ORGANISATION
COMMENT?
1) Relations d'ordre: les Structures Pour déterminer la structure, on repère comment les éléments se répartissent:
a) dans l'espace (Où?): Classement des éléments en fonction des volumes occupés, de leur éloignement, , des difficultés d'approche, des cheminements.
b) dans le temps (Quand?) éléments successifs, simultanés (on prépare les matériaux de second oeuvre pendant la construction des murs)
c) dans l'ordre logique: induction (de l'exemple à la règle); déduction (prémisses, développement, conclusion); dialectique (thèse, antithèse,synthèse);
d) autres relations possibles, selon les lois de la mécanique, de la biologie, de l'ordre juridique etc...
e) le classement en dimensions: l'ordre hiérarchique ne détermine pas suffisamment les rapports entre éléments : un cheval et une alouette ne font pas un pâté équilibré. L'Allemagne est le premier partenaire commercial de la France, oui mais pour quelle part?
f) le classement dans l'ordre des valeurs: du meilleur au pire, du plus au moins actif etc...
2) Relations opératoires: Fonctions et Mécanismes
Réunir les éléments par groupes de moyens (équipes, régiments, capitaux permanents...) relève à la fois des relations d'ordre et des relations opératoires ou fonctionnelles. Compte tenu de leur intérêt pour la mise en oeuvre des idees nouvelles, on les étudiera dans le chapitre consacré aux synthèses.
Les ingénieurs en organisation ordonnent les éléments dans un schéma de relations dynamiques:
* suite logique des éléments dans un ensemble en fonctionnement cohérent (ex:construction d'un bâtiment);
* sous-ensembles distingués selon le modes de traitement des informations;
* mode de passage aléatoire ou obligé d'un élément à un autre: Les médecins utilisent le "tracking" d'un liquide pour étudier le fonctionnement du tube digestif. Dans l'administration, on examine le cheminement d'une lettre ou d'une procédure. Les spécialistes d'opinion publique repèrent le cheminement des rumeurs pour distinguer des liens au sein de la population...
* les interactions: Comment les sous-ensembles réagissent-ils les uns sur les autres ou sur l'ensemble du système?
La fonction apparente n'est pas toujours respectée: au football, le demi-gauche rêve de jouer à l'avant-centre et cela perturbe son jeu (c'est encore plus grave dans le cas du gardien de but). Des relations affectives dégradent les tâches fonctionnelles, quand le demi-gauche déteste l'avant-centre et sert continuellement son ami, l'ailier droit.
Un sous-groupe ne vise pas seulement à contribuer aux tâches collectives; il veut affirmer sa sécurité propre, son prestige ou sa propre conception des objectifs d'ensemble. Au rugby, le groupe d' avants pratique volontiers un style de jeu dont les trois-quarts se trouvent exclus ("Trois-quarts ailes de tous les pays, unissez-vous!").
La plupart des activités collectives n'obéissent guère à des choix rationnellement optimisés mais à des compromis de fait traduisant l'équilibre des forces et des enjeux. Ceci est particulèrement évident pour les zones-frontières ou carrefours entre domaines où s'affrontent des compétences opposées mais toutes parfaitement légitimes: par exemple, les choix publics en matière d'environnement, d'aménagement du territoire, de relations économiques extérieures...Prendre en compte le sociodrame qui se joue au sein de l'organigramme est une source de sagesse et de...créativité.
3) Relations de Fonctionnement: les Processus.
a) Fonctionnement dans le passé:
- Méthode historique: Comment est né le phénomène, comment il a évolué en face de situations changeantes, quelles sont les périodes ou étapes significatives? La méthode historique est appréciée des analystes de politique étrangère et des critiques littéraires du début du siècle.
- Méthode génétique: Approfondissement de la méthode précédente, elle élague ce qui, dans l'histoire, est occasionnel, accessoire ou superficiel pour se centrer sur la genèse du phénomène, les moteurs et les freins mis en oeuvre. Ceci permet de dégager comment et pourquoi le phénomène s'est construit et aussi les raisons de difficultés en insistant sur le mode d'organisation, les moyens, l'évolution des objectifs.
