L’Afrique de la décennie 90 renoue avec son passé et revient sur l’avant-scène telle qu’en ses oeuvres avant la colonisation. Cette évidence ne s’impose pas d’emblée comme une donnée mais une analyse des situations des diverses régions d’Afrique fait apparaître l’émergence de l’Afrique traditionnelle. Le retour du tribalisme, du clientélisme, que l’on doit considérer comme des valeurs bien qu’elles ne soient pas les nôtres, signifie l’échec complet et le repli des tentatives variées de colonisation à la britannique, à la française, à la portugaise...Le fait le plus prometteur justifiant un certain afro-optimisme est la relative embellie économique observé depuis 4 à 6 ans. Depuis 1995, après trois décennies de déclin continu et qui paraissait irréversible de l’économie globale du continent, l’Afrique bouge dans le bon sens. Selon les chiffres du FMI, de la BAD, la situation économique de l’Afrique des année 95-97 a connu une nette amélioration puisque le taux de croissance du PIB est passé de 2 à 14%. Le taux d’inflation quant à lui a baissé de 50%, le déficit public a été réduit de 9 à 4,8%.
Il faut pourtant rester prudent et relativement réservé car les chiffres de cette reprise économiques des 53 pays de l’OUA ne reflète que partiellement la réalité. De plus en plus, en effet, il faut raisonner par situation locale ou tout au moins régionale. La différentiation régionale émerge en Afrique. Il conviendrait de ne plus parler désormais que des Afriques.
Le peloton de tête
Quatre catégories de pays peuvent être mises en évidence à travers cette reprise globale de l’activité économique et de la participation de l’Afrique aux échanges internationaux. Une douzaine de pays en Afrique ont un taux de croissance du PIB, pendant la période de référence, supérieur à 5% : Angola, Côte d’Ivoire, Tunisie, Cameroun, Bénin, Burkina Faso, Maurice, Mozambique etc... Parmi ces pays, certains partaient de tellement bas que ce n’est pas significatif, mais les progrès d’autres pays (Angola, Mozambique) sont gagés dans le pétrole. C’est du solide. Deuxième catégorie, ceux qui ont eu un taux de croissance compris entre 3 et 5% : Algérie, Gabon, Guinée, Ghana. Troisième catégorie, ceux dont le taux de croissance a été inférieur à 3%. L’Afrique du Sud, malgré sa bonne image, est dans cette catégorie, ainsi que la Libye. Enfin, quatrième groupe : ceux qui ont fait une croissance négative : dont la République Centre-Africaine, le Congo, l’ex-Zaïre, le Maroc. Le mauvais résultat marocain est dû à des récoltes catastrophiques du fait de la sécheresse.
Face sombre
Ce tableau est globalement encourageant et les chefs d’entreprise en Europe ont été frappés par ce phénomène récent d’une Afrique qui rebondit alors qu’on disait ce continent en faillite. Cinq raisons conduisent à relativiser ce progrès. La première est d’ordre démographique. Sur ce continent la population augmente de 2,8% par an. Il y aura un milliard et demi d’habitant, dans 20 à 30 ans. Ce facteur va peser durablement sur la répartition de la richesse et la remontée du niveau de vie de ces immenses populations.Autre raison : le revenu global par habitant n’a cessé de diminuer depuis 1980 et on constate aujourd’hui que 40 à 45% de la population de l’Afrique vit dans une absolue pauvreté. L’Afrique est aussi le continent le plus touché par les aléas des cours des matières premières. Le cours des produits d’exportation et les aléas climatique frappent de plein fouet ces économies.L’Afrique reste un nain économique. Son PIB est équivalant à celui de l’Espagne. Enfin, pour aucune des grandes puissances du monde, l’Afrique n’est significative. La part de l’Afrique dans le commerce mondial est très modeste et ne cesse de régresser. En 1980 elle était de 5,9% du volume des échanges mondiaux, en 1996 de 2,3%. Alors que les Africains représentent 12,5% de la population mondiale.Deux régions totalisent à elles seules les deux tiers de tout le commerce africain : l’Afrique du Nord et l’Afrique Australe. L’Afrique du Sud détient quasiment un quart de tout le commerce du continent. La société de fourniture d’électricité en Afrique du Sud génère 67% de l’énergie électrique produite sur l’ensemble du continent. Ceci prouve que cette région est un pôle de développement industriel incontournable. Sur le plan pétrolier on pourrait apprendre dans quelques années que l’Angola est le premier producteur de pétrole de l’Afrique. Le Tchad se révèle à son tour, plein de promesses.Mue politiqueImposer notre modèle démocratique à l’Afrique n’a pas été sans conséquences dommageables, peut-être même peut-on parler de dégâts. La colonisation a failli et la décolonisation n’a provoqué souvent que déceptions, déconvenues, désillusions, toutes les politiques de coopération ont plus ou moins tourné court. La démocratisation a fait un mort : c’est l’Etat-parti qui avait fonctionne pendant 30 ans ; il semble bien que cela soit fini et qu’on n’y revienne plus. Le multipartisme ? On passe de « la clientèle » aux « clientèles ». De fait, on en revient aux valeurs africaines traditionnelles à travers le tribalisme : le respect des anciens, l’autorité du chef de village ou de clan, l’entente nécessaire de clans à clans.
