Nathalie Kosciusko-Morizet était l’invitée de Bakchat ce 19 mai. Secrétaire secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, NKM a répondu aux questions des internautes.
Bonjour à toutes et à tous, nous avons le plaisir d’accueillir Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État en charge de la prospective et du développement de l’économie numérique.
Bakchich : Concrètement, quel est le rôle de la secrétaire d’État en charge de la prospective et du développement de l’économie numérique ?
NKM : Sur la prospective, mon rôle est de mettre de la transversalité et du moyen terme dans la réflexion, d’ouvrir un peu les fenêtres aussi. Chacun a tendance à avoir son service de prévision, ses experts, sans forcément regarder ce qui se dit dans d’autres cercles ou d’autres pays sur le futur proche de ses activités. Chacun a tendance aussi, c’est normal, à avoir une vision trop courte, parce qu’il est soumis à la pression de évènements, de l’actualité.
Du côté du numérique, mon action s’inscrit dans un triangle réseaux, acteurs, usages : développer les réseaux (haut débit pour tous, lancement du très haut débit), mais aussi soutenir les acteurs du numérique et l’innovation en France dans le secteur (logiciel, jeux vidéos, services, …) et bien sur l’emploi, et enfin développer les usages. À la fois les usages des publics encore peu investis dans le numérique (personnes âgées), mais aussi les usages des secteurs qui pourraient y gagner beaucoup (éducation, santé). Et bien sur les usages administratifs, qui devraient tirer le tout, même si ce n’est pas encore toujours le cas.
Ouarabah : Passer de l’écologie à l’économie numérique… vous vous sentez pas flouée… ?
Marina : Comment avez vous vécu ce changement de poste ? De quel ministère vous sentez vous la plus proche, l’écologie ou le numérique ?
NKM : L’écologie est pour moi un engagement très ancien, et très personnel. Je me suis passionnée pour l’écologie bien avant de faire de la politique, depuis mes études. En fait cela fait 15 ans que je suis dans le secteur. Pour autant, je crois que c’est important en politique de savoir bouger, quitte à revenir. Je finissais par prendre les choses de manière très personnelle, quand on disait écologie dans la rue, je me retournais. Ce n’est pas forcément très bon, ni pour moi ni pour ma famille politique, car il faut aussi que d’autres s’investissent.
Par ailleurs, j’apprécie beaucoup de pouvoir développer mes compétences dans un sujet qui pour moi est un prolongement : avec le numérique, comme avec l’écologie, je regarde l’avenir, j’essaie d’accompagner la mutation profonde de notre société, et aussi la mutation du monde politique qui l’accompagne, car parfois je retrouve des similitudes dans les réactions des uns et des autres. J’ai accompagné ce mouvement pour l’écologie, je me sens assez apte à le faire pour le numérique !
Enfin, je crée des passerelles entre les 2 thématiques : réduction de l’impact du secteur numérique sur l’environnement, utilisation du numérique pour diminuer l’impact d’autres secteurs (réseaux intelligents, domotique), développement de la prospective en matière environnementale (j’ai lancé une mission sur le statut juridique des réfugiés climatiques, un rapport sur la valeur de la biodiversité, ….). Je ne vis pas cet enchaînement comme un arrachement ou une rupture, plutôt un prolongement. Je ne me sens pas écolo puis geek, plutôt écolo geek, si vous voulez.
Samba : Maire de Longjumeau, secrétaire d’état et bientôt maman, comment gérez-vous votre temps ? Délaissez vous une de vos fonctions pour une autre ?
