L'Amiral Jacques Lanxade déclare, en liminaire, qu'il va essayer "de ne pas être en contradiction avec les nouvelles autorités politiques..."

Le contexte géostratégique contemporain

En 1989 on a cru qu'une coopération de sécurité collective allait se substituer à la confrontation Est-Ouest. Cet idéal d'un monde sans menace" a été déçu du fait que de fortes tensions se sont trouvées libérées alors que disparaissait l'organisation de la guerre froide. Apparaît " un monde instable et incertain " dont les exemples abondent au sein de la CEI, dans les Balkans, en Chine, au Moyen Orient etc..Réussirons-nous à juguler les crises ou connaîtrons-nous un prolongement de cet état de choses ? Ces crises prennent des tours jusqu'alors peu répandus : prolifération anarchique d'armes de destruction massive, terrorisme, développement de mafias et de la drogue. Elles se profilent dans un contexte de "mondialisation des dossiers" et les médias en donnent une image qui constitue une sorte de nouveau front dont on doit tenir compte : "tous les dirigeants ont CNN dans leur bureau !" Certes, en Europe, nous vivons dans un environnement relativement protégé "mais ce n'est pas si sûr".Le triple rôle de la France dans ce nouveau cadreDu fait de son histoire, son histoire, son implantation et sa volonté, "la France est une puissance qui compte" et qui réalise sa défense pour ses intérêts vitaux, elle est, d'autre part, en voie d'intégration européenne sur un certain nombre de plans ; enfin elle joue un rôle mondial comme puissance nucléaire t membre du Conseil de sécurité.Cette situation est évolutive, particulièrement sur l'Europe, et elle est fonction des avancées politiques et de transferts de souveraineté. Cette évolution sera très progressive et se répercutera sur la manière dont la France gérera sa défense. Actuellement l'Europe de la défense est très active. Les stratégies connaissent des variations : les armements conventionnels ont repris de l'importance. L'état du monde permet de le comprendre.Les nouvelles menaces, les nouvelles alliances

"Tous les indices montrent la dégradation économique dans tous les secteurs de la fédération russe", l'aggravation des conflits, l'incapacité des dirigeants à penser une politique nationale et non de clans. La coopération en Europe entend prévenir les conflits. La CSCE a laissé la place à l'OSCE " c'est le lieu où on peut discuter avec les Américains et Canadiens en Europe". A cet égard "le récent sommet de Budapest est loin d'être négatif".

"En dessous de cette organisation", il y a l'Alliance Atlantique. La France, qui y a une place à part, s'efforce de changer le point de vue des Américains sur l'Europe et ses problèmes. "L'Alliance" tente de s'élargir aux pays de l'Est, mais l'ambiguïté de pays comme la Pologne, l'Ukraine et les pays Baltes est totale vis à vis de la CEI qui refuse d'y entrer. Il ne faut pas reconstituer " un nouveau rideau de fer" à l'encontre des Russes qui s'en plaignent et encourager un renforcement de leur système de défense.

Au sein de l'U.E.O, organe militaire européen de l'ouest, les développements sont en cours, influencés par la crise yougoslave (corps européen, Forces Italie-Espagne, Groupe Aérien Franco-Britannique, Corps d'armée Pays-Bas-Allemagne). Cette évolution positive fera peut-être de l'U.E.O l'organe militaire de l'Union Européenne de Maastricht où n'existe aujourd'hui qu'une intersection commune".

L'Amiral Lanxade précise encore le rôle de la France dans l'action coopérative (plutôt que collective...) et rappelle le succès du "Pacte de Stabilité" initié par elle pour amener les pays de l'Est à régler leurs problèmes de minorité et de frontières. Le " partenariat pour la paix" ouvert à tous les pays, issu de l'Alliance, l'élargissement aux pays de l'Est de l'Union européenne su certains plans permettent enfin de parler de sécurité sans recréer un bloc militaire d'une manière démocratique.

Pour une image positive et réaliste de l'avenir

Les militaires s'efforcent de dompter l'angoisse de l'incertitude en formulant des scénarios... Six sont retenus par la défense française, couvrant les crises "régionales" (2 scénarios), les territoires d'outre mer, les accords de défense avec les pays amis, le soutien des Nations Unies, une menace majeure contre nos intérêts vitaux. Nos forces sont pensées dans ces perspectives, prête si possible aux conflits qui en relèvent et dont les exemples récents sont reconnaissables (Rwanda, Cambodge, Irak...). L'on sait en outre les considérables tensions de l'Algérie, l'Afrique noire, la péninsule arabique, l'Iran ("qu'il ne faut pas diaboliser"), les deux Corées, le Cachemire, le Pakistan... Face à de telles éventualités la France pourra se retrouver seule ou souvent avec d'autres dans le cadre de ses alliances avec une organisation (GIFM) modulaire.

L'Europe politique qui se dessine est sans aucun doute le siège d'une grande espérance de sécurité commune et de stabilité, et ira se développant, changeant les configurations d'aujourd'hui et permettant aussi de supporter les frais gigantesques des armes modernes. Notons : le tout prochain satellite d'observation, les forces projetables, -avions, blindés -, les moyens de cette projection : maritimes, aériens, routiers etc...

Mais c'est sans état d'âme que la France se prépare à des situations instables et presque imprévisible. Disposant d'un "Conseil de sécurité" propre assez enviable (Ministères, Ministre, Présidence, Armée), des soldats bien préparés, sans exclure la conscription républicaine, une industrie importante, des méthodes de pensée efficaces tournées vers la prospective, notre pays se veut surtout vecteur de paix, parlant à la Russie démocratique, à nos grands alliés américains parfois déphasés, et appuyé sur l'environnement européen, par chance l'un des plus stables et des plus amicaux qui soient. Faut-il dans ces conditions peaufiner l'arme nucléaire , "Notre force est valable jusqu'en 2010, c'est à ce moment que se posera la miniaturisation" le Chef d'Etat-major a-t-il livré toute sa pensée ?

Lettre de septembre 1995 Notes d'Henri Douard, non revues par le Conférencier