Pax socialista
Cela a commencé comme une plaisanterie, comme un de ces petits mots faciles, destinés à déstabiliser l’adversaire, que nos hommes politiques aiment bien utiliser. Ceux qui en ont entendu parler ont d’abord été lents à réagir, d’ailleurs. Et puis Collomb revient régulièrement dessus, soufflant le chaud et le froid, mais dans une direction globale qui se précise progressivement.
En effet, Collomb fait de plus en plus savoir qu’il se voit présidentiable pour le Parti socialiste. Pour justifier ses prétentions, il rappelle qu’il a mis 20 ans à devenir maire de Lyon et qu’à ses débuts personne ne l’aurait donné comme pouvant un jour réussir. Et donc, dans cette logique, si sa candidature pour l’instant n’est pas forcément prise au sérieux, il pense à ses chances. D’autant plus qu’il semble que certains, au siège du Parti socialiste, lui donnent à penser qu’elles sont réelles !
Ce qui amène immédiatement plusieurs réflexions.
La première est que dans ce Parti socialiste, où les luttes de pouvoir sont continuelles, il est connu qu’il n’y a rien de tel pour détruire quelqu’un que de le pousser à faire valoir ses ambitions au grand jour, en le soutenant au début, pour après le lâcher (voire, pour les plus adroits, rester à ses côtés pendant qu’on fournit aux autres de quoi le faire tomber) et l’amener à échouer. Ce n’est certainement pas à Gérard Collomb, qui use et abuse de ce système, que l’on va apprendre ça ! Mais les égos démesurés des élus en quête de toujours plus de pouvoir et de reconnaissance, les cours attentionnées qui salivent déjà des places à s’attribuer si Gérard Collomb était Président (ces mêmes cours qui se voyaient dans les ministères si Ségolène avait gagné), tout cela n’aide pas à garder la tête froide.
Ceci étant, quiconque a déjà vu Gérard Collomb prendre la parole en public aura un léger sourire en coin en l’imaginant mener campagne pour la présidentielle… Prestance, aisance et charisme sont des éléments indispensables pour un candidat. Collomb est intelligent, fin calculateur, redoutable stratège, négociateur hors pair, mais il lui manque cela…
La deuxième est que Gérard Collomb, comptant bien entendu profiter du mauvais résultat aux européennes, est déjà en train d’expliquer que loin d’être un baron, il est surtout un moderniste. Ah, le modernisme de la féodalité, quelle merveille ! Parce que, clairement, Gérard Collomb est un baron et même un des plus teigneux. Parce que par rapport aux autres barons, il a réussi à imposer de manière implacable une loi du silence qui fait que même les principaux journaux sur Lyon n’osent plus faire état de simples faits qui pourraient s’avérer gênants pour ce baron de province (Thomas Collomb au Sytral, le directeur de cabinet du Grand Lyon qui part chez GL Events qui a profité des commandes du Grand Lyon, par exemple). Mais c’est justement là que se situe le point le plus faible de la démarche de Gérard Collomb : s’il a réussi à imposer cette omertà sur Lyon, usant de tous ses réseaux, une ambition nationale va mettre en pleine lumière ses actes et agissements, et il y a fort à parier que bien peu de gens ne les apprécient !
Un exemple ? Lyon Capitale (j’ai une pensée émue pour Raphaël Ruffier qui prend le risque de se faire à nouveau gifler par Caroline Collomb) surprend tout le monde en sortant un article complet sur la façon dont Thomas Collomb (fils de Gérard Collomb et ex-capitaine de police) va se retrouver tranquillement responsable de la sécurité au Sytral (transports en commun lyonnais, dans lequel la majorité des élus, décisionnaires, dépend de Gérard Collomb). Mais aucun autre journal lyonnais n’a osé en parler. C’est pourtant un incident grave, qui fait poser question sur la légalité de cette affaire et, en tout état de cause, sur la moralité et l’éthique de cette nomination. Mais que Gérard Collomb se retrouve présidentiable, et d’un seul coup tous les médias nationaux vont s’intéresser à son parcours. Et alors, ce genre de « détail » ne sera plus négligé.
Et d’ailleurs, la masse de commentaires que cet article a suscité devrait amener Gérard Collomb à une réflexion simple : un peu comme le lait qui bout sur le feu, quand cela commence à déborder, il est déjà trop tard pour éteindre le feu sous la casserole. De la même façon, l’abus de ces petites magouilles, quand il commence à susciter l’énervement de la population, il est trop tard pour y mettre le hola.
Lyon Capitale, un peu taquin, a de plus mis en ligne un petit sondage pour demander à ses lecteurs s’ils voyaient Gérard Collomb présidentiable. Et rien que le remplissage de ce test est en soi assez drôle. En effet, quand dans les premiers jours Collomb obtenait un maximum de 17% de oui, sur environ 1500 personnes qui avaient répondu, sa cote est brusquement remontée à 19% grâce à l’apport de quelques voix, sûrement peu intéressées…
19 % de 1930 personnes, cela ne fait guère que 366 votants, autrement dit ce résultat peut tout à fait être le résultat de votes multiples (possible sur ce site) d’une petite vingtaine de membres du cabinet de Collomb, passant une heure à améliorer les scores… Voire d’un malheureux désigné pour passer sa journée à ça… Ayant cela en tête, ses 19 %, qui plus est sur un sondage de Lyonnais, n’est certainement pas de nature à valider les chances de Gérard Collomb pour la présidentielle.
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