- Méthode du bilan: Comme en comptabilité, elle consiste à faire le point, à un moment donné, des résultats cumulés. Le bilan peut se combiner avec un jugement (Forces et faiblesses), une comparaison dans le temps (progression ou recul) ou dans l'espace (rentabilité comparée...).
b) Fonctionnement dans l'avenir:
Explorer les avenirs possibles d'un système revêt une évidente utilité pratique. Cela permet aussi d'enrichir la compréhension du phénomène étudié en faisant apparaître des développements inattendus. Par exemple, l'extrapolation d'une économie nationale met en évidence des valeurs négligeables: "les faits porteurs d'avenir" s'épanouissent en "tendances lourdes"; l'intuition du romancier préfigure l'évolution des modes de vie.
L'exploration de l'avenir s'appuie sur diverses méthodes bien connues par exemple des économistes:
- extrapolation de séries temporelles anciennes;
- corrélation avec un phénomène dont l'évolution est déjà connue;
- élaboration et simulation de modèles. Les modèles sont des représentations simplifiées de processus réels; la simulation fait fonctionner ces modèles par un calculateur ou par un joueur humain. Une application voisine vise l'élaboration de scénarions du possible: largement employés dans le domaine militaire (Kriegspiel ou War Games), dans les écoles de gestion, et dans la futurologie (Herman Kahn et la Rand Corporation). La planification économique s'en inspire largement et il ne serait pas impossible de l'étendre à la plupart des domaines d'activité collective.
c) Fonctionnement dans l'espace:
- A l'intérieur des limites: Comment évolue le système à l'intérieur de ses limites normales d'action? Comment se modifie-t-il en fonction du milieu interne? Comment s'applique dans chaque région française la politique sociale ou l'enseignement des langues? Quelle est la physionomie du marché boursier dans différents pays?
Les systèmes se décortiquent comme des langoustes. L'examen des jointures internes et des limites externes repère les endroits où les problèmes changent de nature et de logique. Il est important de s'interroger sur la nature exacte et la capacité régulatrice de cette frontière : une frontière politque est-elle aussi une barrière pour les marchandises, les paiements, la langue, la télévision, les formes de culture, les modes de vie.
- Au delà des limites: "Quand les bornes sont franchies il n'y a plus de limites ": cette évidence ouvre un large champ à la créativité. Ce qui se passe au-delà des frontières reconnues est décisif bien sûr pour découvrir des terres nouvelles (Christophe Colomb, voyages spatiaux) mais aussi pour comprendre les conditions de viabilité d'un système (caravelle, aéronef, la Grande Armée en Russie). Pour John Le Carré ou Vladimir Volkoff, la véritable justification des services secrets c'est la connaissance de nous-mêmes plus encore que celle de l'adversaire...
On peut aussi préciser les conditions d'influence du milieu externe: quelle est la capacité d'influence des Etats-Unis sur l'Europe? comment le climat agit-il sur l'agriculture?
Entre deux espaces connus s'étend parfois une "Terra incognita" riche de virtualités : au XIX° siècle, les espaces vides attirent les colonisateurs au centre de l'Afrique; les spécialistes de marketing recherchent le "créneau" ou "la niche", les cases non remplies la classification de Mendeleev invitent à créer des éléments chimiques nouveaux.
Une autre méthode créative consiste à remplacer une limite absolue par un passage progressif de l'intérieur à l'extérieur: de l'obscurité à la lumière, du blanc au noir, de la coopération au conflit...
On peut aussi, à partir d'un contenu bien défini en étendre progressivement le champ d'application pour déterminer ce qui change. Le repérage des seuils de résistance au changement est important: quand et comment le système s'adapte-t-il sans se briser? quand se modifie-t-il de manière fondamentale? Des élèves un peu pervers taquinent un professeur placide pour savoir jusqu'où il conservera son calme. En période de paix, les navires de guerre effectuent de petites manoeuvres de provocation pour tester la réaction de l'adversaire potentiel.
Enfin l'extrapolation jusqu'au point extrême de validité et même au-delà (raisonnement par l'absurde) permet de tester la solidité et les fondements du système. Le pathologique éclaire le normal, le contentieux révèle les principes du droit... |