GENERALITES:
Le travail de collecte des informations et de production des idees a certes enrichi votre perception.
Il l'a aussi rendue plus confuse par la multiplicité des points de vue et des développements. Il faut donc de temps en temps réaliser des synthèses provisoires, susceptibles d'être de nouveau travaillées par analyse, association ou critique. Les synthèses provisoires n'existent que pour être dépassées par des synthèses plus larges mais plus abstraites, ou bien plus étroites et plus homogènes. La création scientifique, artistique ou politique consiste souvent à changer de niveau de combinaison des éléments en place.
Il faut aussi prendre une vue synthétique provisoirement définitive avant de la traduire en termes simples appropriés pour la communication et l'action.
Comment comprendre un sujet? comment le transformer en décision stratégique?
I-COMPRENDRE
Comprendre c'est transformer en connu quelque chose d'inconnu; c'est aller à l'essentiel, ordonner la matière bouillonnante en éléments distincts reliés par des relations claires.
Au contraire une situation nouvelle, un risque externe, personnel, social ou politique, présente le plus souvent le caractère d'un évènement unique ou d'une circonstance historique sans réel équivalent ailleurs. En outre il se prépare chez autrui, parfois même à l'insu de ce dernier (MM.Gorbatchev ou Honecker faisaient l'histoire mais ne savaient plus l'histoire qu'ils faisaient).
A titre d'exemple, le risque politique n'apparaît pas toujours sous une forme nettement identifiable telle qu'une déclaration de guerre, un arrêté d'expropriation ou un coup d'état. Il ne se traduit d'ailleurs pas nécessairement par un évènement proprement dit, mais peut consister en une lente genèse d'un système dommageable ou contraignant : par exemple les implications de la législation européenne sur la concurrence ou de la sensibilité écologiste, ou l'insécurité urbaine qui menace l'appétit de consommation ou la fièvre spéculative qui embrase périodiquement les promoteurs de grands travaux, les milieux boursiers ou les grands capitaines d'industrie.
On peut faire les mêmes remarques à propos de toute situation confuse appelant la créativité au sein du chaos. Quelles sont les méthodes utiles pour comprendre?
- A-L'EXPERIENCE ET LE BON SENS:
Ils suffisent à fournir un diagnostic valable dans la plupart des circonstances de la vie courante. C'est une réaction spontanée, peu coûteuse, authentique et personnelle, qui entraîne donc facilement notre adhésion même si on ne pêche pas par orgueil intellectuel. On peut d'ailleurs les fortifier par l'exercice permanent du jugement créatif et, bien sûr, par une exploitation approfondie du logiciel "Création".
Il faut cependant se méfier :
- le bon sens est-il vraiment la chose du monde la mieux partagée?
- l'expérience acquise est-elle précisément celle qui convient à la situation précise?
- le bon sens et l'expérience, qui résultent d'une codification de l'acquis,sont-ils les meilleurs supports pour comprnedre le nouveau? pour créer du nouveau?l'expérience, dit-on, c'est la somme des erreurs passées et le bon sens n'est souvent qu'une accumulation d'idees reçues sans examen et de conformismes personnels().
C'est vouloir revenir par l'inconscient à une question simple, sans préjugés:"De quoi s'agit-il?" disait le maréchal Foch. Cette intuition peut survenir très naturellement, par exemple après une nuit paisible ou pendant une promenade en forêt. Elle peut vous tomber dessus comme une pomme de Newton ou vous porter sur les eaux comme Archimède dans son bain.
On peut aussi exercer une forme d'intuition célébrée par la pensée contemporaine. La méthode phénoménologique consiste à prendre une vision intuitive directe de la nature même de l'objet étudié, sans prêter une importance particulière au fait même qu'il existe. Il faut pour cela oublier tout ce qu'on sait par avance sur ce sujet: historique, théories, hypothèses, ainsi que les attitudes subjectives à son égard: préjugés, craintes, utilitarisme, commentaires critiques. On se contente d'en décrire directement et minutieusement la nature.
Par le fait même qu'elle exclut les préoccupations pratiques, cette méthode est surtout utilisable en philosophie, dans la poésie ou les arts plastiques plutôt que dans l'administration ou la vie des affaires. Pourtant l'exercice d'une intuition "essentielle" désintéressée peut rafraîchir la vision des gestionnaires les plus normosés.
On peut aussi se livrer à cette minutie d'intuition inspirée du poète Francis Ponge: "Que ferais-je si j'étais ce coquillage ou ce caillou?" ou cet individu, cette procédure judiciaire? Ou recentrer sa vision de l'espace et du temps avec cette délicieuse remarque de Fontenelle :"De mémoire de rose, il n'y a jamais eu qu'un jardinier au monde".
C- LA DEFINITION
La définition consiste à décrire l'étendue du domaine couvert (définition en extension) ou son contenu (définition en compréhension). C'est l'exercice auquel se livrent le rédacteur d'un règlement d'application, d'un descriptif de pièces détachées, ou d'un mode d'emploi.
Donner une apparence et un nom à une forme vague réduit déjà l'incertitude et déclenche les réactions appropriées: l'angoisse des équipiers du vaisseau spatial peut se changer en technique de combat lorsqu'on a reconnu ALIEN. Et le malaise d'une société se canalise quand on a désigné un ennemi héréditaire ou un bouc émissaire.
