0 1) Le montage de la Joint-Venture .
- 1°- L'analyse stratégique : avant de rédiger un contrat de mariage, il faut se demander ce qu'on attend du mariage avec un "étranger", et d'un enfant qui vivra à l'étranger et si le partenaire choisir est bien le meilleur possible pour cette aventure conjugale: - le côté "VENTURE" : faut-il tenter l'aventure économique ?
- évaluer les opportunités et les risques du pays d'accueil,
- évaluer les opportunités et les risques du segment de marché envisagé,
- évaluer les opportunités et les risques de l'offre qu'on se propose de présenter sur le marché .
Evoquer seulement les opportunités et les risques ce serait un peu considérer l'investissement comme un jeu de hasard, ce qu'il n'est pas toujours. Il faut ainsi évaluer les contraintes et les atouts, données plus statiques et moins incertaines de la démarche stratégique. - le côté "JOINT": faut-il tenter l'aventure à deux ? et précisément avec ce partenaire-ci ? - quels sont les intérêts, les aptitudes, les comportements du partenaire ?
- les intérêts, les aptitudes et les comportements sont-ils compatibles avec les nôtres et avec les contraintes du marché et de la concurrence ?
- comment ce partenaire peut-il évoluer en fonction des circonstances ?
- 2°- L'ingénierie du projet .
La vie de l'entreprise conjointe ne se déroulera pas au seul niveau des intentions générales mais bien évidemment dans le détail pratique des affaires . L'entreprise - par ex. la filiale conjointe - peut être schématisée comme un système bouclé : - entrée de ressources : matérielles (locaux, équipements, énergie, matières premières), immatérielles (travail humain, savoir-faire, image et morale), et financières (capitaux, propres et empruntés) .
- emploi de ressources : pour fabriquer des produits ou services dont la commercialisation fournira les revenus permettant de rémunérer les facteurs de production (employés, fournisseurs, capitaux), et leur environnement (charges sociales et fiscales) . Du fonctionnement satisfaisant et continu de cet ensemble, dépend le succès de la filiale commune .
On fera observer cependant : - que ce système bouclé n'est pas clos . Il dépend, tant pour ses ressources que pour ses ventes, du marché national et international, lui-même lié à l'environnement national (droit, conjoncture, sécurité), et à l'environnement international (crises, coopérations, etc...) . L'entreprise conjointe est donc vouée à un équilibre instable et rapidement changeant .
- que l'intérêt des partenaires de la Joint-Venture se limite rarement au simple retour financier sur investissement (dividende) . Presque toujours, l'avantage est ailleurs : fournitures spécifiques, contrôle d'un marché, neutralisation d'un adversaire . Il faudra donc faire preuve de beaucoup d'imagination et de réalisme pour projeter les scénarios possibles, les phénomènes perturbateurs et leur impact sur les intérêts en présence . Trois formes d'ingénierie prévisionnelle sont concernées : l'ingénierie économie et technique, l'ingénierie humaine, l'ingénierie financière.
- 3° - l'ingénierie économique et technique de l'entreprise .
Comment fonctionnera le cycle approvisionnement-production ? dans les quantités, qualités et prix souhaités par l'équilibre du projet .
Cette précision est particulièrement importante quand les fournitures ou les prix sont sous la dépendance d'un des associés de la Joint-Venture, par ex. : la concession de matières premières, la fourniture d'électricité garantie par l'Etat d'accueil, la cession de technologie prônée par le partenaire étranger . Transfert technique : Comment fonctionnera le cycle de commercialisation ? distribution des produits et règlement . Ceci est particulièrement important quand les instruments de distribution (éléments du marketing-mix) sont entre les mains d'un associé ou lorsqu'un associé se réserve une partie des produits écoulés .
