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LUTTES / CHRONIQUE DU BLÉDARD

Le nucléaire, même civil, n’est pas halal !

Chronique du Blédard / vendredi 25 janvier 2008 par Akram Belkaïd
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Nucléaire pour tout le monde et c’est la France qui arrose ! Depuis son élection en mai dernier, le président Nicolas Sarkozy s’est fait le héraut de l’énergie nucléaire, en proposant de vendre la technologie française à nombre de pays arabes, les derniers en date, après la Libye, l’Algérie et l’Egypte, étant ceux du Golfe, Arabie Saoudite comprise. Au quotidien Al-Hayat, le super-VRP de l’atome bleu-blanc-rouge a déclaré avoir souvent dit « que le monde musulman n’était pas moins raisonnable que le reste du monde pour recourir au nucléaire civil pour ses besoins en énergie ». Voilà un argument marketing bien judicieux qui permet de flatter l’ego du chaland avec ce message implicite : achetez mon nucléaire, et vous gagnerez enfin vos galons de pays respectable.

Il y a quelque chose à la fois d’inquiétant et d’étonnant dans cet intense lobbying qui n’est pas, contrairement à ce que pensent certains confrères, un verbiage de plus à ajouter à la longue liste des propositions, plus ou moins sérieuses et contradictoires, qu’émet — et teste - presque quotidiennement le président français. Ce qui est inquiétant, c’est la perspective d’une prolifération nucléaire dans la rive sud de la Méditerranée, au Proche-Orient et dans le Golfe. Il ne s’agit pas de savoir si les pays concernés sont raisonnables ou pas, mais de se demander si l’on réalise bien, à Paris comme à Alger ou Tripoli, ce que signifie un bassin méditerranéen avec un nombre sans cesse croissant de réacteurs nucléaires.

La chose étonnante concerne, quant à elle, le silence des pays européens. On lit, ici et là, quelques réactions préoccupées, notamment allemandes et scandinaves, mais, pour le moment, il n’y a guère de débat. Pourtant, en matière d’exportation de technologie atomique, la France ne peut pas faire ce qu’elle veut. Elle a besoin, en théorie, de l’accord de ses pairs de l’Union européenne et ces derniers pourraient au moins faire entendre ce que tout le monde pense tout bas : est-il bien raisonnable (c’est bien le terme qui convient) d’aller proposer du nucléaire civil à des pays instables pour les uns, peu industrialisés pour les autres ou tout simplement incapables de maîtriser cette filière, qui est tout sauf inoffensive ?

Je mesure bien la portée de la phrase qui précède et j’imagine déjà les réactions d’indignation avec des apostrophes comme celle-ci : « Comment ? Et pourquoi, nous pays du Sud, serions-nous incapables de maîtriser l’énergie nucléaire ? ». Que l’on permette à l’ancien ingénieur que je fus de dire ceci : le nucléaire est une affaire trop sérieuse pour être abordée dans la précipitation parce qu’un commis voyageur déchaîné tambourine à votre porte.

Tous ceux qui, en Algérie, ont travaillé sur le projet de la centrale d’Aïn Oussara vous le diront : le nucléaire civil exige moyens financiers et humains importants ainsi qu’une rigueur absolue. C’est une contrainte totale qui ne laisse aucune place à l’improvisation, à la négligence ou à l’à-peu-près. Bref, le nucléaire ne peut se bâtir que dans un contexte où la sécurité et la prévention industrielles font partie d’une culture et pas simplement d’un savoir-faire. Est-ce à dire que ces préalables n’existent pas dans nos pays ? Disons simplement, pour ne fâcher personne, qu’ils mériteraient d’être partagés par un plus grand nombre d’individus.

Il est possible, qu’au final, le choix du nucléaire civil s’impose aux pays de la rive sud de la Méditerranée, mais encore faudrait-il qu’on y réfléchisse à deux fois. Répondre à ses propres besoins énergétiques par l’atome est un pari très risqué et un Tchernobyl est toujours vite arrivé ! Le pétrole, le gaz naturel, le solaire, l’éolien et même le charbon ne tuent pas. Le nucléaire civil peut faire à tout moment des milliers de victimes. Quelles que soient les protections dont on s’entoure et la maîtrise technologique dont on fait preuve, l’utiliser équivaut à ne se nourrir que de fugu, ce fameux poisson qui contient un poison mortel et qui, au Japon, ne peut-être préparé que par un chef bien formé et diplômé. Une seule erreur de ce dernier, une toute petite incision mal placée, et c’est le trépas assuré pour tous les convives.

On objectera qu’il existe des pays du Sud qui maîtrisent l’énergie nucléaire comme c’est le cas, par exemple, du Pakistan. La réponse est simple : à quel prix ? Dans des sociétés où l’analphabétisme fait des ravages, où la santé publique se dégrade, où les infrastructures tombent en ruine, mais où l’énergie fossile est encore présente pour au moins un siècle, je ne pense pas que développer le nucléaire soit une urgence.