NKM : Non mais je m’organise beaucoup. Je suis aidée par le fait que ma mairie est à 20 kilomètres de Paris. J’y suis le lundi après midi (hier soir j’ai tenu conseil municipal), le vendredi et le week-end, et je peux faire un aller retour pour une réunion. Il m’arrive aussi d’en organiser à Paris, par exemple d’y rencontrer les organismes HLM qui gèrent les logements sociaux de Longjumeau, pour obtenir des rénovations. Le reste du temps est consacré à mes activités ministérielles, mes responsabilités politiques, et bien sur à ma famille. J’ai la chance d’avoir un enfant, et bientôt 2, jeune. J’organise l’agenda pour l’emmener à l’école le matin, et rentrer le soir pour lui donner son bain et le coucher entre 19h30 et 20h30, avant de ressortir.
Je pense que paradoxalement c’est plus facile avec un petit, mais on doit aussi trouver des méthodes avec un plus grand. Et puis je crois surtout que c’est important pour les enfants de sentir que les parents font ce qui les intéressent aussi. Je pousse les jeunes femmes qui me posent la question à se lancer tôt en politique. Il ne faut pas attendre 45 ans et les enfants élevés, c’est dommage et cela accroît le fossé entre hommes et femmes dans le monde politique.
JeremyB : Hadopi, Lopssi, un avis en quelques mots ?
Elf de la nuit : Êtes-vous d’accord avec les propos de votre frère concernant Hadopi ?
NKM : Je crois que la loi Hadopi aura de vraies vertus pédagogiques, et d’une certain manière, le débat, même dans ce qu’il a eu de très polémique, en a eu. On n’aurait jamais autant parlé du problème. Maintenant, je crois aussi que c’est un échec collectif, je ne lance la pierre à personne en particulier- d’être arrivés à une situation aussi conflictuelle. Pour la suite, j’essaie à la fois de travailler, avec le monde de la musique, à développer l’offre légale, faire en sorte qu’elle soit intuitive, impulsive, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, même si de très nombreux modèles économiques, parfois très innovants, coexistent. Et aussi de travailler avec les autres secteurs potentiellement impactés par le numérique, pour qu’ils ne se laissent pas cornériser eux aussi. Il faut trouver les nouveaux modèles économiques avant de tomber dans la situation conflictuelle qu’on a connu à la fin avec Hadopi.
Jeannot : Madame, que pensez vous du licenciement du cadre de TF1 suite au mail écrit à Madame de Panafieu ?
NKM : Je pense que c’est scandaleux. C’était une vraie erreur de faire suivre ce mail. C’est une facilité technique que de faire suivre, mais il ne faut pas oublier qu’un mail c’est une correspondance personnelle.
Maximilien : Quel usage recommandez vous aux partis politiques avec les réseaux sociaux ?
Quentin : Vous utilisez twitter depuis presque 2 mois ! Qu’en pensez vous concrètement avec le recul.
Juju : Bonjour, justement, à propos de tweet, comment concevez-vous l’outil twitter ? Est-ce un simple moyen de communication ou plus pour vous ?
NKM : Sur les réseaux sociaux : je pense que c’est un outil formidable ! Et je donne 2 conseils aux partis politiques. D’abord, ne pas penser qu’on va utiliser Internet, sans qu’Internet vous change. C’est aussi la suite d’une discussion que j’ai eue avec les équipes Internet de Barack Obama. Internet n’est pas juste un nouveau média : il a un pouvoir de transformation de nos sociétés, que le politique, qui est utilisateur, doit accepter et même anticiper. Et puis deuxième conseil justement : être véritablement utilisateur. Internet ne se théorise pas. Il faut pratiquer, avoir un rapport direct. Concernant Twitter, j’apprécie beaucoup le coté très direct, très spontané. Cela inquiète un peu mon cabinet et ma conseillère com’, surtout, qui se sent parfois un peu court-circuitée, mais je crois que cela fait du bien à tout le monde. En tous cas moi cela me fait du bien, Car j’ai plutôt un style très direct qui trouve mieux à s’exprimer comme cela. Ce n’est pas exactement de la com’, ou alors pas du tout au sens traditionnel : il y a un partage, car il y a une spontanéité qui n’est pas du tout celle d’un communiqué de presse par exemple.