- 4° - L'ingénierie humaine du projet :
- les ressources humaines : comme toute entreprise nouvelle, la filiale conjointe devra recruter le personnel capable de faire fonctionner les installations . Une partie du personnel dirigeant et, bien sûr, les administrateurs, sera directement désignée par les associés de la Joint-Venture (qui ? à quelle fonction ? sous quelle responsabilité ? ) La possibilité de recruter de la main d'oeuvre dans le pays d'accueil dépend, très souvent, de l'entregent du partenaire local, notamment au Japon, et de sa bonne volonté . - qualité et motivation du personnel . Une filiale conjointe est un mélange de deux cultures nationales et de deux cultures d'entreprise . Ce mélange - qui peut être explosif - est, en outre, généralement temporaire puisque la Joint-Venture a rarement des perspectives de très longue durée . Il n'est donc pas facile de motiver le personnel, de conserver sa loyauté, d'obtenir la confidentialité nécessaire . L'ingénierie humaine du projet demande donc un plan de recrutement et de carrière très solide, une politique d'intéressement spécifique, un effort de formation et communication approprié ... et de solides garde-fous juridiques
- 5° - L'ingénierie financière du projet :
Une opération commerciale (import-export) se dénoue rapidement par un paiement comptant ou différé . La Joint-Venture, au contraire, génère des flux à long terme dont le volume n'est pas prédéterminé par contrat . De là, quelques problèmes délicats : - le difficile problème de l'évaluation des actifs, au moment de la constitution de la société et en vue de sa dissolution . Les bases objectives font défaut, compte-tenu du manque de références passées au départ, puisqu'il s'agit d'une création, et même à l'arrivée, car la Joint-Venture vit une existence limitée et souvent conflictuelle. Les différences du droit comptable d'un pays à l'autre compliquent cette évaluation .
- l'incidence du droit fiscal sur l'ingénierie financière et, notamment sur le lieu d'imposition, sur la structure financière de l'entreprise (fonds propres ou endettement ), sur le traitement des bénéfices (investissements, réserves ou distributions), et sur le prix des services assurés à la filiale par chacune des maisons-mères .
- le budget prévisionnel de l'entreprise : Il comprend : en dépenses prévisibles : les charges d'exploitation et les coûts d'investissements ; en ressources : le chiffre d'affaires et la contribution financière des tiers .
L'équilibre repose donc : - sur des estimations du comportement des marchés, - sur l'assomption que les partenaires devront honorer leurs obligations financières, soit pour compenser les incertitudes de l'exploitation, soit pour passer à un stade supérieur de capitalisation .
C'est dire que le mécanisme contractuel de la Joint-Venture doit se fonder sur une prévision minutieuse, ou mieux, une simulation des scénarios d'équilibre .
Il faut tenir compte également de l'équilibre des avantages attendus par chaque partenaire : versement de dividendes (pour un partenaire simplement financier), livraison directe de technologie ou de composants, commercialisation d'un complément de gamme, élimination d'un concurrent local, obtention d'une certaine ressource du partenaire extérieur, réception de technologie, marges de commercialisation élevée, fournitures de prestations rémunératrices pour l'associé local . Il résulte de tout ceci que le montage d'une Joint-Venture n'est pas une affaire de technicien (spécialiste ingénieur, financier ou juriste), mais de chef d'entreprise (en fait, de deux chefs d'entreprise associés), assisté de techniciens
Au chef d'entreprise incombe en effet :
- la responsabilité de décision stratégique : que faire, où, avec qui, quand et comment, pour combien ?
- le montage opérationnel : assemblage équilibré des fonctions de l'entreprise .
- le leadership d'animation et de négociation : deux leaders puisqu'on associe au moins deux partenaires et deux leaders qui doivent s'apprécier et se faire confiance. Quel est le rôle du juriste dans une telle équipe ?
- 6° - Qualités du juriste .
Au risque de faire rougir de modestie la profession, il faut énumérer la liste des qualités que prêtent - que peuvent prêter - les chefs d'entreprise à leur juriste . Il doit être :
- intelligent : ceci est élémentaire, mon cher WATSON,
- intuitif : savoir décider ce qui n'est pas chiffrable (risque, conflits, motivations),
- compétent dans tous les domaines du droit des affaires, droit des nations et entre nations,
- rapide : car les affaires vont très vite (mouvements monétaires,technologie, O.P.A. ...),
- disponible et imaginatif : une banque d'idees, de solutions institutionnelles, de formules juridiques,
- polyglotte et multiculturel,
- persuasif : il doit aider à décider, sans décider pour le décideur,
- diplomate et négociateur : comprendre les positions de chacun et trouver un intérêt supérieur,
- polémologue : connaître les conflits et des crises, les modes de prévention et de solution des litiges,
- avoir la "http://www.geoscopies.net/infoproaction/managinter/management/main heureuse" comme certains jardiniers ont "les doigts verts" .
"Aux vertus qu'on exige d'un juriste, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de patrons qui seraient dignes d'être avocats ? |