La neutralisation des armes détenues clandestinement par l’Armée républicaine irlandaise (IRA, Irish Republicain Army) et par les trois principaux groupes loyalistes (UDA, Ulster Defence Association ; UVF, Ulster Volunteer Force ; LVF, Loyalist Volunteer Force) a été une condition nécessaire pour sortir du conflit qui a secoué l’Irlande du Nord depuis plus de trente ans. Ainsi, les accords de paix du « Vendredi saint », signés le 10 avril 1998 et salués comme une avancée politique majeure, prévoyaient un processus de désarmement complet de toutes les structures paramilitaires devant prendre fin au plus tard le 22 mai 2000. Mais cette question du decommissioning a été à l’origine de nombreux blocages.

• Les arsenaux des groupes paramilitaires
  Les arsenaux de l’IRA étaient répartis dans plusieurs dizaines de caches souterraines situées dans des zones rurales de la République d’Irlande et, secondairement, de la province britannique d’Irlande du Nord. À cela, il faut ajouter le fait que le mouvement disposait d’un certain nombre d’ateliers clandestins de fabrication d’armes.
  D’après les enquêtes réalisées par les services de sécurité britanniques et irlandais, le stock d’armes du mouvement en 2000 était le suivant : un millier de détonateurs et 2 à 3 tonnes de Semtex (plastic incolore et inodore d’origine tchèque) ; de 1 à 3 lance-missiles de types Sam 7 et au moins 9 missiles (seule arme à n’avoir jamais été utilisée) ; environ 600 fusils d’assaut AKM, 400 AK 47 (Kalachnikovs) et 40 M 16 Armalite ; une vingtaine de mitrailleuses lourdes DSHK et une douzaine d’autres de calibre inférieur ; 6 lance-flammes ; environ 40 lance-grenades RPG 7, ainsi qu’une centaine de grenades à main ; une soixantaine de revolvers Webley, une vingtaine de pistolets Taurus, et entre 500 et 600 autres armes de poing ; enfin, environ 2 millions de munitions.
  Le travail des forces de l’ordre britanniques et irlandaises en matière de démantèlement n’est pas négligeable, puisqu’il a permis la saisie, de 1992 à 2000, d’environ la moitié de l’arsenal que l’IRA avait reçu de la Libye en 1992, à savoir : 6 tonnes d’explosif Semtex, 1 500 fusils d’assaut AK 47, 1,5 million de cartouches, 20 missiles sol-air Sam 7, 50 lance-roquettes RPG 7, 10 lance-flammes, 20 mitrailleuses lourdes DSHK, 600 détonateurs et plusieurs dizaines d’armes de poing.
  En ce qui concerne les arsenaux des trois principaux groupes loyalistes, les estimations pour l’année 2000 sont moins précises : une quantité inconnue d’explosifs, environ 200 grenades, 80 mitrailleuses, une centaine de fusils d’assaut, environ 20 RPG 7 et 800 pistolets/revolvers.
• Processus de paix et désarmement
  Dans un premier temps, le processus de paix, lancé à la fin des années 80 et au début des années 90, ne fait aucune allusion à une neutralisation des armes, aussi bien républicaines que loyalistes. Il faut attendre les pourparlers officiels du 9 décembre 1994 – dits de Stormont Castel – entre le Sinn Fein, l’aile politique de l’IRA, et les autorités britanniques pour que soit abordée la question de la mise hors service des armes des terroristes.
  Historiquement, il convient de rappeler qu’en Irlande, les armes n’ont jamais été déposées, excepté en 1916, suite au soulèvement des « Pâques sanglantes » : l’arsenal était alors soit enterré, soit jeté au fond des lacs.
  Toutefois, et malgré cet héritage culturel, le Sinn Fein affirme son désir de discuter du démantèlement, élément essentiel du processus de paix.
  Ainsi, une commission internationale est créée en 1995 afin d’élaborer un rapport sur la neutralisation des armes.
  En 1998, les signataires des accords du « Vendredi saint » réaffirment leur engagement et confirment la poursuite de la collaboration avec la commission. En effet, en mai 2000, l’IRA ouvre un certain nombre de caches d’armes aux inspecteurs internationaux qui constatent que celles-ci sont stockées de manière sécurisée. Ce tournant est qualifié d’important et de significatif par les principaux acteurs alors investis dans cette lutte, dont Bill Clinton, Tony Blair et le Premier ministre irlandais Bertie Ahern.
  Un des problèmes rencontrés est que, malgré son profond désir de renoncer aux armes, l’Armée républicaine irlandaise a toujours fait attention à ne pas offrir le spectacle d’une capitulation. Ainsi, en 2004, le Sinn Fein s’est opposé à la prise de photos prouvant que l’arsenal militaire de l’IRA a bien été mis hors d’usage, considérant cette requête humiliante.
  Toutefois, l’heure est aujourd’hui à l’optimisme, et le processus de paix est réellement conforté depuis 2005 : le 28 juillet, l’IRA ordonne à tous ses militants de déposer les armes, dont la destruction sera supervisée par la Commission internationale indépendante de désarmement (Independent International Commission on Decommissioning) mise en place en 1995 et présidée par le général canadien John de Chastelain. De plus, en octobre 2006, la conclusion du douzième rapport d’experts de la Commission indépendante de surveillance (IMC, Independent Monitoring Commission), créée en octobre 2004 par Londres et Dublin et dirigée par l’ancien directeur de la CIA, Dick Kerr, précise que le mouvement est désormais engagé de manière irréversible sur la voie de la paix : les structures militaires ont été démantelées (quartier général, services de l’approvisionnement en armes, de l’ingénierie et de l’entraînement des militants), aucune arme n’a été acquise ou développée et l’IRA n’a été impliquée dans aucune fusillade depuis 2005. Toutefois, il existe encore une poignée de dissidents irréductibles – républicains comme loyalistes – ayant toujours pour but de propager une violence terroriste extrême, et les états-majors politiques ont pris conscience de l’importance de réintégrer les anciens paramilitaires, qui, dans le contraire des cas, pourraient à nouveau recourir aux armes.
  

Liens :

Irlande du Nord
http://www.nio.gov.uk/index.htm : site du bureau du ministère britannique responsable de l’Irlande du Nord, avec l’accès aux rapports de l’Independent International Commission on Decommissioning.
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/ulster/ : dossier spécial.
http://www.lemonde.fr : dossier « Le long processus de paix en Irlande du Nord » (accessible aux abonnés uniquement).