L’enthousiasme bruyant du Financial Times, du Wall Street Journal et consorts à l’annonce de l’arrivée de Christine Lagarde à Bercy laisse dans l’ombre les multiples conflits d’intérêts que la nouvelle ministre de l’économie et des finances arbitrera en permanence. Les nouvelles responsabilités de Mme Lagarde font figure d’acrobatique exercice de funambule sur la muraille de Chine [1].
L’ancienne présidente de Baker & Mackenzie, l’une des 3 principales law firms américaines – et mondiales – s’est beaucoup dépensée, alors qu’elle était ministre du commerce extérieur du gouvernement Villepin, pour le candidat Sarkozy. Elle a multiplié, durant le dernier semestre de l’année 2006, les séjours outre-Atlantique, organisant meetings et séminaires, un véritable lobbying, s’apparentant parfois à une campagne de fund rising , construisant ex nihilo aux États-Unis l’image d’un candidat à l’Élysée business compatible. Dans l’atmosphère de guerre économique larvée entre la France et les États-Unis, prévalant depuis l’opposition chiraquienne à la guerre en Irak, Christine Lagarde, avec sa connaissance intime des us et coutumes du big business américain, des forces et faiblesses cachées des multinationales, des hedge funds, des banques, des arcanes des fusions-acquisitions, aurait pu inquiéter une Maison Blanche prompte à dénoncer les turpitudes anti-américaines supposées du tandem Villepin-Chirac. Il n’en fut rien, comme si l’entrée au gouvernement français de Mme Lagarde était une caution, le signal d’une inflexion de la politique française vers un atlantisme de bon aloi. Comment la ministre de l’Économie et des finances gérera-t-elle les inévitables privatisations des derniers fleurons de l’industrie nationale ? Comment éteindra-t-elle les dernières braises du colbertisme sans prêter le flanc à toutes sortes de suspicions ? Entrera-t-elle en conflit avec Anne Lauvergeon, la patronne d’Areva ? Le feuilleton commence à peiney
[1] la muraille de Chine est, au sein d’une banque, la séparation, censée être absolument étanche entre les activités de conseil aux entreprises et celles d’analyste, afin d’éviter tout délit d’initié.