GENERALITES

Depuis le début des années 90 se succèdent les évènements, importants, parfois décisifs ou menaçants pour l'environnement politique de l'économie. Ils semblent s'être accélérés depuis la crise monétaire européenne de l'été 1992 autour de Maastricht; et avec eux le désarroi et la morosité des citoyens de l'Occident.

Un mot cruel résume la situation: "Désordre à l'Est, sclérose au Sud, sinistrose à l'Ouest".

Les aspects psychologiques de cette crise sont essentiels, du moins en Occident et surtout en Europe:" On nous trompe et on se trompe!".On soupçonne aussi la dégradation de systèmes et de valeurs solides qui avaient fait leurs preuves pendant trente cinq années de guerre froide et de croissance occidentale: l'industrie, l'économie de marché, la société de consommation, le droit des peuples et la démocratie, la paix par la négociation, l'Europe, l'Etat Providence...

Face au recul des valeurs sûres, les solutions "quick fix" issues des boîtes à outils du management des entreprises et des nations paraissent dérisoires. Pour y échapper, il faut prendre du recul, examiner les grandes évolutions possibles, les "futuribles".

On y est encouragé par les différents cycles d'action projetés en principe sur la fin du siècle: la présidence Clinton, les étapes de l'Union économique et monétaire décidees à Maastricht, la transition dans les pays de l'Est...

Il apparaît nécessaire d'ouvrir des chantiers à long terme pour la révision approfondie de certains systèmes de base: une nouvelle organisation de la sécurité européenne et de celle des deux Grands, la définition des espaces politiques après le démembrement de l'Union Soviétique, la solidarité Nord-Sud et Est-Ouest, l'ouverture de la Chine, la gestion du capitalisme en crise...

• Dans une période de tourmente, il faut rester à flot mais aussi chercher à gagner des ilôts de calme, de visibilité et autant que possible de certitudes raisonnables.

Pour comprendre les situations et leurs devenirs possibles, il faut s'éloigner de la présentation traditionnelle en chronique commentée ( news and views), pour fournir les éléments d'une approche prospective en reprenant et regroupant certaines analyses. En quoi consiste cette approche?

Cette première démarche d'observation et diagnostic s'opère :

-par étude rétrospective du système examiné: étapes, périodes caractérisées par un certain état des choses et forces en présence; facteurs, acteurs et processus d'évolution d'une étape à l'autre; organisation et fonctionnement des sociétés, institutions et forces politiques, structures et systèmes économiques.

-par analyse de la situation présente: analyse des impacts croisés entre variables motrices, dépendantes ou neutres, internes au système ou exogènes.

-par repérage des stratégies d'acteurs, lorsqu'il existe des stratégies identifiables et des acteurs constitués, ce qui n'est pas toujours évident. Les facteurs de l'histoire sont souvent anonymes. Esquissons du moins une prospective des acteurs et champs géographiques: SUD, EST, OUEST et de leurs rapports économiques et politiques, voire sociaux.

- constatation des invariants: structures, tendances lourdes confirmées

- sur le repérage des variables motrices et dépendantes;

- sur l'évolution possible des variables( notamment par l'analyse des composantes et de leurs configurations);

- sur les combinaisons en scénarios cohérents et la probabilité de leur apparition.

- Elle ne produit aucune certitude illusoire, ni même rien de décisif sur les probabilités. Le calcul mathématique des probabilités n'a d'intérêt qu'à l'intérieur des mathématiques: rien ne prouve empiriquement qu'il soit applicable à la prévision d' évènements historiques uniques et complexes constitutifs de crises.

- Le repérage de facteurs de changement ne signifie pas que le changement s'effectuera, ni quand, ni ce que sera son importance et son impact.

Dans les trois aspects qu'il distingue dans "le triangle grec: anticipation, appropriation, action" Michel Godet insiste à juste titre sur l'appropriation( collective) du projet nécessaire à l'action (également collective) qui permet de concrétiser un avenir "futurible".

Il en résulte deux conséquences de méthode:

- le champ de l'étude prospective est assez largement subjectif: c'est en fonction d'un projet d'individu, d'entreprise, de nation qu'il convient de définir les limites géographiques et temporelles, les segments significatifs de la veille prospective pertinente.

L'étude prospective "en soi" n'a guère de sens, sauf pour fournir des matériaux à différents acteurs concernés.

-la prévision étant impossible (sauf si on estime qu'on connaît toutes les lois des systèmes sociaux et que "tout restera égal par ailleurs") et la démarche prospective n'étant au mieux qu'un garde-fou à réviser en permanence, il importe de construire et mettre en oeuvre des stratégies de prise de risque conscient confortées par une veille constante et flexible.

Bref, il faut vivre ou pour le dire plus joliment avec Paul Valéry:" Déjà le vent se lève, il faut tenter de vivre".

Plus que des certitudes sur ce que sera demain, il faut rechercher des interrogations et des matériaux pour la réflexion personnelle.

Cette méthode de travail a de malheureuses répercussions, sur la forme, très souvent elliptique dans le repérage des facteurs de changement: les variables sont parfois présentées en listes de notions et références non commentées laissant à chacun le soin d'apporter, comme par hypertexte, les développements nécessaires à toute analyse approfondie.

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