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LUTTES / CHRONIQUE DU BLÉDARD

L’Anglais, cet impérialiste absous

Chronique du Blédard / vendredi 1er février 2008 par Akram Belkaïd
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Dimanche soir. Tel un légume, le bledard est affalé devant la télévision et regarde le film « Braveheart » où Anglais et Ecossais s’entre-tuent allègrement. Violence des combats, ruses et plaintes déchirantes des hommes et des cornemuses : c’est ainsi que peut naître l’idée d’une chronique.

Je ne trahirai aucun secret en vous rappelant que les premiers ont fini par l’emporter sur les seconds à force de félonies, de coups tordus et de corruptions. Et je ne m’étendrai pas non plus sur la sauvagerie du châtiment final infligé au légendaire héros écossais William « Braveheart » Wallace (interprété par le désormais très controversé Mel Gibson).

Comme tant d’autres fictions bâties sur des faits historiques, Braveheart, bien que très romancée, est une ode au soulèvement contre l’occupant. J’imagine qu’ici et là, en toute terre soumise au joug étranger, la vision d’hommes et de femmes désarmés se rebellant contre l’ordre inique, est un puissant encouragement. Un exemple à suivre dans lequel les révoltés puisent courage et motivation. Bien entendu, quand le cinéma américain traite de ce genre de sujet, cela donne toujours lieu à des discours grandiloquents sur l’amour de la liberté, le respect de soi face à la tyrannie et le refus de toute compromission. Mais je suis sûr qu’entendre ces envolées patriotiques fait du bien partout où la dignité et les droits de l’homme sont bafoués.

Mais ce qu’il y a d’intéressant et d’assez rare dans ce film, c’est qu’il est foncièrement anti-anglais. Sans nuances ni détours, il rappelle que l’Angleterre a été une nation impérialiste qui a commencé par asservir ses voisins avant d’aller porter son fer rouge aux quatre coins de la planète. Face à l’écran, et parce que je suis bon public (car c’est à quoi voulait vraisemblablement me mener le film), je n’ai pas pu m’empêcher de penser à tout le mal que l’Angleterre impériale a semé sur la planète. Un mal dont le monde paye encore chèrement les conséquences.

Certes, l’Ecosse a trouvé son compte en faisant finalement partie du Royaume-Uni (ce qui n’empêchera pas un référendum de se tenir en 2009 à propos de son indépendance.). De même, le Pays de Galles ne semble pas vraiment malheureux en ayant lié son sort à celui de l’Angleterre. Mais que dire des drames et conflits irlandais où les forces britanniques sont loin de s’être comportées de manière honorable ?

Que dire, bien sûr, du conflit israélo-palestinien dont personne ne peut nier qu’il puise une partie de ses causes dans la manière dont a été géré le mandat britannique sur la Palestine ? Que dire justement des découpages frontaliers arbitraires au Proche-Orient et dans le Golfe ? Faut-il insister sur la sanglante partition de l’Inde avec la naissance du Pakistan ? Un Pakistan qui nous inquiète tant aujourd’hui… Faut-il exhumer des épisodes moins connus tels que les bombardements de population civile en Somalie et en Irak dans les années 1920 ? L’armée anglaise, toujours et encore… Les tensions interethniques qui embrasent le Kenya aujourd’hui ? Ancestrales, bien sûr, remontant, nous dit-on à la nuit des temps. Mais je vous laisse deviner quelle fut la puissance coloniale qui, hier encore, contribuait à les aviver pour ses propres intérêts…

Mon intention n’est pas d’instruire un procès à charge contre Albion mais de constater avec vous à quel point sa responsabilité, même lointaine, dans les désordres actuels du monde est si peu évoquée. En effet, ce qui me frappe, quand on parle par exemple du Pakistan ou encore du sort des Palestiniens, c’est que l’Angleterre, sa diplomatie, nombre de ses élites, se comportent de manière détachée, presque distanciée voire totalement décomplexée. Pour elles, il n’y a aucune culpabilité à assumer, aucune réserve ni retenue à afficher.

Voire même, aucune précaution de langage à avoir. Je ne dis pas qu’il faudrait que cela soit le cas, je me borne à constater ce tour de force en ces temps de surenchère mémorielle et de polémiques à propos de la repentance que connaît la France.