De même, il faut se poser la question de savoir si opter pour cette énergie revient à faire un acte de civilisation, pour reprendre un mot très utilisé actuellement. Le nucléaire civil, qu’on le veuille ou non, est potentiellement l’antichambre du militaire. Est-ce sur cette voie maléfique que le sud de la Méditerranée veut s’engager ? A ce sujet, le silence des oulémas est assourdissant. Toujours prompts à débiter de la fatwa à qui mieux-mieux pour fustiger des chanteuses un peu dénudées ou des intellectuels trop irrévérencieux, les religieux musulmans devraient rappeler à leurs gouvernants que, par nature, l’Islam ne peut admettre que l’on développe une énergie potentiellement ravageuse pour l’Humanité. En un mot, le nucléaire, même civil, est tout sauf halal… Qui peut imaginer une centrale à proximité de La Mecque ou de Médine ?

Enfin, les pays producteurs d’hydrocarbures ne doivent pas se faire d’illusions. Quelle est donc cette énergie qu’on veut leur vendre, qui va leur coûter très cher et dont ils n’auront jamais le droit de maîtriser l’élément essentiel, c’est-à-dire la fabrication et le recyclage du combustible (cf. le cas iranien…) ? La réalité, c’est que le Nord a de plus en plus besoin du pétrole et du gaz des pays du Sud. C’est pourquoi il les encourage à être moins économes de leurs ressources (et donc à les épuiser plus vite) et leur propose en compensation de développer le nucléaire. Pourquoi pas ?

Au-delà des réserves exprimées dans ce qui précède, admettons qu’un « deal » puisse être trouvé. Mais il ne faudra jamais oublier que c’est le Nord qui est demandeur et que, du coup, son offre de vente de la technologie nucléaire doit s’accompagner d’un très gros rabais et d’un véritable transfert de technologie (cf. le cas chinois). Sinon, l’affaire ne sera qu’une grosse arnaque de plus.

©Le Quotidien d’Oran


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5 MESSAGES

Forum

  • Le nucléaire, même civil, n’est pas halal !
    le vendredi 13 février 2009 à 07:38, IdR a dit :
    Bravo pour cet article très clair mais assez angoissant concernant l’avenir des enfants des deux rives…
  • Le civil, surtout le nucléaire, n’est plus halal !
    le lundi 31 mars 2008 à 22:42, bouf a dit :
    Un point pour knight !!! Clair, net, précis et concis. Merci !
  • Le nucléaire, même civil, n’est pas halal !
    le dimanche 27 janvier 2008 à 23:26
    Pour un pays comme l’Algérie j’imagine le résultat d’un attentat visant une centrale nucléaire.Non merci ils peuvent se garder leur bombe, on en a assez chez nous.L’état algerien au lieu de s’interesser à des solutions bidons pour notre problème d’énergie devrait plutôt penser à l’énergie solaire.
  • Le nucléaire, même civil, n’est pas halal !
    le vendredi 25 janvier 2008 à 19:01, knight a dit :
    Effectivement tout le monde sait que les offres de nucléaire civile proposées par la France aux pays musulmans non accompagnées de transfert de technologie sur l’enrichissement, la maintenance le tout sous le contrôle totale de l’AIEA s’apparentent à une arnaque générale. Mais il n’est pas dit que les pays du Sud le moment venu aux alentours de 2020 n’auront pas acquis les moyens suffisants en terme de connaissance et de technicité pour être autonomes sur le long terme. Le vrai danger il est ailleurs : l’objectif de l’occident en général c’est de renverser la position qu’il a actuellement avec le pétrole ou il est simple consommateur. Avec le nucléaire l’occcident devient producteur et les pays du sud (musulman) consommateur mais avec un coût qui ne sera pas celui du pétrole. Souvenez vous de toutes les atrocités qu’à commis l’occident pour arriver à plus ou moins contrôler les sources d’approvisionnement en pétrole (colonisation puis renversement de gouvernement démocratique, soutien à des dictatures, ingérence perpétuelle, guerres civiles organisées,…). Sauf que les pays du Sud ne pourront pas faire la même chose à l’occident. Du moins c’est le pari de l’occident. L’exemple iranien prouve qu’un pays du sud peut arriver à maitriser le nucléaire et être autonome de l’occident. C’est justement ce que l’occident ne veut pas pour les autres pays.
  • Tout le monde à la meme enseigne
    le vendredi 25 janvier 2008 à 15:59

    Je trouve tres fun le fait que l’on se preocupe du risque potentiel du nucleair civil au moyen orient alors que on laisse des ville comme vladivostok ( escusez moi pour la faute ! ) pourir avec des milliers de litres de refoidissement de reacteur de sous marin nucleair

    BC, ing

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