Elodie : Pensez vous que le taux d’abstention va encore battre des records pour les élections européennes ? A votre avis, pourquoi les français se désintéressent autant de ces élections ?
NKM : J’espère et je crois que la participation va remonter ce coup ci. Pourquoi ? Je pense qu’il y a au moins 2 bonnes raisons : la crise mondiale, qui appelle une réponse globale et surtout une refondation, un nouveau modèle. Avec cette conviction il me semble bien partagée que cela peut se faire en Europe. Et puis la Présidence Française de l’Union Européenne, pendant laquelle le Président de la République a démontré qu’il n’y avait pas de fatalité à une Europe faible, effacée, passive. Il me semble que cela doit nous motiver : c’est la démonstration par l’exemple qu’on peut changer l’Europe.
Jonathan_benchouch : Sarko qui s’engage dans les élections européennes, ça veut dire quoi ? Il ne peut pas laisser un peu de place à son parti et à ses candidats ? Après tout, ce n’est pas un enjeu ! A moins que la peur de perdre soit venue !
marc : Que pensez-vous de la prestation de Rachida Dati pour les européennes ? Est-elle vraiment préoccupée par cette élection ?
NKM : Mais au contraire, l’engagement du Président est très cohérent : après avoir démontré, pendant la Présidence Française de l’Union Européenne, qu’on pouvait changer les choses, il appelle les Français à se mobiliser pour l’élection. Cela d’ailleurs ne nuit pas aux candidats, puisque le grand problème des candidats c’est de mobiliser les Français, sur une élection qui traditionnellement y peine un peu : l’engagement du Président, c’est un plus considérable pour la mobilisation. Concernant Rachida, je trouve vraiment navrant la manière dont maintenant, dès qu’elle bouge une oreille, elle se retrouve critiquée de partout. Il y a eu une époque où chacun l’encensait, elle était en couverture partout. Maintenant les mêmes tournent en défaut ce qui étaient des qualités. Il y a toujours les « couv’ » mais pour dire que c’est une catastrophe. Il y a de l’excès, vraiment. Pour ce qui est de la campagne, elle la fait à fond, je le vois bien. .
pauls : Jugez-vous crédible ou du moins cohérentes les listes écologiques qui se présentent pour les élections européennes, Europe Ecologie en tête ?
NKM : Personnellement je n’ai jamais cru et je ne crois pas que l’écologie doive être enfermée dans une liste ou dans un parti. C’est un débat de fond que j’ai souvent eu avec mes amis écolo. Pour moi c’est une erreur stratégique. Elle conduit toujours soit à dealer sur des objectifs politiques, en oubliant les cibles écologiques, soit à radicaliser d’une manière qui ne sert pas la cause, pour se différencier. J’ai choisi de changer les choses de l’intérieur. Mais je respecte un choix différent, bien sur. Sur la cohérence interne des listes, par ailleurs, il y aurait à dire. Personnellement je ne suis pas convaincue par Eva Joly, par exemple.
Julien : La loi Grenelle 1 n’est toujours pas votée… (Sans même parler du Grenelle 2). Le Grenelle est il une jolie opération com’ sans lendemain ?
NKM : Non, même si c’est vrai qu’on voudrait toujours que cela aille plus vite. Le grenelle 1 a été voté en 1ère lecture à la quasi unanimité, la 2ème lecture devrait aller vite. Le grenelle 2 est prévu pour la rentrée. C’est important parce que des dispositions s’y trouvent qui sont très attendues. Par exemple j’ai beaucoup bataillé pour y inscrire des dispositions pour limiter l’exposition des enfants au téléphone portable, avec la possibilité d’interdire les téléphones pour les moins de 6 ans. Cela a été une de mes dernières actions au ministère de l’écologie que l’écriture de ce texte, qui a été présenté en conseil des ministres juste avant mon départ. Ceci dit, le rythme lent des affaires législatives n’est pas un alibi pour l’inaction : beaucoup de choses peuvent être faites et sont faites sans attendre. J’avais lancé le bonus malus sur les voitures dans les 2 mois qui ont suivi le Grenelle, sans attendre la loi, dans une version qui était délibérément construite pour ne pas nécessiter de modification législative.