Cette évolution économique faisant apparaître des riches de plus en plus riches, des pauvres de plus en plus pauvres ; cette évolution aléatoire des institutions politiques nationales induisent de nouveaux rapports inter-africains. Il reste à inventer, à mettre en place et à faire vivre les solidarités régionales. Or, l’OUA n’a pas été conçue pour cela. L’OUA est le conservatoire des frontières du colonialisme. C’est un terrain sur lequel les Africains balbutient encore : comment vont-ils se prendre en charge pour assurer la paix, la sécurité d’une région à l’autre, pour assurer le respect du régime voisin qui n’est pas l’identique ? Des rivalités à n’en plus finir. C’est le retour à l’agrégat régional qui est en marche. Il y a eu jadis l’AOF, l’AEF. On en revient vers de tels ensembles qui se structureront ; économiquement le processus est en marche ; juridiquement aussi, un code des affaires entre treize pays existe, intéressant les investisseurs potentiels, en quête de confiance ; ce qui passe par des ententes régionales, des pactes de non- agression et, une police pour la paix et la sécurité.. Quant à l’intégration politique elle n’est pas encore en vue. L’Afrique n’est plus ce qu’elle était hier. Il nous faut suivre son évolution : elle s’accélère. C.G.

REFERENCES
Les Blancs s'en vont, de Pierre Messmer
Avec son profil de médaille à la Mermoz, ce Lorrain solide comme un roc qu'est Pierre Messmer est entré vivant dans la légende des héros qui ont survécu à Bir-Hakeim et ont fait de la France un pays libre.Mais, après tant de batailles, comme il l'a écrit en 1992, il en a livré une autre avec courage, constance, lucidité et conviction, celle de l'accès à cette liberté des pays de l'ex-Empire français, de l'Asie du sud-est à l'Afrique noire, sans oublier l'Algérie sa crucifixion.Tour à tour administrateur, gouverneur puis ministre et Premier ministre, il a été de ceux qui ont le plus contribué à ce tournant qu'a été la décolonisation.Il en évoque aujourd'hui les péripéties sous le titre "Les Blancs s'en vont" avec une rude franchise et avec le souci de cette vérité intransigeante qui a marqué sa propre odyssée.S'il n'avait été qu'un simple carriériste à l'image de tant d'autres, ce "Compagnon de la Libération" aurait pu être le continuateur de l'oeuvre du général de Gaulle à la tête de l'Etat après le décès de son successeur en 1974.Or, si ardente ambition il avait, c'était de servir son pays et non lui-même... et le Président de l'Institut Charles de Gaulle qu'il est devenu a conservé le style et le talent visionnaire du Général.Car, au-delà des nombreux chercheurs qui complèteront ainsi leur éclairage sur le passé tumultueux de ce dernier demi-siècle, il pose la question et tente une réponse pour les futurs rapports de la France, dans l'Europe, avec les pays d'outre-Méditerranée: abandon ou néocolonialisme? ou bien une sorte d'accompagnement d'un type nouveau plus en phase avec le "synchrétisme africain"... Valeureux au combat, lucide en politique, refusant tout compromis avec sa fidélité aux valeurs héritées de sa province d'origine, Pierre Messmer, un des grands acteurs de notre temps, en est un témoin incontournable.
AlbinMichel300p;120F. Jacques Gasseau 
Jean Paul Ngoupandé: "L'Afrique sans la France" Albin Michel 395 pages 2002
Un important responsable africain, ancien ambassadeur, ministre, chef de gouvernement, aujourd'hui député opposant en exil, dresse un tableau sévère de l'Afrique décolonisée. Certes les ex-colonies ont été abandonnées mais "Il était normal que les liens issus du pacte colonial se distendent". Mais les devoirs de l'indépendance n'ont pas été assumés par les Africains.
Continent le plus assisté (31$ par an et habitant), il a gaspillé ses aides dans les forces armées "instrument du suicide collectif" et croule aujourd'hui sous la dette. Il est victime du tribalisme.
Ceci décourage les partenaires extérieurs qui se lassent d'éteindre les feux allumés par les Africains entre eux.
 
¨ AFRICA'S BIG STATES: TOWARD A NEW REALISM.
Marina S. Ottaway, Jeffrey Herbst, and Greg Mills.Carnegie Endowment for International Peace (CEIP). February 2004.
http://www.ceip.org/files/pdf/PolicyOutlookOttaway.pdf[pdf format, 9 pages]
According to the authors, big African states are among the least successful on the continent. The only true exception to the uniformly negative picture presented by the big African states is South Africa. Other countries with a combination of a large land mass and a sizeable population tend to be chronically unstable politically and economically. Allowing their problems to fester, the case all too often in the past, is a source of continuing hardship to their citizens and neighbors alike.
The report urges the international community to consider new approaches to the problems of these nations. Among the recommendations for nations outside the area are:
* Limit commitment to territorial integrity to defending states against outside aggression;
* Be clear about what constitutes external aggression;
* Do not advocate partition as a solution to the problem of big states or try to decide where the lines of partition should be, but accept partition if it happens;
* Do not advocate federalism as an all-purpose solution;
* Do not push democracy as a panacea;
* Develop a model for international peacekeeping in large states;
* Do not burden the big African states with peacekeeping in smaller countries;
* Accept the fact that in twenty years the map of Africa is unlikely to look like that
of today and of forty years ago
COMPLEMENTS: TABLE DE L' AFRIQUE Crise de l'Afrique Prospective de l'Afrique
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