Presse papier, rien ne va plus : Le Parisien pèse sur le groupe Amaury, France-Soir s’approche du crépuscule. Et le groupe de PQR Hersant Média doit éponger une dette estimée à 280 millions d’euros.
Feu Robert Hersant a toujours traîné une réputation sulfureuse derrière lui. Le fondateur du groupe de presse a commencé sa carrière Au pilori, une feuille antisémite et collaborationniste, héritant d’une condamnation à dix ans d’indignité nationale après la Seconde Guerre mondiale [1]. Baptisé « Herr Sant », par le Canard enchaîné, Robert Hersant avait l’habitude de répéter, chaque fois qu’il mettait la main sur un nouveau journal : « Le premier jour, je demande aux journalistes l’autorisation d’aller pisser. Le lendemain, je pisse sans leur autorisation. Ensuite, je pisse sur les journalistes. » Et des publications, Philippe Hersant en a acquis beaucoup. Son plus jeune fils, Philippe, qui lui a succédé à son décès en 1996, possède encore 27 titres.
De Nice-Matin à Libération-Champagne en passant par Paris-Normandie, France-Antilles ou la Provence, le Groupe Hersant Média (GHM) règne sur un empire qui emploie plus de 7 000 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires tournant autour du milliard d’euros. GHM possède également des journaux gratuits, des radios et des télévisions locales.
Seulement voilà, le groupe se porte très mal, accumulant une dette de 280 millions d’euros. « La situation est tellement mauvaise que la direction des journaux ne nous communique plus aucun chiffre. Mais nous savons que Philippe Hersant cherche à vendre plusieurs titres, y compris des publications stratégiques », souligne Élisabeth Ehrmann, déléguée du personnel de l’Union de Reims et membre du bureau national du Syndicat national des journalistes.
C’est que le groupe Hersant doit trouver, avant la fin de l’année, 80 millions d’euros. Philippe Hersant est aussi l’heureux propriétaire, à 100%, d’Éditions Suisses Holding (ESH), qui possède les quotidiens la Côte (canton de Vaud), l’Express, l’Impartial (canton de Neuchâtel) et maintenant une partie du Nouvelliste (canton du Valais). Bien qu’ESH n’ait rien à voir avec GHM, Hersant junior a tout de même été interrogé, lors du comité du Groupe Hersant Média, le 13 juillet, par les représentants des salariés sur les conditions de rachat du Nouvelliste. Selon le papivore franco-suisse, « il a été réalisé au moyen d’un relais bancaire ».
Contrairement à son père, élu plusieurs fois député, Philippe Hersant est d’une extraordinaire discrétion. Il ne donne jamais d’interviews, fait la chasse aux rares photos de lui. Signe particulier : il ne répond pas aux courriers qui lui sont adressés. « Robert Hersant avait beaucoup de défauts, mais il aimait la presse malgré tout. Son fils, en revanche, ne s’intéresse qu’à une seule chose : le fric », se souvient un ancien journaliste de Nord-Éclair. Philippe Hersant est installé depuis 2003 dans le hameau de Cara, sur la petite commune de Presinge, dans le canton de Genève, en Suisse. Trois bâtiments au milieu des vignes et des grands arbres rachetés 8,6 millions d’euros.
[1] "Citizen Hersant. De Pétain à Mitterrand, histoire d’un empereur de la presse", par Patrick et Philippe Chastenet, éd. Seuil, 453 pages, 1998.