marchand.
Ecrits critiques de Francis Picabia (Mémoire du Livre) : L’intégrale des écrits assassins de Picabia sur le marché de l’art, la mode, l’arrivisme des artistes, les écoles qui ne sont que machines de promotion et de pouvoir. La joie iconoclaste totale ! « L’amertume me vient à l’estomac en contemplant dindons, paons, oies, qui composent le dessus du panier-société ». « L’art est un produit pharmaceutique pour imbéciles ».
Arthur Cravan le neveu d’Oscar Wilde (Musées de Strasbourg) : On sait que le poète et boxeur précurseur de Dada Cravan a redonné à l’excentricité son véritable sens : se situer en dehors de tout centre et de tout cercle. On nous le montre sous toutes ses facettes burlesquement provocatrices (imposteur à la Pied-Nickelé, critique d’art blasphématoire, conférencier scandaleux, déserteur travesti en dame durant la première guerre mondiale) dans l’hymne réjouissant et panaché de dessins espiègles que lui ont rendu les Musées de Strasbourg à l’occasion d’une expo.
André Breton de Henri Béhar (Fayard) : Ce ne fut pas toujours la guerre froide entre les surréalistes et les dadaïstes. Dans sa fameuse bio du chantre de l’amour fou, enfin remise à jour et augmentée, le professeur Henri Béhar réserve quelques pages enflammées aux accointances entre André Breton et Tristan Tzara. Tout le reste de son travail montre excellement aussi comment l’auteur de Nadja s’est efforcé de mettre en pratique « une morale exigeante de l’existence, dominée par la très haute idée qu’il se faisait de l’amour, la poésie, la révolution ».
Jacques Vaché de Bertrand Lacarelle (Grasset) : Mort à 23 ans d’une overdose d’opium, le jeune dandy humoriste nantais Vaché, par ses lettres fulgurantes contre la guerre et par son « umour » qu’il définissait comme « le sens de l’inutilité théâtrale de tout », exerçait une influence diabolique sur les surréalistes, les dadaïstes et « les insoumis à la réalité » tout court. Bertrand Lacarelle brosse un portrait épatarouflant de lui.
Autres ouvrages balèzes sur l’insurrection dadaïste :
Les Archives Dada rassemblées par Marc Dachy (Hazan) ; Dada, la révolte de l’art du même Dachy (Gallimard Découvertes) ; Chroniques Dada de 1920 reproduites en fac-simile par les Presses du Réel ; le dodu Dada circuit total de l’Age d’Homme ; et les pamphlets sulfureux de Raoul Hausmann (chez Allia).