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"Rien ne va de soi, rien n'est donné, tout est construit" Bachelard
"Tout système tend vers son état le plus probable qui est celui du désordre maximum "
"Demandez à un mille-pattes comment il avance et il attrape une migraine" F.Michelin
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GENERALITES
Décrire correctement une situation, c'est déjà la comprendre donc partiellement l'expliquer. Mais pour agir on a souvent besoin de repérer les invariants et les variables, les processus, donc d'expliquer les causes et les moteurs. |
UTILITE
Le marchand de chaussures et l'opérateur boursier peuvent se passer d'explication : le marché incorpore automatiquement les divers facteurs de décision et les comportements d'acteurs concernés, puis affiche les prix. Inutile alors de construire des théories ambitieuses: il suffit de suivre le marché puisque, selon les postulats des économistes, les acteurs sont à la fois parfaitement rationnels et parfaitement informés.
Si on ne croit pas aux postulats des économistes, il faut rechercher des explications.
Il faut aussi en rechercher lorsqu'il n'y a pas de marché: c'est évidemment le cas pour les coups d'état et la révolution des valeurs de société. |
B- COMMENT EXPLIQUER?
Le dictionnaire relève l'ambiguïté de l'explication dont les différentes approches traduisent bien, en tout cas pour les sciences humaines, le caractère subjectif.
L'explication peut être construite comme un effort d'éclaircissement du sens; puis comme une recherche des règles et des preuves; elle débouche le plus souvent sur la rhétorique des motifs ou des raisons alléguées pour agir.
Il n'est pas nécessaire de comprendre un phénomène pour en expliquer l'existence ou l'essence. Il suffit pour cela de le rattacher de manière convaincante à des phénomènes connus tels que des grandeurs économiques ou des séries chronologiques et de calculer des corrélations.
On peut rattacher les révolutions politiques françaises à la misère du peuple (indicateurs de pauvreté) ou à la douceur du printemps (mai 1789, mai 1804, mai 1936, mai 1958, mai 1968, mai 1981...), ou encore à des cycles d'état de grâce et de révolte ("les Français veulent être commandés mais c'est pour avoir l'occasion de désobéir")?
Les économistes ont parfois prévu la santé économique en fonction d'indicateurs significatifs:la consommation d'énergie ou le papier-carton. Certains techniciens de marketing constatent l'anticipation de l'opinion par les thèmes des chansons populaires.
Si des corrélations sont vraiment établies, à grand renfort de nuages de points et de régressions, et si vraiment rien ne change ensuite dans les mathématiques de l'Histoire, alors on est vraiment maître de l'avenir. Mais qui nous garantit les mathématiques de l'Histoire? |
2°) Les règles
Pour essayer de prévoir un phénomène social, par exemple les révolutions ou les guerres, il paraît préférable de mettre au clair les règles qui en déterminent le fonctionnement, plutôt que de chercher des corrélations dans les astres ou dans les entrailles des victimes d'un sacrifice.
Quelles règles? S'appliquent-elles aux diverses formes du phénomène étudié? S'appliqueront-elles encore dans l'avenir?
* on peut repérer des formes spécifiques de l'évolution : cycles longs de l'économie (Kondratiev), rôle de la révolution sociale (Marx), schéma des révolutions scientifiques (Kuhn), apparition de bifurcations;
* on peut aussi insister sur certains facteurs : l'innovation technique (Clark, Fourastié), les formes de production et la lutte des classes (Marx), la pression démographique (Durkheim), les minorités actives ("entrepreneurs colériques à la nuque rouge" selon Schumpeter, élites politiques selon Pareto), les valeurs et mentalités (éthique protestante selon Weber), la prééminence de l'information sur l'énergie (modèles cybernéticiens du changement)...On peut construire par induction des arbres d'évènements déclencheurs de danger; on peut analyser des arbres de défaillance par déduction des pannes de système...
* plus généralement, on peut invoquer une sorte de recherche de finalité de l'Histoire (téléologie) vers l'entropie (désordre généralisé) ou un ordre préétabli (millénarisme, Cité de Dieu).
En matière politique, aucune de ces explications n'est empiriquement démontrée ni scientifiquement prouvée, par induction généralisable pour tous lieux et pour tous espaces, ni par déduction à partir de principes supérieurs inattaquables.
Au total, l'explication historique du changement ou du risque repose assez largement sur un acte de foi: "il faut le croire pour le voir".
Il n'existe sans doute pas d'explication générale. Tout au plus peut-on, avec modestie, utiliser prudemment des "théories de moyenne portée" valables dans des champs bien circonscrits. |
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C- CONSTRUIRE DES EVIDENCES
La création est un saut dans l'inconnu, l'expérimentation n'existe pas toujours. Par exemple en matière politique ou sociale: on ne peut, par souci de rigueur scientifique, susciter des guerres et des révolutions en éprouvette ou en grandeur nature avec des cas suffisamment homogènes et en nombre suffisant pour permettre l'extrapolation. Les lois de l'Histoire ne se calculent pas et, comme le dit GB Shaw : "On apprend de l'Histoire qu'on n'apprend jamais rien de l'Histoire".
Il faut donc interpréter, donner un sens aux observations et construire puis transmettre une évidence à partir d'éléments d'ordre rhétorique : rassurer par le sérieux de l'expérience acquise, par la cohérence des arguments de preuve...et par leur simplicité communicative et sécurisante (Cassandre a toujours tort).
Le décideur n'a guère le temps de lire, ni même de réfléchir : en matière de risques graves, il "zappe" comme la plupart des humains. Il se contente souvent de représentations schématiques du monde, des "visions stratégiques", en fonction desquelles il entamera une action susceptible de correction et d'enrichissement par essais et erreurs: c'est l'approche de la vérité par l'apprentissage (comme l'expérience est la somme des erreurs accumulées).
Pour les plus heureux, c'est la création de l'avenir, côté prométhéen qui flatte l'ego et dispense des difficiles réflexions sur l'avenir au profit de l'action. Dans la formation de cette "vision stratégique", l'éducation familiale, le déjeuner de club, les relations entre confrères jouent un grand rôle.
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PRESENTATION On peut aussi favoriser la prise de conscience, la perception des ensembles risqués, par une combinaison de concepts-clés et d'images symboliques. Le simple fait de reproduire en clair, sur une feuille blanche, le résultat des travaux de créativité peut singulièrement vous aider à les comprendre:
-résumés;
-listes de mots-clés, d'idees-forces présentées en tableaux ou en "cartes mentales" décrivant le graphe de relations entre les concepts.
-visualisation par un dessin "dessine-moi un mouton..."ou un schéma qui, comme on sait, vaut mieux qu'un long discours.
Interpréter (ou transformer?) la réalité par une représentation cohérente, c'est un privilège des humains, et des plus humains parmi eux, à savoir les décideurs, "les entrepreneurs colériques à la nuque rouge" dont parle Schumpeter. Il leur reste cependant à s'adapter ou à s'excuser quand la réalité du risque n'a pas correspondu à leurs conceptions et quand le dégât s'est abattu sur autrui. |
PERSPECTIVES |
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