Contrairement à l’Angleterre, ce pays n’arrive pas à se dépêtrer de son passé colonial y compris quand on aborde des faits récents comme la guerre civile en Côte d’Ivoire. De façon générale, la presse française est toujours prudente, presque même gênée, de traiter une crise en Afrique subsaharienne (je ne parle même pas de ce qui se passe en Algérie ou dans le reste du Maghreb). D’une certaine façon, et au grand dam des Bruckner, Finkielkraut et compagnie, la mauvaise conscience ou, tout simplement, l’aveu d’une culpabilité passée, sont bel et bien présents dans les écrits. Et ceux de « l’autre côté », Africains, Maghrébins ou autres, savent, au besoin, très bien en profiter…

Je ne vais pas prétendre non plus que l’Angleterre a gommé son passé colonial. Des débats existent aussi de l’autre côté de la Manche mais ils sont moins virulents, plus feutrés et, de toutes les façons, le reste du monde en entend à peine parler. C’est tellement vrai que rares sont ceux qui ont accusé Londres de chercher une revanche sur de vieilles défaites infligées par les bédouins du Najaf quand Blair a décidé de suivre Bush dans l’aventure irakienne. Et il est tout aussi étonnant de noter que rares sont ceux qui ont protesté quand ce même Blair a été nommé émissaire du Quartette des médiateurs internationaux au Proche-Orient. Personne n’a dit « vu ce que les Anglais ont fait dans la région depuis un siècle, c’est une mauvaise idée ». Au contraire, Blair a bénéficié d’arguments selon lesquels son pays avait une grande expérience du Proche-Orient !

Pourquoi est-il plus fréquent de s’en prendre à la France à propos de son passé colonial plutôt qu’à l’Angleterre ? Dans le cas algérien, la réponse est facile. Ce ne sont pas les Anglais qui sont restés 132 ans en Algérie. Mais pour le reste du monde ? Pour les Arabes qui ont justement connu la domination de l’Union Jack ? La raison réside peut-être dans cette assurance anglaise, certains diront cette morgue, qui, finalement, en impose à tous et évite d’être pointée du doigt. Mais peut-être est-ce aussi parce que le Commonwealth a bien moins mauvaise réputation que la Françafrique. Mais c’est déjà un autre sujet…

©Le Quotidien d’Oran


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3 MESSAGES

Forum

  • L’Anglais, cet impérialiste absous
    le mercredi 22 juillet 2009 à 09:26, Jean-Charles HUILLIER a dit :

    On peut noter également que la manière de "décoloniser" joue également dans la stabilité et les relations futures entre l’ancien colonisateur et le nouveau décolonisé.

    Par exemple la France a toujours eu un schéma de "on part mais on reste quand meme un peu" (sauf en Indochine), par exemple dans le maghreb avec les gisements de gaz et de pétroles algériens, les bons rapports avec les gouvernements tunisiens et marocains et en afrique avec la francafrique.

    Les Britanniques de leur coté c’est plutot "vous ne nous voulez plus, alors on part véxés et on ne vous connait plus" ce qui provoque des situations compliquées car les nouveaux décolonisés ont sans dotue du mal à passer d’une logique de guerre d’indépendance contre les colons à une paix de compromis avec leurs voisins, minorités ethniques, culturelles ou religieuses internes.

    • L’Anglais, cet impérialiste absous
      le vendredi 24 juillet 2009 à 06:42, DIBA a dit :
      Mais alors pourquoi les algériens sont si nombreux a vouloir venir en france, ils voulaient l’indépendance, mais la suite étant si magnifique, qu’ils trainent leurs babouches devant les consulats de france pour bénéficier des avantages du pays ex-colonisateur.Ensuite ils manifestent en france, la suite on la connait.
  • L’Anglais, cet impérialiste absous
    le lundi 31 mars 2008 à 16:57, ada a dit :
    Je me suis régalée avec votre article, qui a aussi beaucoup diverti mes voisins de métro… Juste une petite référence, concernant le rôle des impérialistes en Palestine pré-israélienne : selon l’article de Meir Zamir paru dans Haaretz du 01/02/2008 (traduit en français sur le site de l’Association France Palestine www.france-palestine.org/article80602.html), perfide Albion il y a, mais la French touch, bien que moins connue, est indéniable… adresse du site Haaretz pour la version anglaise de l’article ci-jointe. Merci pour vos chroniques, continuez à nous informer et à nous donner des pistes de réflexion !
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