Rome ne s’est pas faite en un jour, Bakchich non plus. Revivez ici les riches heures de la genèse de votre journal et de votre site favoris.
L’oisiveté, mère de tous les vices. Laisser trois jeunes de 25 ans, Guillaume Barou, Léa Labaye et Xavier Monnier, dans un local pas franchement gracieux, dans le XIe arrondissement parisien. Moquette délavée et maintes fois détrempée. Une fenêtre avec des barreaux, dix mètres carrés. Les laisser mijoter sous un néon pendant quelques semaines (de mars à mai 2006), avec de menues joies tout juste alcoolisées, et des conseils fort avisés de grands anciens. Et que font-ils ces trois jeunes godelureaux ? Ils travaillent au rétablissement de la France, à stopper la faim dans le monde, à ramener la paix sur terre ? Non rien de tout cela, ils ne pensent qu’à frapper un grand coup. Créer un journal, sans argent, sans contacts, bref sans rien. Et surtout sans bienséance pour les milieux « autorisés ». Juste avec leur petite volonté de « faire de l’info », écrire ce qui ne s’écrit pas ailleurs, sans trop se poser de questions et sur un ton satirique en plus ! Ah, elle est belle la jeunesse française… De leur fermentation dans ce cloaque tout proche de la Bastille, ressort tout juste un nom étrange, Bakchich. Et une décision, lancer un site Internet d’informations. « Pourquoi pas un journal en kiosques ? Parce qu’on n’a pas un rond ! Pas bête… » Ci-fait en mai 2006. S’ensuivent de menus larcins. Ici un papier sur les liens entre Pinault et le journal Marianne. Là une enquête sur – déjà – les manies courtisanes de Rachida Dati…
Et puis vint Sarkozy. Sitôt élu, le nouveau squatter de l’Elysée déguste son triomphe sur le yacht de Bolloré. Les petits fous furieux dévoilent les contrats qui lient l’Etat au groupe du Breton, en mai 2007. Reprise, tollé. L’Elysée dépêche même une officine enquêter. Leurs conclusions. Les journalistes de Bakchich utilisent des méthodes de « Viet Cong ». La guérilla ne fait que commencer. Les nuits seront blanches…
Bakchich a été repéré. Et change de planque. Adieu la Bastille, déjà prise. Le camp de base se replie sur les bords du canal de l’Ourcq. Dans le XIXe arrondissement. Un terrain de pétanque, un bar, et de nouveaux joueurs. De jeunes donzelles et damoiseaux émoustillés par tant d’audace. Et de vieilles gâchettes, titillées par la pugnacité de ces jeunes et inconscients gratte-papiers. S’agit plus de rigoler, le journal prend ses marques dans la cour des grands. Si bien qu’un journaliste du Canard Enchaîné, Nicolas Beau, débarque à l’automne 2007, histoire de tout recadrer. Un vieux guerrier las de Paris-Match se déclare même prêt à retourner au front. Ca va Bourget (Jacques-Marie)… Un mécène belge, Jean-Jacques Coppée, a le coup de foudre.
Finis les petits scoops à fleurets mouchetés. Il s’agit de rançonner le lecteur. Une partie du site sort de la sphère gratuite. Soirées blanches mauresques. Et sueur. Dans un accès payant, Bakchich s’attaque au Cercle de Jeu Concorde. Sans filet, les scribouillards titillent de Grands Bandits, habitués aux casses de grande volée, et aux protections hauts placées. « Ça va swinguer », promettent les anciens. « Le swing ça se danse plus que dans les bals masqués », se rassurent les jeunots. L’alliage survit et détonne. « François l’a dans le Fillon » barre deux fois la une du site. Le gouvernement français s’en remet. Dépiautée et mise à prix en ligne, la garde robe de Rachida Dati s’en sort aussi… pour l’instant.
Mais la tête de Bakchich, déjà, est mise à prix. Le butin amassé ne suffit plus. Pour monter de nouvelles opérations, il faut de costauds financiers.