Nikolux : Je trouve que vous avez un visage, une expression à faire du cinéma. J’aime bien votre côté un peu baroque, je vous verrais bien dans des films en costume. C’est un compliment. Aimez-vous le cinéma ? Et si on vous proposait un rôle ? (Des politiques ont tenté l’expérience)
NKM : J’adore le cinéma. Malheureusement j’ai trop peu de temps en ce moment pour voir ce que je voudrais. Le dernier film que j’ai vu était Katyn, de Andrzej Wajda. Un film sur le mensonge d’Etat et comment il tue (meurtre de masse, mais aussi désespérance des âmes, dans le silence de chacune). J’ai fait un peu de théâtre quand j’étais adolescente, mais on me proposait toujours le rôle de l’héroïne tragique qui meurt à la fin. J’ai joué Antigone, par exemple. Pour aujourd’hui, ceci dit, j’ai vraiment fait des choix de vie qui ne sont pas compatibles ! Et puis c’est un métier, j’ai beaucoup d’admiration pour les acteurs, je ne crois pas que je saurais.
Bakchich : Merci Nathalie Kosciusko-Morizet. Le mot de la fin ?
NKM : Merci à vous. J’en profite pour faire une annonce et de la publicité pour ma ville. A Longjumeau, tous les premiers dimanches du mois, marché bio et paysan sur le parking de la gare de Balizy. Et depuis ce week-end, nous avons installé dans le verger pédagogique et bio nouvellement créé des ruches : il y aura du miel dès juillet, un pot pour chaque couple de jeunes mariés et pour chaque naissance (il y a un hôpital et une clinique en ville). Alors marre de Paris, fatigué de la pollution et du stress, envie d’autre chose : à 20 km de Paris, une ville qui ose sa transformation !
Bakchich : Merci à toutes et à tous. Vous avez été très nombreux à poser en direct vos questions. Toutes n’ont donc pas pu être posées à madame la ministre.. Retrouvez dès cet après-midi l’intégralité de vos échanges avec Nathalie Kosciusko-Morizet sur Bakchich.info et Canalchat.com !! À bientôt…
Paul33 : Merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous répondre, c’était très agréable, jolies photos en plus ;-)
bpoboutteau : Madame la Ministre, continuez à "twitter" ! Les autres élus doivent vous suivre …….s’ils osent…..
marina : Merci beaucoup ! Bonne journée liloo : A très bientôt madame la ministre et merci d’avoir jouer le jeu< liloo : Merci, c’était super intéressant hironakamit : Merci Madame la Ministre pour valoriser les nouvelles technologies, bonne continuation
Pour retrouver les précédents Bakchat :
"Et aussi de travailler avec les autres secteurs potentiellement impactés par le numérique, pour qu’ils ne se laissent pas cornériser eux aussi."
Indépendamment du reste de l’entretien : qu’il est beau, le verbe des consultants, technocrates et maintenant politiques…
NKM est un peu contradictoire quand elle parle d’Europe Ecologie. D’un côté elle dit que pour elle l’écologie ne peut pas être "enfermée" dans un parti, qu’elle doit intégrée aux programmes généraux et s’ouvrir. De l’autre elle se demande ce qu’Eva Joly fait sur les listes d’Europe Ecologie - alors que l’ancienne juge, en plus d’apporter une réelle sensibilité aux problèmes écologiques, quoique qu’avec son point de vue original, incarne précisément cette ouverture des courants écologistes aux associations, courants, personnalités qui leur sont proches et veulent construire une vision globale…
Paradoxe ?
