Où l’on reparle de l’ami corse, conducteur émérite
Décidément, cet homme-là est à la hauteur de sa légende : même sa mort est mystérieuse. Feu le présumé parrain corse Jean-Jé Colonna est décédé le 1er novembre près de Porto-Pello, Corse-du-Sud. Mais ce que l’on avait pris pour un simple accident de voiture, si courant sur les sinueuses routes de l’île, a peut-être l’allure d’un « accident bête » à la mode des Tonton Flingueurs (voir Bakchich du 10 janvier). Oh, la prudence est, bien sûr, de mise avant de tirer des conclusions catégoriques sur le caractère criminel - ou pas - de ce décès. Mais, comme le Monde l’a révélé le 5 février, plusieurs expertises scientifiques, communiquées au Procureur d’Ajaccio, sèment le doute sur ce décès. Le Procureur a demandé de nouvelles expertises avant, éventuellement, d’ouvrir une information judiciaire pour « destruction par engin incendiaire ayant entraîné la mort ».
Car cet « accident bête » comporte plusieurs curiosités. Tout d’abord, la voiture que conduisait Jean-Jé a quitté la route sans laisser de traces de freinage sur le sol. Or, dans un accident « normal », les conducteurs ont naturellement tendance à freiner pour tenter de contrôler leur direction. Bizarre… Ensuite, la voiture a pris feu peu de temps après son impact contre le parapet d’un pont, sans que le réservoir d’essence ne soit en cause. Vous avez dit bizarre… L’expertise du véhicule a surtout permis de découvrir un « engin suspect », une pièce mécanique qui pourrait être étrangère au moteur, comportant des traces d’un composant chimique explosif. Voilà qui ouvre la voie à l’hypothèse d’une explosion ayant provoqué l’accident. D’où provient cet « engin suspect » ? Jean-Jé trimballait-il dans la voiture (qui n’était pas la sienne) des petites bombes qui ont malencontreusement sauté ? Ou s’agit-il d’un attentat délibéré contre un « retraité » de la French Connection, dont l’influence, dit-on, était sur le déclin au profit de jeunes plus hargneux d’Ajaccio et du gang bastiais de la Brise de mer ? Difficile de trancher, d’autant que certains experts judiciaires estiment que l’engin suspect pourrait appartenir au système de climatisation de la voiture. Mais au vu des doutes techniques, les policiers ne peuvent plus écarter totalement la thèse criminelle. Si elle se confirmait, la chronologie détaillée des événements ayant précédé l’accident, concernant Jean-Jé, son entourage et quelques-uns de ses ennemis présumés, devrait fournir quelques pistes d’enquête.
Le plus étonnant de l’histoire ? C’est que la famille de Jean-Jé semble avoir du mal à y croire. Comme si cet homme n’avait eu que des amis ! Après l’accident, des proches du défunt avaient, en effet, affirmé qu’il avait eu un souci cardiaque quelques jours plus tôt et qu’il aurait eu un malaise au volant avant de quitter la route. Une version contredite par une expertise médicale, laquelle assure que le cœur de Jean-Jé fonctionnait parfaitement.