Qui sont les plus pauvres ? La pauvreté extrême, difficile à circonscrire, touche un nombre croissant d'individus, quel que soit l'état de l'économie nationale. Dans les pays du Nord elle n'a jamais été vaincue, et dans les pays du Sud elle s'étend. Mais il faut distinguer pauvreté et misère. Dans le premier cas, des personnes peuvent être exclues d'un bien, d'un groupe ou d'un emploi ; ces personnes sont dites en état de précarité et peuvent être amenées à connaître la misère si, durant une longue période, elles sont atteintes dans plusieurs domaines de l'existence (logement - travail - santé ....). Les personnes qui vivent en grande pauvreté entrent dans un processus de privation progressive de l'exercice de leurs droits de citoyens.
Vouées à l'errance, ces familles d'Asie, d'Afrique, d'Amérique ou d'Europe, tentent de survivre en s'abritant dans des grottes, sous les ponts, cachées dans les cimetières. Subissant des conditions de vie insupportables de dénuement, de malnutrition, elles sont victimes de violence et d'humiliation. Ignorées de la société environnante, on les chasse en temps de guerre, comme en temps de paix quand on agrandit les villes. La plupart du temps, elle ne figurent plus dans les recensements ou sur les registres d'état civil. Les lieux où ces familles s'enracinent sont détruits, sans trace de leur histoire, elles sont de "nulle part". Peu à peu les solidarités familiales éclatent : les enfants, souvent nombreux, qui sont leur seule richesse et leur espoir d'un avenir, ne vont pas toujours à l'école et sont peu soignés, faute de moyens : ils subissent souvent l'odieuse injustice d'un placement dans un foyer, placement qui ne résoudra rien et humilie les parents "bons à rien" face à leurs enfants.
Vouées à l'errance, ces familles d'Asie, d'Afrique, d'Amérique ou d'Europe, tentent de survivre en s'abritant dans des grottes, sous les ponts, cachées dans les cimetières. Subissant des conditions de vie insupportables de dénuement, de malnutrition, elles sont victimes de violence et d'humiliation. Ignorées de la société environnante, on les chasse en temps de guerre, comme en temps de paix quand on agrandit les villes. La plupart du temps, elle ne figurent plus dans les recensements ou sur les registres d'état civil. Les lieux où ces familles s'enracinent sont détrui
Comment peut-on tomber dans la misère ?
En examinant les archives, on retrouve, chez certaines familles, une lignée de gens qui continuent à vivre misérablement de générations en générations. Il ne s'agit pas d'hérédité, mais d'héritage. Nos sociétés ont souvent oublié qu'un ensemble de moyens, les uns en même temps que les autres (logement et travail et santé et formation etc...) étaient nécessaires pour permettre à des familles de ne pas basculer dans la misère ; elles n'ont jamais pris les moyens pour articuler globalement tous ces besoins, et se contentent d'accorder un logement, sans se soucier d'une formation professionnelle, ou d'un emploi indispensable pour payer un loyer. Alors des personnes perdent pied et basculent dans la misère.
Mais ce qui a changé depuis 35 ans, c'est une prise de conscience politique de la nécessité d'une vision globale et, sur le plan international, d'une responsabilité commune de vouloir détruire la misère : l'UNICEF se pose la question : qui atteignons-nous dans le domaine de la santé ? Nous sommes à 80% de notre politique de vaccination. Mais où sont les 20% restants ? Cette question permet aux plus pauvres de reprendre espoir dans la mesure où ils acquièrent la conviction que les choses pourront changer un jour pour eux.
Introduire les plus pauvres dans la démocratie
Fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, le Père J. Wresinski, fils d'un immigré polonais et d'une mère espagnole, a connu une enfance marquée par la grande pauvreté. A 40 ans, il devient aumônier du camp des sans-logis à Noisy-Le-Grand. Il y trouve des familles rassemblées par une misère collective celle qu'il a connue dans son enfance. Il promet alors de mettre fin à l'assistance et à l'aliénation subies par ces familles et de les faire entrer dans le débat démocratique. Refusant les "cataplasmes qui ne rendent pas la justice", il déclare : "Jamais ce peuple ne sortira de la misère tant qu'il ne sera pas accueilli en tant que peuple, à égalité, partout où des hommes parlent et décident du présent, mais aussi de l'avenir du destin de l'homme", et il se promet de conduire ce peuple sur les marches de l'ONU, de l'Elysée et du Vatican. Pour le P. Joseph, la population au bas de l'échelle est victime d'un déni global de l'ensemble des Droits de l'homme qui sont indivisibles. Une vraie lutte contre la pauvreté passe par la restitution aux plus pauvres des libertés démocratiques.
Mais il ne suffit pas de déclarer les citoyens libres de penser, ou de parler, tous doivent maîtriser les moyens de la réflexion et de l'exercice de la parole. Parce que pour le Père Wrésinski, l'aspiration culturelle est aussi importante que l'aspiration à mieux vivre, le Mouvement ATD Quart Monde n'a cessé de promouvoir l'accès à la parole et à l'instruction afin de permettre aux plus pauvres d'être reconnus dans leur dignité. Dès le début, le Mouvement mène un grand programme : bibliothèques de rues, pivots culturels, semaines de l'avenir partagé, Universités Populaires, pré-écoles familiales. Ces Universités sont des espaces d'expérimentation, de création, des lieux où des adultes de tout horizon, membres d'ATD et membres de la société civile, peuvent réfléchir ensemble et se former à la structuration d'une réflexion et d'une pensée. Les Universités Populaires des différents pays sont reliées et des réflexions s'effectuent à distance avec d'autres membres d'ATD également très pauvres en Europe, USA, Afrique. En Europe, une Université Populaire s'est constituée à Bruxelles et s'y réunit tous les deux ans.
Construire un partenariat avec les plus pauvres :
Il s'agit de se mettre à l'école des populations les plus pauvres et de leur permettre d'affirmer leurs projets. C'est un exercice difficile qui demande du temps. Pour devenir partenaires à part entière, les plus pauvres doivent avoir des chances égales d'accéder au travail, à la culture, et de devenir créateurs de la culture de demain, avec leurs concitoyens plus favorisés. Il faut bâtir la Communauté nationale et internationale à partir de l'expérience des plus pauvres et en collaboration avec eux. Faire une étude sur les Droits de l'Homme sans que les plus pauvres en soient partenaires, c'est déjà un acte de violence des Droits de l'Homme. Le grand combat pour qu'il y ait un lien entre la connaissance qui se crée par les plus pauvres eux-mêmes et les hommes politiques, c'est la reconnaissance qui est faite de cette connaissance, car dans le quotidien, on continue de douter que les plus pauvres aient une pensée constructive.
Il faut signaler la rencontre au Sommet Mondial pour le Développement Social qui s'est déroulée à Copenhague en Mars 1995 (Mme de Vos Van Steenvijk, y participait). La nécessité de construire un partenariat avec les plus pauvres y a été affirmée : "Que tous, hommes et femmes, en particulier ceux et celles qui vivent dans la pauvreté, puissent exercer les droits, utiliser les ressources et partager les responsabilités qui leur permettent de contribuer au bien-être de leur famille, de leur communauté et de l'humanité".
Lettre d'Octobre 1995 Notes de Jacqueline TENET-MERCIER non revues par le Conférencier.
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