Epongés… Enterrés par les rivaux, qui savent ses comptes lestés. Trop d’exclusivités pillées et passées au tamis de l’actualité sans que le seing de Bakchich soit conservé.. Et les services fiscaux (enfin, l’Urssaf) commencent à chouiner sur les dettes accumulées. Pourtant, l’équipe a toujours les dents acérées, les plumes prêtes à s’envoler, l’envie encore d’enquêter.
Les frasques de Nicolas et Carla s’enchaînent, les vidéos off de Rachida font exploser les viseurs. Tout le monde s’en délecte, nul ne veut passer au guichet. Sauf un. Un mail, signé Xavier Niel, exfiltré des courriers indésirables. « Je vous aime bien, si vous voulez, on peut en discuter ». Reçu un vendredi midi. Déjeuner pile le lundi suivant. Un coup de pression. « C’est une table à 200 000 euros », s’entend-on penser. Quitte ou double. Quatre bouteille de vin blanc plus tard, Bakchich est sauvé.
Une hirondelle fait le printemps, d’autres bourses se délient, avides de voir ce que les pistoleros à peine sevrés peuvent produire, une fois déserré le collier du budget. Dans le bruit et la fureur, s’achève la période des « scoopinets ». De vraies grenades vont être dégoupillées. Via même Bakchich TV.
Sous les jupes du ministère de l’Intérieur et de la flicaille, Bakchich dégotte les fiches, illégales des poulets sur les stars Jamel Debbouze et Johnny Hallyday. La police des police se lance à nos trousses. Dans la cavale, la rédaction en profite pour dévoiler les achats de voix de Serge Dassault à Corbeil-Essonnes, le mirifique milliard d’euros attribué à un ami par la fondatrice nonagénaire de l’Oréal, les noms de quelques évadés fiscaux, pris dans les doigts dans le coffre d’une enquête au Liechtenstein… Le butin fait des envieux.
Etonné que des freluquets osent piétiner leurs plate-bandes et percer leurs petits secrets, les bons penseurs se réveillent. Philippe Val hurle aux collabos, BHL aux chiens. Mais la meute mord toujours dans l’info. Nom du père de l’enfant de Rachida Dati, frasques de la présidence française de l’Union européenne, luttes de pouvoir à l’OM… Un magot toujours plus gros.
Trop pour tenir encore dans d’étroits locaux. Bakchich change encore de planque, et profite du déménagement pour épingler Kouchner, un ministre pour qui les Affaires ne sont pas vraiment étrangères. Sauf pour la presse, qui ne croit qu’en l’imprimé… Au moins Siné Hebdo ou le Télégramme de Brest savent-ils repérer la manne nichée dans nos papiers. Partenariats renforcés.
Aussi miné soit-il, le terrain est dévoilé. L’imprimé.
Eté 2009. Une seule idée. Frapper un grand coup à la rentrée. A nouveau, prendre le contre-pied de ce qui a existé. Inverser la tendance. En 2006, la petite équipe s’était montée sur Internet. En 2009, elle sera la première à tenter de forcer les kiosques, l’écrit, une place forte que l’on dit saturée. L’hebdomadaire papier sort en septembre. Pas le temps de trop s’équiper. Deux mois seulement pour maquetter et faire le grand saut. La dizaine de kamikaze est harnachée depuis longtemps au projet. Premier numéro sorti le 23 septembre. Succès d’estime. 30 000 acheteurs… Depuis, plus de 10 000 lecteurs s’accrochent à leurs kiosques chaque semaine pour débourser 2 euros. Et toujours ce flot d’infos qui inonde nos pages. Enquêtes, informations et mauvais esprit. Le casse du siècle a déjà réussi. Ne manque que 5 000 lecteurs pour que la cavale de Bakchich soit éternelle.
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Bonjour,
Il n’y a pas de version papier de Bakchich cette semaine. Nous sommes en train de travailler sur une nouvelle maquette. Le prochain numéro de Bakchich hebdo sortira le 29 janvier.
Toutes nos excuses à nos fidèles et à nos abonnés qui, en guise de compensation, recevront ces jours-ci un petit cadeau-surprise, et verront leur abonnement prolongé de deux semaines.
Merci de votre compréhension.
Bien cordialement,
La rédaction