2 2 - LA JOINT VENTURE DANS LE DROIT ALLEMAND
1) La notion de JOINT-VENTURE est inconnue dans le droit allemand. Ce qui correspond à l'"Equity Joint-Venture" ,c'est à dire une implantation durable en forme de société, est généralement créé sous forme de GmBH.
Les Joint-Ventures contractuelles (Contractual Joint-Venture, consortium, communauté de travail) élaborées pour la conduite d'un projet unique et temporaire sont mises en oeuvre sous la forme de la société simple du Code Civil (BGB). la BGB Gesellschaft est un contrat par lequel les associés s'obligent à poursuivre la réalisation d'un objectif commun, notamment en effectuant des apports. Contrairement à la société civile française, elle peut avoir un but lucratif mais peut fonctionner sans capital propre, par exemple à l'aide de cautions. Contrairement à la société simple du droit suisse et à la société civile française, elle n'a pas la personalité juridique et se limite donc à des activités temporaires et limitées.
La BGB Gesellschaft implique la responsabilité complète de chacun des associés.
2) Construction juridique d'un Joint-Venture:
On s'attachera seulement ici aux "Equity Joint-Venture", caractérisées par la création d'une société support, le souvent d'une GmBH.
La construction typique est la suivante:
- un contrat social instituant la GmBH et confiant à l'Assemblée générale la responsabilité des décisions essentielles (budget, investissements, vente et acquisition d'actifs, opérations commerciales de niveau élévé).
- un contrat d'associés (Shareholders' Agreement) par lequel les partenaires déterminent les paramètres essentiels de leur collaboration, leurs prestations réciproques et les principes de gestion de la société commune.
- divers contrats accessoires de fournitures et prestations avec chaque associé (par exemple: transfert de savoir-faire).
3) Recevabilité de l'accord d'associés:
Les protocoles d'accord parallèles à la création d'une société sont dans l'ensemble acceptés par la jurisprudence. Il faut cependant veiller à quelques points:
a) Le protocole d'accord et le mode de décision dans la Joint-Venture.
Les protocoles d'accord définissent souvent les engagements de vote des associés aux assemblées générales de la société commune. De telles dispositions sont autorisées dans le droit allemand. Elles peuvent même faire l'objet d'une réclamation en justice: un associé peut être obligé à exercer son droit de vote conformément à un protocole d'accord.
Cependant un arrêt de la Cour de Cassation, en date du 27/10/1986, a contesté une décision d'assemblée générale prise en conformité du Protocole d'accord. Ceci parait contraire au système d'ensemble et les commentateurs se sont demandé si ce n'était pas un premier pas vers une modification du droit des sociétés. Cet arrêt se fonde sur l'idée que, indépendamment de l'accord formellement signé, les associés sont tenus à u devoir général de loyauté et confiance réciproque. Dans ce cas ce n'est pas la société commune qui porte atteinte par ses décisions au protocole d'accord, mais les associés eux-mêmes: ceci suffit à fonder la nullité ou la contestation d'une décision en Assemblée Générale.
En outre les protocoles d'accord règlent les processus de décision qui sont dans la compétence des assemblées d'actionnaires: ils ne sont pas effectifs quand la décision n'appartient pas à l'assemblée générale. il faut donc veiller à ce que les compétences de l'assemblée puissent correspondre aux intentions du protocole d'accord.
Il existe ici une différence essentielle entre la société à responsabilité limitée (GmBH) et la société anonyme (AG). Dans la première de larges domaines de la gestion courante peuvent être retenus par l'assemblée des actionnaires. Ceci n'est pas possible dans la société anonyme qui se révèle ainsi une forme juridique peu valable pour supporter une Joint-Venture.
b) Le protocole d'accord et les prestations réciproques entre associés.
Dans le droit allemand, contrairement à ce qui se passe en Angleterre et aux Etats-Unis, le protocole d'accord ne lie pas la société elle-même. Il s'agit plutôt d'un accord interne entre les associés.
Bien que la société elle-même ne soit pas tenue par le protocole d'accord, ce dernier peut créer des obligations à l'égard des tiers non partenaires. Ceci est généralement exprimé dans le protocole de manière à ce que la société reçoive des droits et non des obligations.
Dans le droit allemand, il est également interdit de faire participer la GmBH en tant que partenaire du protocole d'accord alors que la pratique anglaise le permet, ce qui donne à la société des droits mais aussi des obligations. Le droit allemand veut éviter le risque que le protocole d'accord devienne un "contrat d'entreprise" au sens du droit des ensembles (konzern) avec ses conséquences désastreuses. Dans ce cas le protocole d'accord serait considéré comme nul, puisque les formes du "contrat d'entreprise" ne sont pas respectées, ce qui entrainerait la recherche de responsabilité des associés.
En d'autres termes une société n'est pas tenue par les obligation d'un protocole d'accord mais peut en recevoir des droits.
Si une société doit fournir certaines prestations aux associés, il convient d'établir un contrat séparé, par exemple pour la cession d'un savoir-faire technique.
c) le protocole d'accord et la dépendance (droit des ensembles)
D'après le droit allemand des ensembles (paragraphes 17 et 319 de la loi sur les sociétés anonymes) une société dominante ne peut s'arroger des avantages excessifs au détriment d'une société dominée. Si elle enfreint ce principe, elle est tenue de compenser les pertes suscitées et ceci indépendamment d'éventuelles sanctions fiscales pour dissimulation de bénéfices.
Les Joint-Ventures sont dépendantes, au sens du droit des ensembles, lorsque les maisons mères, par un "Shareholder agreement", se sont accordées à contrôler conjointement la filiale commune.
A côté de ce principe de droit des ensembles, la jurisprudence a toujours recherché les associés dominants en réparation de dommage ou rétablissement d'avantages envers la société dominée, lorsque la relation entre la société et ses asscoiés n'était pas conforme à celle qui existe entre commerçants indépendants.
Il en est ainsi d'un associé dominant qui interdit à la société dominée de lui faire concurrence. Il peut être soumis à réparation ainsi qu'à sanction fiscale pour dissimulation de profits si le droit à concurrence n'est pas expressément formulé et si aucun critère objectif de limitation n'est défini dans l'accord de société.
S'il y a infraction, il peut s'ensuivre une responsabilité illimitée des associés dominants. C'est particulièrement le cas quand:
- les patrimoines de la société et des associés ne sont pas clairement séparés.
- La GmBH est fondée avec un capital social manifestement insuffisant.
- La GmBH est dirigée comme une entité non indépendante.
Il y a un danger particulier pour les sociétés allemandes à maisons-mères étrangères, lorsqu'il apparait que la direction des affaire ne s'effectue pas en Allemagne même mais à l'extérieur, par exemple sous le forme d'un contrat de management. Dans ce cas le droit allemand considère la société comme inexistante puisqu'elle doit avoir son siège et sa direction en Allemagne même. La conséquence de cette nullité est la mise en responsabilité illimitée de la maison mère qui exerce, de l'extérieur, la conduite de l'affaire.
d) Contradiction entre le contrat de société et le protocole d'accord:
En cas de contradiction sur les dispositions contractuelles ou sur le droit applicable en cas de conflit, le protocole d'accord est nul. Il faut donc veiller, en le rédigeant, à éviter de telles contradictions.
Cela peut arriver dans l'évaluation des apports qui, dans le droit des sociétés, relève d'une procédure particulière.
e) Formalisme: le protocole d'accord ne requiert en principe aucune forme particulière, mais il est recommandé de le formuler par écrit. Le droit de la concurrence exige parfois des déclarations ou autorisations supplémentaires. |