Contrairement aux apparences, l’atome protège. Anne Lauvergeon est ainsi sur le point de sauver son poste de présidente d’Areva alors que tout le monde prédisait ces dernières semaines qu’elle allait être débarquée. Super Sarko, qui veut réorganiser la filière nucléaire française après un échec retentissant d’Areva à Abou Dhabi face à un concurrent coréen inconnu, en faisait une affaire personnelle. Son grand chambellan, Claude Guéant, a cherché un point de chute à la dame, lui proposant notamment l’ambassade de France en Italie. A l’Élysée, on songeait aussi à lui confier Air France, où le directeur général actuel, Pierre-Henri Gourgeon, est jugé trop éloigné de ses troupes et incapable de redresser la compagnie.
"Atomic Anne" a tout refusé, se permettant de rappeler à l’État qu’il devait au plus vite autoriser une augmentation de capital pour renforcer Areva. Elle l’a encore dit à une douzaine de journalistes français et étrangers qu’elles a promenés récemment en Namibie où le groupe se développe dans l’uranium. Elle s’est même permis d’ajouter que la question d’une ouverture du capital à hauteur de 15% (pour lever 3 milliards d’euros) devait être tranchée "pour la fin avril ou le début mai".
Lauvergeon aurait mis KO Super Sarko ? Pas si sûr. Si l’Élysée a décidé de lui accorder un nouveau sursis, c’est que les candidats ne se bousculent pas au portillon si l’on excepte Yazid Sabeg, commissaire à la diversité à à l’égalité des chances, qui se rêve à la tête d’une grande entreprise emblématique, sans compter la mobilisation du grand Alain Minc (que certains patrons affublent du qualificatif de "nuisible") en faveur d’une polytechnicienne de ses amis, Pascale Sourisse.
Guéant a vu plusieurs industriels qui ont décliné. Il faut dire que les bons connaisseurs d’Areva jugent qu’il faudra plusieurs mois pour remettre de l’ordre dans les comptes et pour remobiliser les équipes autour d’un projet. De quoi occuper un homme ou une femme une bonne quinzaine d’heures par jour. Et tout ça pour un salaire assez éloigné des standards du CAC 40 (autour de 600.000 euros par an).
Si Super Sarko a reculé pour le moment c’est aussi parce que François Roussely, ancien patron d’EDF très écouté à l’Elysée, ne voulait pas que le rapport qu’il doit rendre très prochainement sur la refonte de la filière nucléaire française soit instrumentalisé pour virer Lauvergeon. Il répète depuis plusieurs semaines que la commission qu’il préside ne se penche que sur les enjeux industriels.
Enfin, le mandat de Lauvergeon prend fin au printemps prochain. Comme dit un banquier, "cela vaut-il la peine de provoquer le bordel alors qu’on n’a que dix mois à attendre avant de se débarrasser d’elle ?" Atomic Anne est donc maintenue mais sous surveillance stricte. Le conseil de surveillance, présidé par Jean-Cyril Spinetta, ancien patron d’Air France, vient d’accueillir dans ses rangs René Ricol, expert comptable qui a été médiateur du crédit et qui est actuellement "commissaire général à l’investissement, chargé de veiller à l’exécution du grand emprunt national sous l’autorité du Premier ministre". En fait de Fillon, Ricol n’a qu’un seul interlocuteur : Super Sarko. Chez Areva, il devient immédiatement co-président du comité d’audit. Autant dire qu’il sera chargé de valider toutes les décisions financières de Lauvergeon. Voilà qui va mettre un peu d’ambiance dans le cénacle.
Quant à l’augmentation de capital dont Areva a, selon sa patronne, un besoin urgent, on apprend dans le dernier communiqué du conseil de surveillance que cette opération se fera "dans les meilleurs délais". Apparemment pas la fin avril ni début mai, comme le souhaitait la championne de l’atome.
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