Il faut ensuite poser la question préalable à tout inventaire : de quoi on parle, de quoi s'agit-il? quels sont les thèmes et enjeux, quels sont les sujets concernés?
Délimiter l'objet à étudier, le bien ou l'activité concernée par le changement et par quel changement. Quel est le champ de pertinence dans l'espace, le temps, le niveau de profondeur?
Comment se définit-il en extension (nombre, étendue, limites) ou en compréhension (contenu, attributs)?
Bien que permettant en principe de délimiter et inventorier tout phénomène, la définition en fournit une connaissance trop statique. Il faut la compléter par une description dynamique du système de fonctionnement.
D- ANALYSE DE STRUCTURES
La structure est l'organisation statique de toute situation ou toute institution. Elle se manifeste par exemple sous la forme de l'organigramme (qui n'explique pas toujours le sociodrame).
Elle se compose d'éléments (nombre,identité) caractérisés par des propriétés (attributs, valeur, groupement, localisation, limite);
Ces éléments s'organisent entre eux par des relations de position et de hiérarchie, des réseaux de communication et interaction externes et internes (graphe);
On peut aussi dégager des relations de sens: conjonction (et,ni), disjonction (ou bien, ou bien; soit, soit...), opposition, concession (mais pourtant, malgré), inclusion, exclusion (avec, sans, sauf), causes, conséquences, finalités, conditions.
On peut ainsi décrire toute structure en s'appuyant sur des fonctions mathématiques (y=f(x)) ou logiques qui vous paraissent pertinentes.
E- ANALYSE DE SYSTEMES:
On appelle système un ensemble autonome d'éléments coordonnés pour réagir aux stimuli extérieurs et réaliser des objectifs communs.
Il faut préciser les points suivants:
- les objectifs d'ensemble du système et les critères permettant d'apprécier leur réalisation;
- les ressources et réserves disponibles;
-les sous-ensembles influents, leurs buts, leurs activités, la mesure de leur performance. Ces sous-ensembles peuvent être, selon le cas, des unités organiques constituées empiriquement, ou bien des structures logiques dégagées a posteriori par l'analyse ou encore des mécanismes et forces en présence.
Plutôt que des éléments abstraits de la structure on aura avantage à distinguer des acteurs (identité, attributs, attitudes et aptitudes).
- le mode de régulation du système.
* dans le temps: Le fonctionnement par flux (relais, interactions, boucles, rétroaction) et par vannes (contrôle des débits, centres de décision et régulation);
* la relation avec l'environnement extérieur: interfaces, interactions.
Cette analyse de système ne doit pas être considérée trop vite comme une explication mais simplement comme une commodité de présentation. Si l'analyse de système a été très pratiquée dans la compréhension des phénomènes physiques et sociaux, elle présente trop de postulats ou d'incertitudes pour fournir une explication absolue, donc un système fiable de prévision.
La mise au clair du système fournit une assez bonne approche de compréhension et une possibilité de prévision. A condition, bien entendu qu'on soit en mesure d'apprécier le système en mouvement (comment? pourquoi? pour quoi?).
F- FORMER DES IMAGES MENTALES
Le cerveau humain ne raisonne pas facilement sur des chaînes logiques et des calculs. Il projette plus ou moins confusément des images flexibles et floues qui représentent la réalité de manière analogique ou par allusion. Ces images ne traduisent pas rigidement ni objectivement les réalités mais elles sont immergées dans l'expérience d'une personne (la madeleine de Proust) ou d'une collectivité (mémoire d'une nation).
Il existe un continuum entre les images graphiques (portrait, statue, dessin), les images optiques (miroirs, projections), les perceptions (données des sens, apparitions), les images mentales (rêve, souvenir, idée, fantasme) et les images verbales (description, métaphore...). Elles se conditionnent réciproquement: un film récent ou la perception d'un tableau inspire vos rêves qui suscitent une vision de l'avenir ou une métaphore poétique.
Il est intéressant de s'appuyer sur l'image pour soutenir les idees. Peut-on aller jusqu'à penser par images en négligeant les raisonnements logiques et les formulations linguistiques? Dans le domaine artistique, c'est sans doute possible. Dans les domaines techniques (médecine, ingénierie, guerre) c'est partiellement possible. Dans les sciences humaines, la créativité peut s'appuyer au départ sur une vision floue ou un schéma graphique, mais son développement appelle l'emploi de chaînes de raisonnements logiques et de propositions verbales.
La palette des images s'inspire de la création artistique (voir chapitre sur les Arts): il s'agit de points, lignes, surfaces, réseaux plus ou moins positionnés, orientés, colorés etc...
Icônes, Cartes, graphiques ou images peuvent servir pour:
- attirer l'attention sur un objet flou (schémas et modèles), favoriser les associations entre objets;
- rendre compte par des quantificateurs de la dimension des catégories, des hiérarchies de concepts;
- figurer des raisonnements de causalité ou finalité;
- représenter graphiquement des conceptions et arguments stratégiques.
La question est un outil essentiel à la connaisance. Elle peut servir
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